-
- "Ni le tableau de Pieter
Breugel l'Ancien dit «Le Dénicheur» ni son
dessin dit «Les Apiculteurs» ne doivent leur nom
à leur auteur mais à la fantaisie des spécialistes
qui avaient pris l'habitude de les traiter en marge des méthodes
philologiques. Faute de temps nous retiendrons seulement ceux
de nos prédécesseurs et celles de leurs thèses
susceptibles d'aider à la manifestation de la vérité.
(...)
-
- En 1902 M. Rooses (1) et
en 1905. A.L.Romdhal ne voient dans le dessin qu'une scène
d'apiculture.
- En 1907 Hulin de Loo dit
que le proverbe qui se trouve écrit dans le dessin explique
le sens du tableau : «qui Voit le nid le Voit qui le Vole
l'a». [proverbe flamand qui
dit : "dije den nest weet dije weeten, dijen rooft dije
heeten" : Celui qui voit le nid a la connaissance, mais
celui qui le prend en a la possession. NDE]
- En 1926 L. Armbruster (2)
décrit avec réserves le dessin comme étant,
peut- être, la représentation d'une scène
de capture d'essaim.
- (...)
- En 1938 L. Armbruster (4)
se ravise et dit que le dessin aurait pu représenter une
scène de transhumance apicole si l'endroit avait été
aménagé pour, mais que des détails techniques
tels que la forme de la toile à bâillonner les ruches,
entre autres, ne correspondant pas à ceux de la réalité,
il fallait admettre soit que Breugel avait oublié ces
détails, soit qu'il avait voulu représenter quelque
chose d'autre qu'une simple scène d'apiculture.
- (...)
- En 1939 L. Armbruster (6)
analysant le texte de N. Jacob montre que le mot «Nest»
est attesté en 1568 dans le langage des apiculteurs pour
nommer le «Brutnest», le nid à couvain
qui désigne l'espace situé au milieu de la ruche
occupé par les oeufs, les larves et les nymphes.
- (...)
- En 1949 K. Bostrôm
(9) après avoir effleuré bon nombre d'hypothèses,
conclut que dans le dessin aussi bien que dans le tableau il
s'agit de la représentation de principes éternels
: «L'activité et la passivité, le courage
et la lâcheté, l'habileté et la sottise...
La pensée qui se trouve exprimée dans le tableau,
-ajoute t'il- est sans lieu ni temps, un problème sans
solution, une question sans réponse : pourquoi le bon
est-il sot et pourquoi le mauvais est-il malin ? ».
- (...)
- En 1957 C. Kreuzberg (10)
s'appuyant essentiellement sur l'ouvrage de Clutius, «Van
de Byen» et celui de P. Lindemans sur l'histoire de l'agriculture
belge, revient à l'hypothèse de la transhumance
abandonnée par L. Armbruster en 1938 sans s'attaquer aux
objections de celui-ci. Il rapporte néanmoins que P. Lindemans
est persuadé que le texte figurant sur le dessin est un
dicton d'apiculteurs, compte tenu de la manière dont ceux-ci
se volaient les essaims tout en se donnant l'air de respecter
la loi. Pour Kreuzberg comme pour Bostrôm le point central
de l'histoire que raconte le dessin, se trouve entre les personnages
qui se tournent mutuellement le dos : «l'un actif, a fini
avec sa corbeille et monte sur l'arbre pour le nettoyer, l'autre
passif, ne s'occupe plus de ses abeilles et les laisse enfermées
par terre plutôt que de remettre la corbeille à
sa place». Mais ils diffèrent dans le sens à
donner à cette opposition. Pour Kreuzberg, Breugel aurait
ajouté le Motto à cette histoire pour élever
le niveau de conscience de ses concitoyens dans le cadre du soulèvement
bourgeois-national «contre la tyrannie espagnole»
en les avertissant ainsi qu'il ne suffisait pas d'avoir des idéaux
mais qu'il fallait aussi agir d'après eux.
-
- "Pour
ce qui est du dessin dit «Les Apiculteurs» nous commencerons
pour établir sa date à 1569 tenant compte de l'état
de la marge du dessin et de la manière dont Breugel a
écrit la date dans son dessin dit «La chute du magicien»
(III). Le masque des
personnages semble fait en «Salix» et en forme de
toile d'araignée. Le rapport quantitatif entre le nombre
de mailles et la surface du masque aurait permis d'entrevoir
leur visage si l'objet représenté était
en fil métallique comme l'a prétendu Hulin de Loo.
Les plus archaïques des vanneries connues appartiennent
au type spiral qui se trame exactement comme Pline (Livre XI
ch.28) dit que l'araignée ourde sa toile. Dans le même
chapitre Pline nous dit que les araignées sont «les
ennemies les plus acharnées des abeilles». Or l'araignée
dans le monde gréco-latin était le symbole du légiste
et sa toile celui de la loi. C'est du moins ce que nous trouvons
dans Diogène Laerte, Plutarque, Solon et Valerius Maximus,
et que nous retrouvons dans les emblèmes de la Renaissance
(15) avec le triomphe du droit romain sur le droit coutumier
qui marque le retour des rapports de production esclavagistes
mais portés à un niveau supérieur."
15A
15B15C
"Le
dicton le plus courant était «Juriste ennemi du
Christ» (16) et il fut utilisé aussi bien par les
réformateurs que par les contre-réformateurs tout
comme les juristes de droit romain qui étaient tombés
d'accord pour faire respecter en Allemagne le «Cujus regio,
ejus religio», principe dont les calvinistes voulaient
l'application dans les Pays-Bas. Quant aux abeilles qui depuis
l'empire égyptien et à travers Aristote, Pline
et Virgile avaient servi de modèle aux sociétés
esclavagistes, nous constatons leur retour en tant que tel, déjà
au IVème siècle, aussi bien du côté
des empereurs que des papes. Mais c'est à l'occasion des
schismes et des conflits pour le pouvoir temporel que la surenchère
apicole se fit le plus âpre, comme nous pouvons le voir
dans le chapitre V de «Bonum universale de apibus»
du Cantipratensis (17) écrit pour défendre la «théorie-
des deux glaives», qui passe sous silence l'essaimage et
qui, ayant rendu service à Innocent IV contre Friedrich
II Hohenstaufen au premier concile de Lyon, fut réédité
à l'occasion du 5°concile de Latran par Léon
X.
C'est
pourquoi nous trouvons des abeilles autour de la tête de
Tetzel dans les tracts anonymes des premières années
de luthéranisme. Mais Luther devenant «le pape de
Wittenberg», ruches et abeilles recommencèrent à
faire leur parution dans l'iconographie luthérienne (18
) mais surtout dans la langue de Luther qui passe pour être
le premier en 1527 à s'être servi du mot «Schwermer»
pour nommer. un schismatique."
18A 18B18C
18D18E
"Avant
lui, seuls les essaims d'abeilles («Schwarm»)
essaimaient («schwaermen»), après lui
l'essaimage qui avait été décrit par Pétrarque
comme «une véritable guerre civile» devenait
un schisme dont l'acteur était appelé «Schwermer».
C'est ce que Cocleus lui reproche d'être lui-même
dans son pamphlet illustré par Brosamer où les
abeilles soulignent le sens premier de scission et sécession.
Le concile de Trente qui commença alors que Breugel avait
environ 20 ans, se clôtura en 1563 après avoir décidé
d'une tactique tendant à priver les protestants de leurs
points d'appui polémiques (IV).
IV
C'est
à partir de cette époque que l'on commence à
voir paraître des ruches à côté de
Saint Ambroise et de Saint Bernard de Clairvauxt tous deux promus
patrons des apiculteurs. C'est sur ce fond que paraît le
célèbre libelle de Philippe de Marnix* : La ruche de
la Saint Église Catholique au début de l'année
1569. Anonyme, sans lieu ni date et sans nom d'imprimeur. Les
humanistes du pays savaient cependant que le grand Plantin y
était pour quelque chose, lui qui sortait en même
temps le premier volume de la «Biblia Regia Poliglota»
pour le compte de Felipe II et dont le nom était à
lui tout seul une devise. Groot Weegbree évoquant irrésistiblement
la parabole de la voie royale et du sentier difficile (Mt.VII,14)
comme le confirme la gravure d'auteur inconnu publiée
vraisemblablement cette même année par Cock (19)
et l'ayant pour sujet.
(...)
- Marnix
traite les contre-réformateurs de singes des réformateurs,
fait des jeux de mots cuistres sur les sortes de clergé
qui poussent à l'intérieur de la ruche (o.c.ch.III)
et tout comme Calvin (24) se réclame du Clarivallensis,
il finit son pamphlet par une citation de Saint Ambroise : «Vera
theolôgia piscatoria est, non inquisitôria».
Ainsi Breugel le représente anonyme, grimpant sur un «populus»
et regardant (weeten > witan) de haut la ruche comme
s'il attendait l'essaimage. Sa culotte glisse évoquant
(v) ainsi l'emblème d'Aneau (o.c.p.81) «PLUS LE
FOL EN HAULT ESTAT MONTE TANT PLUS MANIFESTE SA HONTE».
- 26A
26B
- Or la
majorité des abbés catholiques des Pays Bas s'étaient
révoltés avec l'appui des protestants parce qu'à
la suite des canons du concile de Trente, l'église voulait
abolir leurs privilèges. Ces mêmes privilèges
que de Marnix persifflait dans son libelle.
-
- Les personnages
masqués sont habillés à la manière
des prédicateurs itinérants, «pourchasseurs
d'idoles», «coureurs de putes», tels qu'ils
avaient déjà été représentés
par Mürner (25) et Hopfer, mais masqués derrière
la loi du droit romain et adonnés à la besogne
«piscatoria» de voler les ruches.
- 25A25B
-
- Il y
en a même un, qui a laissé par terre sa ruche bâillonnée
et qui s'en va d'un air taciturne. Breugel n'ignorait pas pour
qui les abeilles travaillent, comme le montre son dessin «Avril,
Mai, Juin», de 1565 pas plus qu'il n'ignorait rien de l'appropriation
privée du travail collectif, dite très explicitement
dans le premier quatrain de l'emblème d'Aneau (26) sur
les abeilles.
- 26C26D
Il n'a
rien voulu dire d'autre que ce qu'il a dit, mais ce n'est pas
en commençant par priver une sentence de son contexte
que l'on peut saisir le sens de son texte. De Marnix s'était
tenu à l'écart de Wilhelm après la mort
de son frère, c'est pourquoi les deux personnages se tournent
le dos dans le dessin. Le dessin a dû être fait au
printemps; en été, Breugel a dû apprendre
que ces personnages ne se tournaient plus le dos; au début
de l'automne et peu avant de mourir, il donnera l'ordre à
sa femme de détruire celles de ses uvres où
des personnages proverbiaux compromettants auraient pu être
trop facilement reconnus."
- extraits
de :
- http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhren_0181-6799_1980_num_11_2_1184?_Prescripts_Search_tabs1=standard
-
- "NOTES
:
-
- 1
Max ROOES : «De Teckeningen der Vlaamsche Mesters»
in Onze Kunsi I, 1. p. 102.
- Antwerpen
1902 Alex Ludwig ROMDAHL : «Pieter Bruegel der Altère
und sein Kunstschaf- " ' fen» in Jahrbuch der
KunstBistorische Sammlungen desA.K. XXV, p. 131 Wien 1905.
- René
van BASTELAER et D. HULIN DE LOO i Pierre Bruegel l'Ancien, son
uvre et son temps, p. 277 - Bruxelles 1907.
- 2
Ludwig ARMBRUSTER : Per Bienenstand als vôlkerkundliches
Denkmal. Neumustern 1926.
- 4 - L.
ARMBRUSTER : «Alte Graphik und Imkerei» - in Arcbiv
fur Bienenkunde vol. 19 -
- n 6.7 -Berlin
1938.
- 6
L. ARMBRUSTER : «Die deutsche Imkersprache des ausgehendes
Mittelalters» Archivfur
- Bienenkunde
Heft 7-8, p. 288 - Berlin 1939. Nikel JACOB : Grûndlicher
und nûtzlicher Unterricht von Bienen und ihrer Wartung
Gôrlitz 1568.
- 9- Kjell
BOSTROM : «Das Sprichwort vom Vogelnest» - in Konsthistorisk
Tidskrift XVIII,
- Stockholm
1949.
- 10
Claus KREUZBERG : Die «Imker» Pieter Bruegels des
Alteren Deutshes Jahrbuch fur
- Voikskunde
8, pp 98 à 121 Berlin - DDR 1962."
-
- NOTES,
suite, révisées et complétées :
-
-
- III) La chute du
magicien Hermogène, 1544, gravure de Pieter (Pierre)
Van des Heyden, d'après le dessin de Brueghel. Amsterdam,
Reijksmuseum, Prentenkabinett, (222 x 292 mm).
-
- "Jacques,
fils de Zébédée et de Marie-Salomé,
frère de Jean lEvangéliste est un des 12
apôtres du Christ.
Il aurait prêché dans louest de lEspagne.
Mais déçu par le peu de succès de son entreprise,
il regagne la Judée.
Là, un prêtre juif, Abiathar, fait appel au magicien
Hermogène pour détourner Jacques de sa foi. Hermogène
fait alors intervenir un grand nombre de démons. Mais
ceux-ci, subjugués par lapôtre, se retournent
contre le magicien.`
Saint Jacques délivre Hermogène et le convertit.
Pour le préserver des puissances des démons, Jacques
lui donne son bâton. Pour lui prouver ses bonnes intentions,
le magicien apporte à Saint Jacques ses livres de magie
qui sont jetées à leau ce qui, apparemment
ne plaît pas au grand prêtre Abiathar qui avait fait
appel à ses services. Il livre Jacques à Hérode.
Jacques est décapité en 43."
- extrait de : http://www.onelittleangel.com/sagesse/citations/st_jacques.asp
- 15)
- - image
15 A. Bienen
und spinne,
abeille et araignée, planche du Buch der natürlichen
Weisheit, Augsburg 1490, Ulrich von Pottenstein (vers
1360-1417), chanoine de la cathédrale de Vienne. Son texte est une traduction allemande du
Speculum sapientiae, recueil de fables, en part.
Esope, attribuée au pseudo-Cyrillus (évêque
saint Cyrille) mais qui serait plutôt l'oeuvre de Bongiovanni
(Bonjohannes) da Messina.
- Bayerische
Staatsbibliothek (Bibliothèque de l'Etat de Bavière),
folio 19.
-
- - image
15 B. Claude PARADIN, Devises Héroïques, Lyon 1557.
- Planche
lex exlex
-
- - image
15 C. Justinus Gobler, (Justin, Johannes, vers 1504-1567) Der
Rechten Spiegel, illustré par Hans Sebald Beham
( Nürnberg, 1500 - Francfort-sur-le-Main), 1550], Frankfurt
1534 et 1542.
-
- 16)
R.
STINTZING : Das Sprùchwort : Juristen bose Christen,
in seinen gescbichtlicben Bedeu-
- tungen. Bonn 1875.
-
- 17)
Thomas
van Cantiprat : Thomas de Cantimpré, voir : ABEILLE
- LE MOYEN-AGE - OCCIDENT 4 - LES ENCYCLOPEDIES
- 18)
-
- image
18 A.
Caricature protestante anonyme contre Hans Dietz, dit Johann
Tetzel, John Tetzel (Pirna, 1465 - Leipzig, 11.08.1519),
inquisiteur dominicain, chargé par Albert de Brandebourg
de publier les indulgences.
-
- image
18 B.
Pamphlet de Johann Cochleus (Cochlaeus, Cochläus,
Cocleus, 1479-10.1.1552), Septiceps Lutherus
(en latin) Sieben köpffe Martini Luthers... (en allemand)
: Les sept têtes de Luther..., paru en 1529
en édition bilingue chez Valentin Schumann, à Leipzig.
L'ouvrage contient en page-titre une gravure de Hans Brosamer
(1500-1552), copiée dans d'autres éditions
ultérieures, dont celle qui est présentée
ici, de 1564 (Pitts Theology Library, Atlanta, Etats-Unis). Comme
Thomas More ou Lucas Cranach, Cochleus reprend la symbolique
de l'animal monstrueux à sept têtes de l'Apocalypse,
de gauche à droite, têtes de : docteur , moine ([Martin]us
(ironie avec St Martin ?), turc ([luther]us, sous-entendu : infidèle),
Ecclesiastes (sous entendu : prédicateur qui dit ce que
le peuple veut entendre), fanatique (avec des abeilles autour
de la tête, symbolisant la rage furieuse des Réformateurs),
inspecteur (des études : visitator, pour changer
les lois, se prétendre nouveau pape), homme sauvage muni
d'une massue, image liée au personnage de Barabbas, voleur
grâcié par Pilate.
-
- "Cochleus
J. : Glos und Comment auff den rechtem Messenhalten wider Lutherische
Zwispaltung 1523, sans lieu. Doctor Jo. Cocleus : sieben Kôpfe
Martini Luthers von hochwirdigen Sacrament des Altars. Leipzig
1529"
-
- image
18 C.
Daniel Hopfer, graveur allemand (vers 1470, Kaufbeuren
1536, Augsburg), Der groß paülüs
; Saint Paul assis dans une chaise et prêchant,
19.2 x 15.7 cm, Achenbach Foundation for Graphic Arts, Fine Arts
Museums of San Francisco, USA.
- image
18 D.
Détail de la précédente, avec des ruches
en vannerie, posées à gauche.
-
- image
18 E.
Erhard Schön (Schoen, graveur allemand, Nuremberg
1491-1592), planche appelée Douze oiseaux purs et impurs,
vers 1534, sur un poème de Hans Sachs (Nuremberg
1494 - 1576), "Der zwoelff reinen Voegel Eigenschaft zu
den ein Christ ver- gleicht wird." La liste des oiseaux
est tirée de la Bible, naturellement, et l'abeille est
cataloguée avec les oiseaux, comme elle l'était
depuis longtemps déjà.
-
- IV)
Johann (Johannes) Leisentrit (1527, Olmütz - 24. nov. 1586,
Bautzen)
- Geistliche
Lieder und Psalmen der Alten Apostolischer recht und warglaubiger
Christlicher Kirchen, édité chez Hans Wolrab, Bautzen,
1567, folio 241 v. On aperçoit deux ruches-troncs
faisant partie d'un rucher protégé par un enclos
de plessis.
-
- * Philippe de Marnix de Saint-Aldegonde
(1450-1598).
- "Chose assurément remarquable
dans l'histoire littéraire, c'est dans les années
les plus sanglantes de la terreur catholique, ail moment où
le duc d'Albe déchirait avec le plus de fureur les entrailles
des Pays-Bas, c'est en 1569 et en 1571 qu'Aldegonde compose et
publie
en flamand sa gigantesque satire de l'église catholique,
la Ruche romaine*, créant ainsi la langue hollandaise
au milieu d'un rire tragique et héroïque. Cet ouvrage
fut un des plus grands triomphes de la parole au seizième
siècle sur la force déchaînée. «Il
fut reçu du peuple, dit Bayle, avec un applaudissement
incroyable.» Rien de pareil ne s'était vu depuis
les colloques d'Érasme. On reconnut un frère de
Rabelais et d'Ulrich
de Hutten. Le livre de Marnix fut pour les réformés
dans le nord plus puissant même que les ouvrages de Calvin.
C'était Gargantua ou Grandgousier s'épanouissant
du haut des échafauds dans une kermesse flamande. On crut
entendre le ricanement de toutes les têtes de morts qu'avait
tranchées le duc d'Albe. En même temps, l'Eglise
du moyen âge semblait s'abîmer sous cette huée
immense, colossale, monstrueuse, dont aucun écrivain n'égalera
jamais la témérité. Par un raffinement d'audace
et d'ironie. Marnix avait dédié son livre effroyable
à l'un des chefs de l'inquisition, l'évêque
Sonnius* ; en voici le début, traduit par Marnix lui-même
en français plus de vingt ans avant la Ménippée:
«La ruche en laquelle nos mouches se logent, s'assemblent
et font leur ouvrage, se fait de souples et fortes claies et
osiers de Louvain, de Paris ou de Cologne, bien subtilement entrelacées;
on les nomme communément à Louvain sophismes; on
les trouve à vendre chez les corbeillers de l'Eglise romaine,
comme chez Jean Scot, Thomas d'Aquin, Albert le Grand et autres
semblables maîtres qui ont été fort subtils
en cet art. Or, pour la plus grande sûreté, il faut
encore lier ces claies et les joindre ensemble avec de gros câblesou
cabale judaïques ou thalmudiques, et y tirer dessus de bon
ciment bien composé de vieilles ruines, dont les vieux
et caducs conciles ont été maçonnés,
brisé et estampé. bien menu, et mêlé
avec de la paille coupée que les apothicaires nomment
palea decretorum, l'arrosant à chaque fois de l'écume
ou bave des anciens docteurs, et y mêlant aussi quelque
peu de chaux fraîche de Trente. Tout cela, bien broyé
ensemble, se mêle avec du sablon tiré des puits
creusés de l'humaine superstition, ou bien de ce sable
dont les anciens hérétiques enfilaient leurs cordons;
tu peux aussi ajouter un peu de ce limon glueux, ou bitume des
Indes, qui est une matière fort lente et tillasse, dont
jadis la ville et la tour de Babel fut cimentée, et se
tire hors du lac de Sodome et Gomorrhe... car cela est plaisant
à l'oeil, et est cause que les mouches y logent et conversent
plus volontiers.»"
-
- * LA RUCHE : "De Byenkorf". Les principales
éditions sont de 1572, 1597, 1599, 1600, 1638, 1647, 1664,
1733,
1761. Cet ouvrage a été traduit en latin, en français,
en anglais et en allemand. Apiarium sive Alvearium
Romanum.
- * SONNIUS
: Vigli. Epistolæ, politicæ et historicæ ad
Hopperum, 1661.
- Extraits
d'un texte d'Edgard Quinet (1803-1875) de 1854, extrait
de :
- http://classiques.uqac.ca/classiques/quinet_edgar/marnix/Quinet_marnix.pdf
- 19 n° 87 dans le
catalogue, «Hieronymus Cock prentenuitgever en graveur»
Bruxelles 1970
- (Anvers
1507-1570)
-
- 24 Calvin. Institution (1541)
notamment les chapitres intitulés : «La volonté
esclave» et «nécessité et contrainte».
-
- image
25A
. Thomas Mürner (24 décembre 1475 - 1537,
Oberehnheim (Obernai)), Von dem großen Lutherischen
Narren (Du grand fou luthérien), 1522 .
- Der xij.
buntgnoß (XII Bundgenosse) : "les compères",
S. 152.
- Remarquez
que le voleur de ruche porte le corps d'une ruche sur l'épaule
et, dans sa main gauche, une hausse qui paraît pleine de
miel.
-
- image
25B.
Daniel Hopfer - illustration de l'évangile de Matthieu,
chapitre XV, la parabole des aveugles. Remarquez le voleur
de ruche, dans le coin en bas à droite.
- Cette image
fait partie d'un ensemble (29.6 x 40.3 cm) de six illustrations
d'épisodes du Nouveau Testament : Matthieu X, Luc X; Matthieu
XV, I Corinthiens X, II Colossiens, I Timothée IV. Conservation
: voir image 18c.
-
- 26. Aneau (o.c. p.
131).
-
- images
26. Barthélemy Aneau (Anneau, Annulus, 1510 - 1561) :
"Toutes les emblèmes de nouveau translates
en françoys
", Lyon, G. Roville, 1549, dans
l'édition de 1552, à Lyon, chez Guillaume
Rouillé et Macé Bonhomme, gravures de Pierre
Eskrich (Eskreich, graveur helvetico-lyonnais surnommé
Cruche ou Vase (vers 1550-1580). P. 131, exemplaire conservé
à la Glasgow University Library, SM97.
- Le livre
est une traduction française de l'ouvrage de l'Italien
André Alciat (Andrea Alciato, dit Alciati, 8 mai
1492 1550, Pavie), Emblemata (Emblematum
libellus), édité d'abord en 1531 et en 1534
chez l'imprimeur Christian Wechel.
-
- image
26A.
"Plus le fol en hault estat monte : tant plus manifeste
sa honte", page 81 :
-
- "Le
singe assis en geste, & contenance,
Dhomme rassis a forme, en convenance.
Mais plus seleve, & se monstre en appert:
Plus Singe il est: & plus le cul luy pert.
Tels sont les gens brutaux, dhomme masquez,
Plus es honneurs sont haux, plus sont mocquez.
Car lhomme sot, montant ou il ne doibt:
Plus hault est mis: & plus beste on le veoit."
-
- extrait
de :
- http://www.emblems.arts.gla.ac.uk/french/emblem.php?id=FANb049
-
- image
26B : détail de la précédente.
-
- image
26C "Nez sommes nous : et non pour nous.", emblème des
abeilles (aveilles), p 131 :
-
- "Le
possesseur dun champ: & dun jardin le Sire
Emporte dens un plat, & le miel, & la cire
Des Rusches, & paniers. Et ce privé robeur
Ravit en peu de temps le fruyct, dun grand labeur.
Le miel est faict pour lhomme, & la cire odorante
Pour rendre à Dieu honneur, en clarté adorante.
Mais lhomme tout ravit des Rusches, & corbeilles.
Ainsi vous, non pour vous, faictes le miel Aveilles.
Non pour soy, mais pour tous: & pour son Seigneur mesme
Le Povre Laboureur les champs laboure, & seme.
Maissonne les Fromens, & mange Orges & Seigles.
Ainsi vous, non pour vous, faictes le miel Aveilles.
- Non pour
soy, mais pour tous, mesmement pour son maistre
Le Jardinier, bons fruictz sur les arbres faict croistre.
Dont ne luy reste rien, que les branches, & fueilles.
Ainsi vous, non pour vous faictes le miel Aveilles.
Non pour soy, mais pour tous, le gentil Pastoureau
Paist Brebis, & Mouton, Chievre, Vache ou Toreau
Dond il na que le laict des Vaches, des öeilles.
Ainsi vous, non pour vous faictes le miel Aveilles.
Non pour soy, mais pour Roy, le souldard faict effroy.
Et sil meurt cest pour soy: sil vinct cest
pour le Roy.
Et nen peut rien monstrer, que cicatrices vieilles.
Ainsi vous, non pour vous, faictes le miel Aveilles.
Non pour soy, mais pour tous lAdvocat a la voix
Et a estudié Ordonnances & Loix.
Non pour soy, mais pour toy: qui vers luy te conseilles.
Ainsi vous, non pour vous faictes le miel Aveilles.
Non pour eux, mais pour ceux, qui se sentent malades,
Ordonnent Medecins des Recipez bien fades.
Eux ilz ne prennent rien, que jus de vigne, ou treilles.
Ainsi vous, non pour vous, faictes le miel Aveilles.
Non pour eux, mais pour tous: les Poëtes font vers.
Composans & chantans des arguments divers.
Desquelz nont autre fruyct, que le vent aux oreilles.
Ainsi vous, non pour vous, faictes le miel Aveilles.
Non pour eux, mais pour tous, les gens savans escrivent.
Tant pour ceux qui viendront: que les presens, qui vivent.
Et nont que le travail descrire grandz merveilles.
Ainsi vous, non pour vous, faictes le miel Aveilles.
Non pour luy, mais pour tous ceux qui en ont mestier,
Travaille lArtisan, chescun en son mestier,
- Et non
que pour servir autruy festes, & veilles.
Ainsi vous, non pour vous, faictes le miel Aveilles.
Somme le fruyct ne vient, la grace, ne lhonneur
Moins quà ceux qui en ont pris la peine, & labeur.
Mais de faire plaisir à lhomme, tant lhomme
aime:
Quen ce monde mortel nul ne vit pour soy mesme."
- extrait
de :
- http://www.emblems.arts.gla.ac.uk/french/emblem.php?id=FANb062
- image
26D : détail de la précédente.
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