ENCYCLOPEDIE -DE--LA--LANGUE -FRANCAISE
 

-ABEILLE

----

 
LES ABEILLES ET LES HOMMES

croyances,
savoirs
et
apiculture


----APICULTURE TRADITIONNELLE----
et PATRIMOINE---

EUROPE DE L'EST
EUROPE DU NORD (1)
---
Un peu d'histoire

 

INTRODUCTION
 

 
     
    RUCHE

    Ce mot a une origine indo-européenne, rusca : écorce, et s'est transmis aussi bien à la culture celte qu'à la culture latine sous différentes formes (ruskat, ruskenn, en breton, rusc en catalan, en vieil irlandais, rusg en gaélique, rusky (plur. ruskies) en écossais, brusc en provençal (et son dérivé brusquier, pour le rucher), avec des variantes comme bresc ou bresca (prononcer "bresque" ou "brèche"). D'autres appellations de la ruche dérivent d'une autre origine, comme bornat (prononcer "bournat"), bornhon (prononcer "bourgnon"), qui appartient à la langue occitane.
     
    Dans les idiomes celtes, le mot aurait désigné particulièrement l'écorce de chêne-liège et la ruche elle-même, les ruches celtes "étant à l'origine réalisées à l'aide d'écorces d'arbres comme le chêne-liège; l'ancienne dénomination est restée pour désigner la ruche en paille tressée apportée dans la Gaule septentrionale par les Francs, car le rapport du mot rusca avec la matière utilisée n'était plus senti, le latin scortea ayant remplacé rusca pour désigner « l'écorce » (cf. aussi des dérivés de rusca pour désigner des objets variés, seaux à linge, mesures ou formes à fromage, réalisés à partir d'écorce...
    (...)
    "1210-25 : rosche « habitation des abeilles, ensemble des abeilles » (Yder, éd. H. Gelzer, 3691: mangier le miel de la rosche); 1205-50 ruche (Renart, éd. E. Martin, III, 84); 2. 1798 « habitation des insectes ou des vers qui vivent en société » (Ac.); 3. a) 1798 (Ac.: Il ne faut point fâcher une ruche. Il ne faut point s'attirer une foule de petits ennemis); b) 1756 (DU MARSAIS, Le Philosophe, p. 28: Répandez-vous comme des abeilles, nous disent-ils [les philosophes], dans le monde passé et dans le monde présent, vous reviendrez ensuite dans votre ruche composer votre miel). "

    Trésors de la Langue Française, dit TLF, extrait de : http://atilf.atilf.fr/dendien/scripts/tlfiv5/affart.exe?19;s=3509478045;?b=0;)

    Différentes traditions apicoles européennes se sont servies d'une autre base étymologique pour désigner la ruche. Il s'agit du verbe latin castrare : châtrer, mais aussi émonder, élaguer, tailler, ou encore ôter, et c'est bien cette idée que l'on retrouve dans les formules utilisées souvent par les auteurs latins pour parler de la récolte du miel : castratio alvorum, dies castrandi. Cette forme latine s'est transmise aux parlers occitans : chastra, chastre, chastrar, pour le verbe (mais aussi brescar, de bresca : rayon) etc.; au picard : chastoire; à la langue espagnole (castrar, castración, etc.) et à d'autres langues de la péninsule ibérique : catar, en castillan, mais aussi dans les parlers français : castrer, chastrer, puis châtrer.

     RUCHER - ABEILLE : Le mot rucher fut utilisé semble-t-il pour la première fois par Olivier de Serres en 1600, dans son Théâtre d'agriculture, p. 433, sous la forme "ruscher". On utilisait jusque-là, en plus des dénominations régionales (abié, apié provençaux, par exemple), les termes d'abeiller, d'apier (apièr en occitan, du latin apiarium, synonyme) ainsi que achier qui vient du latin acies (tranchant) et qui désignait l'endroit où on ranger des objets en fer mais aussi en bois, comme les ruches. Abeiller est passé par abeillier (1250), lui-même provient du latin médiéval abellarium, que Du Cange a trouvé en Aragon (pour 1228) et qui est dérivé du bas-latin abollagium. Abeiller désignait aussi l'apiculteur (avec des variantes, comme abëlhouar ou abélard). On trouvait aussi le mot abeielage (abeillage, aboilage, aboillage, abollage, abeillon, abeilion en langue romane), pour désigner un essaim d'abeilles. Tous ces mots tournant autour de l'abeille viennent bien sûr de l'abeille latine, apis (et plus tard : apicula, avicula, puis en langue romane : aballie, aboile, aboille, aboillie, aveille, avete, avette, mais encore adebts, adebtz, adex, adexs, eps, eys, etc) Qui ont donné les modernes apiculteur, apiculture, apicole, apidologie, apidologue, apithérapie, etc. Les appellations de l'abeille variait beaucoup selon les patois : "abeilla (Ardèche, Limousin), abeillaud (Languedoc) ; abeillo (Aude, Aveyron) ; abélio, obélio, brus (Lozère), abeuille (Charente-Inférieure) ; abeuile (Landes, Deux-Sèvre) ; aveille (Savoie) , avette (Sarthe) ; avili (Jura) ; yebeylla (Haute-Loire) ; moichotte (Doubs)... mouque (localités du Nord)"

    extrait de : Les hommes et l'abeille, Michel Cardinaux, L'âge d'Homme, 1995


 
 
Avant de pratiquer une apiculture moderne et rationnelle, il se pratiquait une apiculture traditionnelle qui, dans les pays où elle a disparu pour une grande part (pays dits "industrialisés", surtout), revêtait de nombreuses formes, dont un certain nombre suscitent un nouvel intérêt, ici ou là, d'ordre culturel et patrimonial. Nous tenterons dans cet article d'évoquer ce passé apicole tombé dans l'oubli, mais exhumé de plus en plus par des amateurs passionnés de ce patrimoine.
 
Les matériaux et les méthodes de l'apiculture traditionnelle dépendent beaucoup du climat et aux conditions géographiques. Dans de nombreux pays, les forêts ont longtemps occupé beaucoup d'espace et les premiers apiculteurs ont souvent copié les premières ruches sur l'habitat naturel de leurs abeilles mellifères : les troncs d'arbre (images 1, 2), qu'on coupe en tronçon, qu'on évide, de façon à inviter les abeilles à s'y installer. De l'Europe à l'Afrique, de l'Afrique à l'Asie, à l'exception des pays arides et peu boisés comme le Maghreb ou la Moyen-Orient (où la terre, la céramique est privilégiée), les ruches-troncs occupent une place importante dans l'apiculture traditionnelle jusqu'à ce jour : il n'est que de penser à l'étymologie des noms de ruches dans différentes langues d'Europe, nous venons de le voir.

 1--
 2--
 
1.--Section de tronc d'arbre qui a servi de ruche (avec ouverture traditionnelle en fente), trouvée en 1901 sur les bords de la rivière Oder, en Pologne, datant des années 900-950, et conservée au musée Dzierzon de Kluczborg (Muzeum Jana Dzierzona).
2.--Ruche taillée dans un tronc de hêtre, Ve-VIe siècle, trouvée à Vehnemoor, dans la région d'Oldenburg, Allemagne (Witold Hensel, 1965). On peut voir à gauche le corps évidé de la ruche, et à droite, la ruche fermée avec les trous pour les abeilles.

Un autre type de ruches est réparti un peu partout sur la planète, c'est la ruche végétale en vannerie : paille, jonc, osier tressés, dont la forme la plus généralement répandue est conique, appelée aussi panier . A partir de ces trois matériaux de base : bois, végétal tressé, terre, auxquels il faut ajouter la roche (ruche de type troglodytique) ou la pierre, les sociétés traditionnelles élaboreront des ruches très simples, où l'intérieur n'est occupé le plus souvent que par des petites baguettes de bois en forme de barrettes ou de croisillons pour que les abeille puissent y fixer leurs rayons.

 
L'EUROPE DE L'EST ET DU NORD
 

Dans le domaine mellifère, l'abeille commune de ces régions est l'abeille noire, Apis mellifera mellifera, qui a profité du réchauffement post-glaciaire, il y a 8000 ans, pour étendre considérablement son aire géographique des Pyrénées à l'Oural (image 3) et vers le nord, les îles Britanniques (la Manche se traversait alors à pied depuis le continent), les côtes de la Baltique, jusqu'à une latitude de 60° Nord, vers Uppsala, en Scandinavie (c'est aussi à peu près les limites des feuillus : tilleul, hêtre, chêne, orme, merisier, noisetier, ), gràce à ses capacités exceptionnelles de résistance au froid. Seules les techniques modernes permettront aux apiculteurs d'élever des abeilles jusqu'au cercle polaire.

 3
 
 
 
 
Carte de distribution géographique de l'abeille noire.

Avant même d'installer des ruches dans des fermes ou près de leurs habitations, les Européens du Nord ont pratiqué une récolte sauvage du miel des abeilles, nous l'avons vu (voir Les abeilles et les Hommes : La Préhistoire), et ils ont ensuite imité les habitats naturels des abeilles mellifères pour obtenir le miel à meilleur compte, en creusant un trou adéquat dans les troncs d'arbre pour en faire des ruches (images 4 à 8, 11), ces arbres à abeilles étant marqués pour pouvoir être identifiés plus facilement (image 9), et travaillés avec un matériel de grimpeur forestier un peu partout similaire (image 12 ). On suspendait, aussi les ruches dans les arbres (images 8, 10-11) ou en les disposant à même le sol ou isolées de lui par des pieds ou un autre support, parfois des pierres, et abrité des intempéries par un petit toit de pierre ou de paille (images 11, 13 à 17), le plus souvent, disposées souvent dans des cabanes par temps froid ou sévère (images 14 à 16), ou de manière permanente dans des ruchers plus ou moins élaborés, nous le verrons dans un autre chapitre, et qui possédaient de multiples formes.
 
Les premiers apiculteurs n'avaient pas ainsi plus de maîtrise de leurs hôtes, ni de leur production de miel ou de cire, mais ils avaient ainsi fait un pas dans la rationnalisation de leur économie, car ils ne perdaient plus de temps à chercher la source de leurs profits, ce qui distingue cette semi-apiculture de la récolte sauvage proprement dite, encore beaucoup pratiquée de par le monde, comme nous le verrons par la suite. Ces méthodes ont perduré dans l'est et le nord de l'Europe jusqu'au XIXe siècle, particulièrement en Allemagne, en Russie, en Biélorussie, en Pologne, en Hongrie, en Lithuanie, en Estonie. En Scandinavie, un inventaire de 1751 nous apprend que les ruches sont exclusivement des ruches faites de troncs évidés, comme beaucoup de ses voisines nord-européennes de l'époque dans les régions de forêts.

 4
 5
  6

  7
 8
 9
 
  10

 11
12
 13
14 25
15 26
  2716

 17

 17b

 18

 

 

19

4 et 5. -- Apiculteurs des forêts à hauteur des ruches, en haut des arbres. Gravures polonaises du XIXe siècle.
4. -- L'apiculteur inspecte la ruche, masque sur la tête, à travers l'ouverture en forme de fente, généralement fermée d'une porte.
5. -- L'apiculteur est devant la ruche fermée par une petite porte taillée à même l'écorce.
 
6 à 8. -- Johann Georg Krünitz (1728-1796), Oekonomische Encyklopädie, oder allgemeines System der Land- Haus- und Staats-Wirthschaft in alphabetischer Ordnung (Encyclopédie économique ou du système général d'agriculture, d'économie et d'économie domestique, par ordre alphabétique).
Gravures de 1774, en forme de planches illustrées sur l'apiculture des forêts. Les arbres nécessaires aux abeilles sauvages sont appelés Bienenbäume en allemand.

Cette vaste encyclopédie économique et technologique ne devait être qu'une traduction de l'Encyclopédie suisse d'Yverdon (du nom d'une ville suisse où elle fut imprimée), ou "Dictionnaire universel raisonné des connoissances humaines" 58 volumes, 1770-1776. Mais de nombreuses lacunes poussèrent l'auteur vers un travail original, ce qu'il fit de 1773 à sa mort, s'arrêtant à l'article LEICHE (corps mort), après 72 volumes publiés à Berlin. Son travail sera repris par les frères Flörke, puis par Korth, et enfin par Hoffmann, jusqu'en 1858.

6. -- L'apiculteur a piégé un ours, grand prédateur des abeilles. En essayant de dérober le miel dans la ruche (fig; 165 a) l'animal a fait contrepoids (le poids est en d) sur le piège installé (b). L'apiculteur-chasseur doit maintenant tirer avec son arc de manière à faire tomber l'ours sur les piques, placées au sol. Par ailleurs, un autre ours est en train de monter sur l'arbre de gauche (fig. 164), pour atteindre un autre nid (b), où un piège l'attend déjà (c). Remarquez aussi les encoches faites dans la hauteur du tronc, pour faciliter l'escalade de l'arbre.
7 et 8. -- Récolte de miel avec apiculteurs (travaillant avec ou sans masque), apprentis, paniers divers, outils, ours, ruche-tronc, et le fameux Zeidler (image 5) : voir plus loin ce mot.

9. -- Marque en croix taillée dans l'écorce d'un arbre pour l'identifier comme "arbre à abeilles", en Pologne.
10. -r-Planche avec un timbre de Biélorussie (Belarus). Abeille noire et ruche-tronc posée dans un arbre, pratique de nombreuses traditions agricoles dans le monde, et en Europe, des pays d'Europe de l'Est, voir prochaine image.
11. -r-Planche de timbres d'Ukraine. Apiculture traditionnelle ukrainienne avec ruches-troncs perchées dans les arbres pour échapper aux ours, diverses ruches en vannerie, en bois et en paille.
12. -r-Instruments traditionnels de récolte de miel sauvage, montagnes de l'Oural, Shulgan-Tash, république de Bakshirie, Russie Ces instruments ont guère changé en plusieurs centaines d'années : enfumoir, corde, hache, pot à miel, masque, pour les instruments principaux. La région de Bakshirie est la seule à abriter l'abeille mellifère Burzyan, très résistante au froid et aux maladies, nichant dans les tilleuls, dont la population commença de diminuer au début du XXe siècle par le développement de l'agriculture, mais aussi par son hybridation progressive avec d'autres espèces introduites du Caucase et des Carpates.
13. -r-Musée apicole en plein air de Swarzędz, Pologne.
Image du haut, ruches protégées individuellement par un petit toit.
Image du bas, ruche-tronc horizontale classique dans l'apiculture polonaise traditionnelle, avec une grande fente horizontale.
14. -rRuchers (sing : ПАСЕКА) avec abris pour les ruches (sing : УЛЕЙ), Russie, Encyclopédie soviétique, photo de 1882.
15. -r"Rucher dans les bois" (Пасека в лесу ), 1876, tableau du peintre russe Ivan Ivanovitch Shishkin (Chichkine, 1832, Ielabouga - 1898 , Saint-Pétersbourg). De grandes ruches-troncs sont posées verticalement, couverte traditionnellement d'un couvercle tenu par une pierre. On voit une cabane, qui devait servir d'abri aux ruches par mauvais temps ou par grand froid.
16. --"Scène rurale", 1867, tableau du peintre russe Alexei Kondratevich Savrasov (Moscou, 1830-1897).
L'apiculteur a enfumé ses ruches pour effectuer clamement sa récolte de miel. Comme pour la peinture précédente, on aperçoit une cabane servant d'abri aux ruches par grandes intempéries.
17. -r-Ruchers-troncs d'Ukraine, musée apicole de Kiev, Ukraine.
17b. -Ruches-troncs dans les arbres, protégées des animaux prédateurs, musée Prokopovych, Kiev, Ukraine.
"Dans les forêts du nord, on suspend contre le tronc des arbres où il y a des abeilles, un morceau de bois pesant. L'ours montant rencontre la pièce et l'écarte avec une de ses pates ; mais retombant sur lui, il se met en fureur et l'écarté plus fort. Alors les coups violens et réitérés qu'il reçoit le tuent ou le font tomber."
 
18. -r-Diverses ruches (aviliai, sing : avilỹs) lithuaniennes : vannerie, ruches-troncs dressées, reposant sur des pierres.
19. -r-Planche d'une encyclopédie slovène du XIXe siècle avec ruches de différents types.
Ruches du type kranjic (voir Les Abeilles et les Hommes, XVIIIe siècle, 2e partie et Les ruches décorées), ruches en vannerie et en bois.


La tradition des arbres à abeilles se nomme "Waldbienenzucht" en allemand, de wald : forêt, et bienenzucht : apiculture, ou encore Zeidlerei ou Beutner (tree beekeeping en anglais, le "tending nests" d'Eva Crane; bartnictwo, en polonais. Elle a représenté pendant des siècles la principale économie apicole, très réglementée. Dans la loi salique, déjà, promulguée par Clovis en 511, un chapitre est consacré au vol des abeilles :
 
"TITRE IX : DU VOL DES ABEILLES
Article 1

Quiconque aura dérobé une ruche, placée sous un toit, ou dans une enceinte fermée à clé, sera condamné à payer 1.800 deniers, ou 45 sous d’or, outre la valeur de l’objet volé et les frais de poursuite.
 
Article 2
 
Celui qui aura dérobé une ruche avec ses abeilles, dans un lieu où il ne s’en trouve pas davantage, sera condamné à 4.800 deniers, ou 45 sous d’or, outre la valeur de l’objet volé et les frais de poursuite.
 
Article 3
Si le vol d’une ruche avec ses abeilles a été commis parmi d’autres ruches, placées sous un toit ou dans une enceinte fermée à clef, il y aura lieu à l’application de la même peine.
 
Article 4
Si le vol d’une ruche avec ses abeilles a été commis hors d’une habitation, et qu’il ne s’en trouve pas davantage, le voleur payera une composition pareille à celle qui a été fixée plus haut.
 
Article 5
Celui qui, parmi un plus grand nombre, aura volé jusqu’à six ruches, hors d’une habitation, sera condamné à payer 600 deniers, ou 15 sous d’or, outre le valeur de l’objet volé et les frais de poursuite.
 
Article 6
S’il en a volé sept, ou un plus grand nombre, et qu’il en reste encore d’autres, il sera condamné à payer 1.800 deniers, ou 45 sous d’or, outre la valeur de l’objet volé et les frais de poursuite.
 
Article 7
S’il en a volé sept, ou un plus grand nombre, et qu’il n’en reste point d’autres, il sera condamné à payer 1.800 deniers, ou 45 sous d’or, outre la valeur des objets volés et les frais de poursuite."

Traduction de la loi salique par J. P. A. PEYRÉ, Édition Firmin Didot, Paris 1828, extrait de : http://ledroitcriminel.free.fr/la_legislation_criminelle/anciens_textes/loi_salique.htm

Les codes de lois des Wisigoths (Leges antiquae, Formulae wisigothicae de Cordoue, et surtout Lex Wisigothorum de Chindaswinthe (641-652) et de Réceswinthe (649-672)) encadrent la récolte sauvage de miel, les dommages commis au moyen des abeilles ou le vol d'abeilles.

Comme les autres pays chrétiens d'Europe, c'est dans les monastères que s'est développée l'économie apicole, en majeure partie pour fournir la cire (Bienenwachs) des cierges d'églises. Nous en avons des sources à partir du VIIIe siècle pour l'Allemagne, à travers le don d'Odilon qui fonde en 748 le monastère de Mondsee, en Bavière, en lui octroyant des bois et des pâturages, serfs inclus, et parmi eux : "...cidlarios super ribam Danubii" (Tr. Mondsee, Rath/Reiter Nr 39), et ces cidlarii latins désignent les apiculteurs des arbres, les zeidler germaniques, différents mots ayant été formés à partir de celui-ci comme Zeidelweide (993), désignant les "pâturages à abeilles", soumis à législation. Nous possédons de nombreux documents médiévaux sur la présence de l'apiculture dans les monastères, par exemple l'inventaire en 800 de l'abbaye de Staffelsee en Bavière, qui possède 17 ruches (voir aussi monastère de Saint-Germain et Capitulaire de Villis dans :
Les abeilles et les hommes XII, Moyen-âge : Encyclopédies et Bestiaires)
 
Ce mot vient du vieux haut-allemand zeideln, qui signifie couper (les rayons de miel). Zeidler désignait ainsi le chasseur de miel, l'apiculteur (le moderne Imker ou Bienenzüchter) que de nombreuses gravures symbolisent de manière identique, sans doute à partir d'un modèle commun, perché sur une ruche en paille, une arbalète à l'épaule :

Der "wehrhafte" Zeidler : Le brave chasseur de miel.

C'est à compter du XIVe siècle que de véritables guildes de Zeidler se forment et en 1350, l'empereur du Saint Empire Germanique Charles IV établit des zeidelmeister pour contrôler les forêts, et donc l'économie apicole forestière, qui ont leur zeidelgericht, des tribunaux particuliers. Ces privilèges seront conservés peu ou prou jusqu'en 1779. Quasiment à la même date (1347), le roi de Pologne Casimir (Kazimierz) Ier reconnaît par la diète de Wislica les règles des apiculteurs des forêts, transmises par la tradition orale. Le fondateur de la dynastie des Piasts, qui inaugure en quelque sorte l'histoire de la Pologne au IXe siècle, était un simple paysan de Kruszwica possédant un petit lopin de terre et quelques ruches : elles ressemblaient très probablement à celle que l'on a retrouvé sur les bords de l'Oder (image 1).

Parallèlement, sans doute, l'apiculture proprement dite se développe, et avec elle les variétés de ruches.
 

 

--