"Des « chasseurs de miel
» au Néolithique ?
Le miel, la cire : ces produits issus
de la ruche ont, semble-t-il, eu une place importante pour les
hommes du Néolithique1. C'est en tout cas ce que suggèrent
les résultats d'une équipe du Centre de recherche
et de restauration des Musées de France (C2RMF). Installée
dans l'enceinte du Palais du Louvre, cette équipe dirigée
par Martine Regert cherche à identifier des substances
naturelles organiques exploitées par le passé.
Mais pas n'importe lesquelles. Sur les sites archéologiques,
certaines comme le bois ou les graines sont assez directement
identifiables. D'autres, les gommes, les résines ou la
cire ne possèdent aucun caractère morphologique
déterminant, de sorte que le seul moyen de les identifier
est de remonter à leur composition chimique moléculaire.
C'est là le travail des chimistes et des archéologues
de l'équipe qui analysent deux types de vestiges néolithiques
: les récipients en céramique dans lesquels on
trouve des traces de ces matériaux organiques dans les
restes alimentaires, et les outils en silex ou en os qui en conservent
dans la colle qui a servi à les fabriquer. « Sur
les sites néolithiques comme celui de Chalain dans le
Jura, de Bercy, ou encore de Dikili Tash en Grèce, des
dizaines de céramiques ont été retrouvées.
Chaque fois, dans au moins deux ou trois d'entre elles, nous
avons identifié de la cire d'abeille* »,
explique la chercheuse. Une présence telle qu'elle a conduit
les scientifiques à s'interroger sur l'utilisation de
cette cire à l'époque. Et leurs travaux apportent,
à ce sujet, de nombreuses réponses. Elle servait
de plastifiant dans les colles utilisées pour fabriquer
les outils. Elle devait permettre d'imperméabiliser les
récipients de céramique qui contenaient la nourriture.
« Nous pensons aussi que ces restes peuvent être
ceux de préparations culinaires à base de miel,
car nous avons retrouvé de la cire mélangée
à des graisses animales. Comme le miel ne se conserve
pas, la cire témoigne peut-être simplement de l'utilisation
de cet aliment sucré », commente Martine Regert.
Enfin, la cire devait être employée pour la pharmacopée,
l'éclairage, les activités artistiques, etc. Une
multitude d'applications qui laisse penser que les produits de
la ruche ont occupé une place très importante dans
le quotidien des populations néolithiques. À tel
point que les chercheurs imaginent que la récolte du miel
était peut-être une activité spécialisée
et largement répandue. À coté des agriculteurs
et des éleveurs, sans doute existait-il des « chasseurs
de miel »
Stéphanie Belaud"
- extrait de : http://www2.cnrs.fr/presse/journal/1486.htm
- * Beaucoup de poteries
néolithiques ont été retrouvées dans
le monde avec des restes de cire, de miel ou de glucose, par
exemple : Runnymede Bridge, à Surrey dans le sud-est de
l'Angleterre datant de -3000-2650.
- NDE : Des poteries exhumées
dans le village de Jiahu, dans la province chinoise de Henan
(Henon) ont révélé qu'une boisson fermentée
avait été produite il y a 9000 ans à base
de riz, de miel et de fruits :
- On retrouvera cette boisson
dans des liquides (vins fermentés de riz et de millet)
extraordinairement préservés (à Anyang)
pendant les ères Shang et Zhou occidentaux (-1250 - 1000)
et ces découvertes ont indiqué l'importance sociale,
religieuse et médicale des boissons fermentées
dans la culture de la Chine ancienne, quand elles ont été
rapprochées de leurs premiers témoignages écrits
sous la dynastie Shang, sous formes d'oracles gravés sur
des os ou des carapaces de tortue ( environ - 1750 - 1050), où
le mot "miel" apparaît pour la première
fois.
- os de tortue de la dynastie
Shang.
- Entre - 1200 à notre
ère, environ, des régions de Chine vont passer
par d'une récolte sauvage de miel à une semi-apiculture
en rationnalisant les cueillettes : bouchage partiel des nids
par du fumier de bétail pour faciliter les récoltes,
marquage des arbres pour identifier les sources de miel, par
exemple. Cette évolution se poursuit sous les Han orientaux
(vers 25 - 220), où des pionniers de l'apiculture coupe
les branches où sont installés des nids d'abeilles
Apis Cerana pour les installer sous les avant-toits de
leurs demeures. Entre 200 et 500, les premières ruches
en bois apparaissent et l'on pratique la récolte du miel
et de la cire. Ces faits sont reportés par une des premières
encyclopédies chinoises, le Bowuzhi (博物志,
"Traité simple des Investigations des choses) de
Zhang Hua (張華, entre
232 - et 300, dynastie Jin), mais aussi par le Yongjia
Dizhi de Zheng Jizhi (420 - 479). Pendant la dynastie Jin
(265 - 420), Huangfu Mi ( 皇甫謐,
Huang Puming, 265- 282), auteur de Gaoshi zhuan (高士傳),
relate qu'à l'époque des Han, un homme prénommé
Jian enseigna l'apiculture à plus de 300 personnes, ce
qui conduisit à la création d'au moins mille entreprises
d'apiculture. Des observations apicoles apparaissent dans l'oeuvre
d'un autre encyclopédiste, Guo Pu ( 郭璞,
276 - 324), dans son ouvrage Mifeng Fu, qui présente la
division du travail chez les abeilles et conclut qu'elles sont
des insectes sociaux.
-
" Petit historique des adhésifs
préhistoriques
Tout au long du Néolithique*
et des âges des métaux, les hommes préhistoriques
ont essentiellement utilisé de l'écorce de bouleau
pour obtenir une matière adhésive utilisée
aussi bien emmancher les pointes de projectile sur leur hampe
en bois que pour réparer des céramiques fissurées
[ou imperméabiliser, NDE) . L'écorce blanche de
bouleau se transforme en effet en un goudron végétal
(le brai de bouleau) sous l'effet d'un chauffage contrôlé.
Sur les sites néolithiques de Chalain toutefois, les populations
ont utilisé d'autres écorces, de la résine
de conifère ainsi que du bitume qu'ils obtenaient vraisemblablement
par échange. A partir de l'âge du Fer*, la fabrication
des adhésifs se complexifie et des substances naturelles
telle que la cire d'abeille sont ajoutées au brai de bouleau
pour obtenir une colle plus performante.D'un point de vue chimique,
le brai de bouleau contient un ensemble de triterpènes
de la famille des lupanes, tels que la lupénone, le lupéol
et la bétuline. Au cours de la transformation de l'écorce
en brai, une partie de ses constituants se déshydrate
pour donner naissance à des hydrocarbures triterpéniques
ou d'autres constituants de plus faible poids moléculaire
que leurs précurseurs. Les résines de conifère,
quant à elles, sont caractérisées grâce
à la présence d'un ensemble de diterpènes
de la famille de l'acide abiétique tandis que les matières
bitumineuses sont riches en hydrocarbures.
L'altération de la cire d'abeille
en contexte archéologique
Les matériaux organiques sont très sensibles aux
processus chimiques et biochimiques d'altération. Aussi,
la constitution de l'ensemble des résidus organiques découverts
en contexte archéologique a toujours été
fortement modifiée au cours du temps. Les caractérisation
chimique des échantillons archéologiques repose
donc systématiquement sur l'étude de substances
naturelles actuelles qui sont soumises aux laboratoires à
des processus de vieillissement accéléré.
En ce qui concerne la cire d'abeille, l'analyse d'échantillons
chauffés au laboratoire pendant plusieurs mois à
différentes températures a permis de mettre en
évidence les processus à l'origine de l'altération
de ce matériau : les esters subissent des processus d'hydrolyse
qui conduisent à libérer de l'acide palmitique
et des alcools linéaires à longue chaîne
hydrogéno-carbonée tandis que les n-alcanes sont
naturellement sublimés en contexte chaud et sec et tendent
donc à disparaître au cours du temps. Ces résultats
permettent d'identifier de la cire d'abeille, présentant
des profils d'altération différents, dans des contextes
environnementaux variés."
extrait de : http://www.c2rmf.fr/pages/page_id18351_u1l2.htm
* Néolithique : pour la France,
vers -6000 à - 2000
* Age du fer : vers - 800
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