ENCYCLOPEDIE -DE--LA--LANGUE -FRANCAISE
 
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ABEILLE

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LES DANSES (2)

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---DANS LE SILLAGE
de
---V.FRISCH--- -
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LA CONTROVERSE
 

Certains apidologues ont critiqué les théories de Frisch sur les danses dès 1967. Les expériences d'Adrian Wenner, de Dennis L. Johnson, ou encore de Patrick Wells en premier lieu Wenner et Johnson, admirent en partie les indications de direction fournies par les danses mais contestèrent l'utilisation qui en est faite par les autres abeilles tout en privilégiant la piste olfactive. Une partie de ces expériences, comme celles de Frisch, d'ailleurs, furent biaisées faute de certaines connaissances sur la vision de l'abeille, en particulier sur le flux optique (voir ce chapitre, plus bas).
 
Une des premières expériences mettant à mal les thèses olfactives de Wenner est celle de Gould :
"En 1975, James L. Gould de l’université de Princeston montre qu’une danseuse peut envoyer ses accompagnatrices vers un site qu’elle n’a jamais visité. Cela met à mal l’hypothèse qui ne retient que les odeurs comme type d’indication. Pour prouver cela, son groupe de recherche recouvre les ocelles de certaines butineuses d’une couche de couleur. Ceci les empêche de voir une lumière artificielle de faible intensité placée à proximité de la ruchette vitrée. Par contre, les autres abeilles reconnaissent cette lumière comme une faible lumière de jour. Lorsqu’une butineuse avec ses ocelles recouverts rentre et effectue sa danse, elle croit le faire en pleine obscurité en se basant sur la gravité. Par contre, ses suivantes l’interprètent sur base de la lumière artificielle placée dans un angle différent de la verticale. Malgré l’odeur de la nourriture, les abeilles suiveuses partent vers un mauvais nourrisseur correspondant à l’angle de la lampe.

extrait de :http://www.cari.be/medias/Permanent/von_frish.pdf

Dans les expériences plus récentes de Wenner, par exemple (Wenner et Wells, 1990), le vent était fort, ce qui amenèrent à la fois Wenner et ses détracteurs à se sont tromper dans leurs jugements en invoquant les pistes olfactives brouillées ou encore la thèse déjà citée de l'énergie dépensée : par vent fort (comme avec une lourde charge), les abeilles ont tendance à voler très près du sol, ce qui change complètement le défilement des images sur la rétine des abeilles et trouble leur perception de la distance. Il en va de même quand l'abeille vole au ras de l'eau : beaucoup finissent par perdre la notion de l'altitude à cause du manque de repères topographiques (la vision de l'homme connaît un souci similaire et a même causé des crashs aériens) et s'abîment dans l'eau : là encore, de nouvelles connaissances sur la vision de l'abeille, nous allons le voir, vont faire entrer les danses dans un ensemble cognitif complexe.
 
D'autres questions se sont posées sur l'efficacité des danses, dans la mesure où cinq à six vols d'essais sont en moyenne nécessaires à une butineuse avant d'opérer ses recrutements et où à peu près une moitié d'enrôlées ne trouvent pas la source de nourriture (Mautz, 1971; Seeley, 1983), ce à quoi on peut objecter (en plus de ce qui précède) qu'à la suite des danses, le nombre de butineuses effectuant un vol d'environ 20 minutes décuple en quelques heures, ce qui accroît significativement et rapidement les capacités de récolte pour la ruche (Seeley, 1985). Ce sujet met le doigt sur l'efficacité des danses, qui ne dépend pas seulement des informations des danseuses, mais aussi de multiples paramètres, qui interviennent dans la recherche de nourriture : le flux optique, surtout , l'odeur, mais aussi le champ magnétique (voir LA TÊTE - LES ANTENNES, Les phénomènes électriques), ou encore les phénomènes vibratoires et d'autres comportements encore mystérieux que nous évoquerons plus loin. Des erreurs de direction sont en partie causées par le champ magnétique terrestre, quand il n'est pas compris comme partie intégrante du système d'orientation des abeilles vers la source de nourriture (Schmitt et Esch, 1993). Ce champ supprimé autour de la ruche dans le cadre d'une expérimentation élimine ces erreurs (Gould, Kirchvinz, Deffeyes 1978; Gould, 1980) : voir aussi Vision-Orientation.
 
V. Frisch a bien relévé la proximité immédiate des abeilles recrutées et le caractère informatif des sens tactiles et odorants dans les danses : "...en effet, les ouvrières qui sont tout près de la danseuse commencent à trépigner derrière elle, s'efforcent de garder leurs antennes en contact avec son abdomen, et la suivent tellement bien dans ses cabrioles qu'elles lui font comme une traîne, qui obéit sans cesse à ses mouvements frénétiques (fig. 75)" (reproduite ci-dessus) (...) "Les autres abeilles ne peuvent donc voir la danseuse et si elles remarquent son agitation et la suivent de près dans toutes ses évolutions, c'est exclusivement grâce à leurs perceptions tactiles et olfactives." (op.cité p. 138-139).
 
 
Une autre donnée doit être évoquée ici, qui est le mécanisme neural des danses, encore très peu connu, mais on sait que l'octopamine est le neurotransmetteur qui régule en partie leur fonctionnement. Gene Robinson, de l'université de l'Illinois (Urbana-Champaign), responsable du séquençage du génome de l'abeille, a dirigé une étude sur ce phénomène en collaboration avec Andrew Barron, de la Macquarie University (Australie) et en conclut que "l'octopamine ne fait qu'augmenter la probabilité qu'une abeille retourne à la ruche et se mette à danser. La molécule accroît sa perception de la valeur de sa trouvaille". Ses études ont montré que le taux d'octopamine a de l'influence sur la vigueur et la durée des danses (Andrew B. Barron†, Ryszard Maleszka, Robert K. Vander Meer, and Gene E. Robinson†, 2007). Sensiblement la même équipe reconduira une expérience similaire en droguant les abeilles à la cocaïne, pour des résultats comparables (Barron, Robinson, Maleszka, Helliwell, 2009).

1. Une petite dose de cocaïne pour l'abeille, dont les danses seront un bon témoin de son trip !

De nombreuses expériences ont permis de renforcer et de corriger les thèses de V.Frisch, sur les danses.
 
En 1992, Axel Michelsen et Wolfang H. Kirchner mettent au point un robot qui apportera des connaissances décisives dans le domaine des danses :

"C’est en 1992 qu’une expérience basée sur l’utilisation d’un robot est venue finalement la confirmer. Michelsen et ses collègues ont mis au point un petit robot de la taille et de la forme d’une abeille, relié à un ordinateur et téléguidé par un programme informatique, auquel ils ont pu faire effectuer des danses dans des ruches afin d’étudier leur impact sur ses congénères biologiques. Ce robot a d’abord été enduit de cire et placé un certain temps dans la ruche afin de s’imprégner de l’odeur des abeilles pour qu’il soit reconnu comme l’une des leurs. Une fois la phase d’habituation terminée, les chercheurs ont pu demander à leur robot d’effectuer un certain nombre de danses, dans lesquelles pouvait être contrôlés indépendamment la vitesse du frétillement, la fréquence du bourdonnement (grâce aux ondes acoustiques de petites ailes artificielles), la période pour effectuer les demi-cercles et
l’angle entre la ligne droite centrale et les demi-cercles. L’immense avantage d’utiliser un robot était d’une part la possibilité de répéter exactement la même danse de nombreuses fois sans variabilité de manière à pouvoir étudier statistiquement la réponse comportementale des abeilles, et d’autre part de pouvoir par exemple enlever certaines composantes de la danse, les contrôler une à une, et même proposer des danses avec des composantes contradictoires qui ne sont jamais générées naturellement par les abeilles mais qui permettent de mettre en lumière la manière dont sont utilisés conjointement les différents indices. En outre, on pouvait demander au robot de faire une danse indiquant aux abeilles qu’il y avait une source de nectar à un endroit où il n’y en avait pas : cela permettait d’éliminer complètement la possibilité qu’elles se rendent à cet endroit en étant guidées par leur odorat. Les résultats de ces expériences furent très clairs : le robot des expérimentateurs arrivait à « envoyer » les abeilles où les expérimentateurs le voulaient, et sans indices olfactifs. Comme par ailleurs l’utilisation d’un robot permettait de dire que les seuls signaux communiqués aux abeilles étaient ceux implémentés dans le robot et correspondant à la théorie de von Frisch, les grandes lignes de celle-ci s’en trouvèrent confirmées. Mais l’utilisation du robot permis d’aller plus loin encore et de raffiner la théorie de von Frisch : Michelsen et ses collègues ont montré qu’en fait, la partie essentielle de la danse est celle de la ligne droite verticale pendant laquelle l’abeille/le robot agite son abdomen et émet un bourdonnement, alors que la partie demi-cercle, pendant laquelle l’abeille s’arrête de frétiller et de bourdonner pour revenir au point de départ de la ligne droite, ne semble pas avoir le rôle crucial d’indication de la direction que von Frisch avait proposé. Au contraire, il semble que ce soit la combinaison du son et du frétillement qui indique à la fois la distance et la direction de la source de nectar. On voit donc ici le rôle fondamental que le robot a pu jouer dans la compréhension de la danse des abeilles."

extrait de : http://www.pyoudeyer.com/oudeyer-cogniprisme09.pdf

2. Abeille-robot de Michelsen, 1992 (cliché M. Moffet, Mindem Pictures)

 
"Notre modèle est en cuivre recouvert d'une pellicule de cire d'abeille. De même longueur qu'une ouvrière, il est un peu plus large. Les ailes sont simulées avec un morceau de lame de rasoir qu'un électro-aimant fait vibrer. Un moteur à plusieurs vitesses fait tourner le modèle et le fait frétiller pendant la course frétillante. D'autres moteurs lui font décrire un 8. Durant de brefs arrêts, des
« échantillons de nourriture » (de l'eau sucrée aromatisée) sont émis par un mince tube de plastique situé près de la « tête ».
Tous les moteurs sont pilotés par ordinateur. On peut donc contrôler tous les paramètres de la danse grâce à un logiciel. Cela permet de modifier isolément chaque mouvement et de créer des danses atypiques. A intervalles de trois minutes, l'ordinateur calcule l'azimut solaire et ajuste la direction de la course frétillante pour prendre en compte le mouvement apparent du soleil. Le modèle est installé sur le rayon inférieur, près de l'entrée d'une ruche d'observation à deux rayons. On ajoute à l'eau sucrée et à la pellicule de cire du modèle un léger parfum non familier aux abeilles. Des appâts avec le même parfum sont placés à différents endroits du champ et des observateurs comptent les abeilles qui s'en approchent. Pour étudier le transfert de l'information sur la distance, sept appâts sont placés à différentes distances dans la direction indiquée par le modèle. Dans les expériences sur la direction, huit appâts sont placés à intervalles égaux à 370 m de la ruche.
Nous avons commencé par déterminer l'efficacité du robot dans le transfert d'information avec des danses normales. Nous avons ensuite utilisé l'ordinateur pour opérer des danses donnant aux abeilles des informations contradictoires sur la distance ou la direction. Le robot peut ainsi bouger rapidement pendant la course frétillante (indiquant une distance courte) et lentement durant le mouvement de retour (indiquant une longue distance), et inversement. Les abeilles suivent les instructions données par la course frétillante et ignorent la durée du retour. De la même manière, on peut changer la place de la course frétillante dans le 8 pour que cette course et le 8 indiquent des directions opposées. Encore une fois, les abeilles obéissent aux instructions de la course frétillante. Celle-ci apparaît donc comme le « paramètre principal » dans le transfert de l'information concernant à la fois la distance et la direction. Au cours de la course frétillante normale, la danseuse frétille et émet des vibrations avec ses ailes. Nous nous attendions à ce que chacun de ces deux éléments joue un rôle particulier dans le transfert de l'information. Le premier pouvait indiquer la distance, le second attirer ou motiver les abeilles. Cette hypothèse n'a pas été confirmée par des expériences où frétillement et vibration des ailes étaient totalement ou partiellement dissociés. Il semble donc que ces éléments de la danse soient relativement redondants. La redondance du signal, on le sait, confère aux systèmes de communication une plus grande tolérance aux erreurs de transmission(8).
Notre robot recrute généralement moins d'abeilles que les danseuses vivantes. Ce n'est sans doute guère surprenant, compte tenu de son caractère rudimentaire. On sait par ailleurs que les danseuses vivantes ont une température thoracique supérieure à 40 °C, soit 5 à 6 °C de plus que chez la plupart des autres abeilles de la ruche(9). Nous avons testé un modèle doté d'un dispositif chauffant. Il a malheureusement suscité un comportement agressif chez les abeilles chaque fois que la température dépassait 34 °C. On ignore pourquoi.
 
(8) D.M. MacKay, in R.A. Hinde (éd.), Non-Verbal Communication, Cambridge University Press, 1972.
(9) A. Stabentheiner et al ., Verh. Dtsch. Zool. Ges ., 83 , 624, 1990.

Propos d'Axel Michelsen, professeur de biologie, qui dirige le Centre de communication acoustique de l'institut de biologie de l'université d'Odense au Danemark. Ce texte est extrait de la revue la Recherche, n° 310, de juin 1998.
extrait de : http://irbi.univ-tours.fr/UIEIS/Site%20web%20UIEIS/Articles%20presse/Danse%20techno.htm

Précisons que les robots qui ont précédé celui de Michelsen dans l'étude des abeilles ne prenaient pas en compte les particularités acoustiques de la communication (Weiss 1989:283), que partagent beaucoup d'insectes et cette différence empêcha souvent la communication de ces robots-abeille avec d'autres abeilles de la ruche, quand ils n'étaient pas carrément pris pour des intrus et attaqués par la colonie (voir LA TÊTE - LES ANTENNES, Les phénomènes électriques).

 
Le flux optique
 

Ce sont Harald E. Esch et John E. Burns, du département de Biologie de l’université Notre Dame (Indiana, États-Unis) qui mirent en évidence l'importance du mouvement des images chez l'abeille, en 1995. Ce phénomène, appelé flux optique est connu depuis longtemps dans son principe (Exner, 1891 ; Wallace, 1959), et on savait qu'il devait compenser l'immobilité des yeux, dont l'inconvénient principal est la fixité focale qui empêche la vergence binoculaire ou l'effort réfractif permettant la netteté des images. Maintenant, on sait que ce flux optique, chez l'abeille, est d'une importance capitale pour l'évaluation de la distance, et partant, pour la bonne exécution des danses.
 
Les chercheurs placèrent une ruche en haut d'un immeuble (la bibliothèque de leur université), et la source de nourriture sur un autre bâtiment (appelé Grace Hall) situé à une distance de 230 mètres : Les butineuses de retour de Grace Hall, voulant recruter d'autres butineuses effectuèrent des danses qui indiquèrent beaucoup moins que de la distance parcourue, parfois la moitié, selon qu'elles allaient directement d'un toit à un autre, ou survolaient de plus petites constructions, et en tout cas, ayant devant elles des images du sol défilant bien plus loin de leurs yeux qu'à l'habitude.
 
 

 3. Schéma illustrant une expérience du flux optique des abeilles domestiques

Esch et Burns, 1995

 
Deux ans après, en 1997, Mandyan Srinivasan de l’Université Nationale de Canberra (Australie), effectue des tests d'odométrie basés sur un système de tunnel, qui confirme la prépondérance du flux optique dans l'appréciation des distances. Des stries perpendiculaires à leur trajet jalonnent régulièrement le tunnel dans les deux premières expériences, et celles-ci ne gênent pas l'oeil de l'abeille qui apprécie avec justesse la distance entre la ruche et la nourriture. La troisième expérience consiste à décorer le sol du tunnel par des stries disposées cette fois parallèlement au trajet. Cette fois, le défilement perpétuel interdit à l'abeille d'apprécier la distance parcourue, qu'elle minimise dans les danses de recrutement :
 
 

 4. Test de comportement de danse des domestiques

Srinivasan, 1997

 
Différentes collaborations ultérieures avec d'autres spécialistes mondiaux de la question achèveront de démontrer le primat du flux optique dans cette évaluation de la distance rapportée par les danses de recrutement. En 2000, Srinivasan et Shaowu Zhang, tous deux de l'université de Canberra, s'associent à Monika Altwein et Jürgen Tautz, du Biozentrum de l'Université Julius Maximilian de Würzburg (Allemagne), et cette équipe confirme les hypothèses précédentes en exagérant le flux optique dans un tunnel étroit à damiers. Les danses de recrutement évaluent alors une distance de 193 m quand les abeilles n'en ont parcouru que 6 ! En 2001, son équipe s'associe cette fois à celle d'Harald Esch et ces chercheurs démontrent à nouveau l'importance du flux optique. Les abeilles traversent un tunnel de huit mètres de long dont l'entrée est située à trois mètres de la ruche (image 5). Un afflux important d'images est imposé aux abeilles sur leur trajet et, de retour à la ruche, le chercheur analyse les 358 millisecondes de frétillement que délivre la recruteuse. Quand la nourriture était placée au bout du tunnel, orienté au sud, les abeilles devaient donc parcourir 11 m. Pourtant les danses se rapportaient à une valeur de 72 mètres. Logiquement, les abeilles recrutées partirent dans la bonne direction mais ne passèrent même pas dans le tunnel pour rejoindre une station de nourriture placée à... 70m! Un autre tunnel de 6 m fut installé, orienté cette fois au Nord. Les éclaireuses battèrent leurs ailes durant 270 millisecondes et allèrent chercher la nourritture à 52 mètres au lieu de 9.

 5.

 5 - 7. Expérience d'odométrie sur l'abeille domestique, dans un tunnel, en laboratoire et en extérieur.

Harald Esch, 2001

6. 
 7.    

La qualité des informations disponibles sur le défilement des images sur la rétine dépend de la qualité du système optique, nous venons de le voir, mais aussi, plus basiquement, de la sensibilité des yeux. Dans ce domaine, une découverte permet de comprendre les avantages et les inconvénients du système oculaire de l'abeille. Nous l'avons déjà vu (dans Vision et Orientation) les trois types de récepteurs de couleurs sont, chez l'abeille, très sensibles dans certaines parties du spectre lumineux : ultraviolet, bleu et vert (Autrum et von Zwehl 1964). Si ces caractéristiques permettent aux abeilles de discriminer parfaitement les fleurs (Chittka 1996), une autre est étonnante qui a permis de comprendre qu'en vol, la vision de l'abeille était aveugle aux couleurs. Chittka et Tautz (2003) ont en effet découvert que les abeilles n'utilisaient que les récepteurs du vert, achromatiques, pour apprécier la vitesse de défilement des images, confirmant ainsi des expériences précédentes, rapportant l'exclusivité de ces récepteurs comme médiateur de la vision (Giurfa et Lehrer 2001; Spaethe et al. 2001)

 

 8. Illustration de la vision particulière de l'abeille, précise pour les contours des fleurs et très imprécise pour le paysage défilant pendant le vol.

Equipe de Tautz, Würzburg, 2003


Pour cette raison, de forts niveaux de contrastes lumineux gênent l'abeille dans l'estimation subjective de la distance parcourue (Chittka et Tautz 2003; Si et al. 2003). Tautz approfondira ce sujet en 2004 en étudiant l'impact de la topographie sur les danses. Un groupe de butineuses devait voler au-dessus d'un lac (contraste visuel faible) et un autre sur la terre ferme (contraste visuel relativement élevé). De manière attendue, les danses des premières indiquèrent des distances plus grandes que celles parcourues.

 
 

 9. Abeille Apis mellifera équipée d'un radar transpondeur pour suivre ses itinéraires par rapport aux danses de recrutement.

Riley et Menzel, 2005, Rothamsted Research.

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"Après une période de controverses, cette théorie [de V. Frisch, NDE] a conservé sa pertinence, même s’il s’agit d’un processus statistique dont l’efficacité est partielle. La thèse originale a été complétée par des composantes environnementales olfactives et/ou visuelles. Celles-ci permettraient une orientation fine et autonome de l’abeille « apprenante », une fois qu’elle est arrivée dans la zone indiquée par son mentor.
Des recherches en la matière ont été conduites récemment par des équipes germano-britanniques
[1] en utilisant un microéquipement radar. Après avoir été éduquées par la danse, les abeilles sont capturées, puis relâchées après avoir été munies d’un transpondeur harmonique permettant d’enregistrer leurs trajets individuels.
La direction et la distance enregistrées à partir de la ruche indiquent que les individus éduqués par la danse se dirigent vers la zone fréquentée par l’abeille éducatrice avant sa prestation chorégraphique. Si on relâche les abeilles « éduquées » à un autre endroit que celui du rucher, elles prennent la direction et parcourent la distance qui auraient été les leurs à partir de la ruche, ce qui indique que ces deux paramètres topographiques sont devenus endogènes et indépendants d’une caractéristique environnementale externe.
Les données recueillies par le radar corroborent de la sorte les interprétations de von Frisch déduites d’observations empiriques, tout en précisant les limites de leur applicabilité.
 
1. Riley JR, Greggers U, Smith AD, Reynolds DR, Menzel R. The flight paths of honeybees recruited by the wangled dance. Nature 2005 ; 435 : 205-7.

extrait de : http://www.john-libbey-eurotext.fr/en/revues/agro_biotech/agr/e-docs/00/04/13/BE/article.phtml

"Aujourd’hui, dans un article publié par la revue Nature, une équipe de neurobiologistes berlinois tentent de clore cette controverse commencée en 1967 en contrant les deux principales critiques faites à Karl Von Frisch. Seeley avait par exemple noté que seule une abeille sur deux ayant suivant la danse arrivait ensuite à retrouver la source de nourriture. L’équipe de Menzel prouve le contraire en reconstituant le trajet de ces insectes. Les chercheurs allemands placent sur le thorax de ces abeilles une micro antenne émettrice et les suit grâce à un radar de longue portée. La vingtaine d’abeilles appareillées se dirige bien vers le site après avoir suivi la danse mais une fois sur place elles ne trouvent pas forcément l’eau sucrée. Ce n’est pas le système de communication qui doit être mis en cause mais la capacité des abeilles à mettre la main sur la nourriture."

extrait de : http://tempsreel.nouvelobs.com/actualites/sciences/20050511.OBS6426/


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