ENCYCLOPEDIE -DE--LA--LANGUE -FRANCAISE

Un paysage vu par des yeux humains et tel que l'abeille est censée l'appréhender par sa vision particulière

 
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ABEILLE

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VISION et

ORIENTATION

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LA VISION


 LA VISION  
   Spectre électromagnétique et ses différentes ondes


Pour les couleurs, hommes et abeilles sont un peu à égalité, dans le sens que chacun, de par sa vision limitée du spectre lumineux, voit des couleurs que l'autre ne perçoit pas. Les abeilles perçoivent de bien plus courtes longueurs d'ondes lumineuses que nous, à partir de 300 nanomètres (nm), valeurs spectrales de l'ultraviolet, que l'homme ne perçoit pas, mais qui est reflété par beaucoup de fleurs qui peuvent être ternes à nos yeux, alors qu'elles apparaissent aux abeilles avec de jolies nuances bleutées (image 1) ou carrément bleutées, quand elles reflètent l'ultraviolet sur toute leur surface, comme c'est le cas chez l'onagre (image 2), une nuance qu'on appelle "le pourpre de l'abeille".

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Vision comparative de l'homme et de l'abeille d'une fleur reflétant l'ultraviolet à quelques endroits.    Vision comparative de l'homme et de l'abeille d'une fleur d'onagre (Oenothera biennis) reflétant partout l'ultraviolet

Le spectre de la lumière visible pour l'abeille s'arrête à 650 nm, ce qui expliquent que l'animal soit aveugle au rouge, qui a une longueur d'ondes de 800 nm. Avant de connaître ce fait, maints botanistes occidentaux s'étaient étonnés, sans comprendre, de la rareté du rouge dans les couleurs florales de leurs contrées. Mais alors, remarquerez-vous, beaucoup de fleurs tropicales sont rouges. Les abeilles ce ces régions auraient-elles une autre vision des couleurs ? Non, bien entendu, mais la réponse est ailleurs : ces fleurs ne sont pas pollinisées par les abeilles, ni par d'autres insectes, mais par des oiseaux mellivores (mangeurs de miel, plus exactement de nectar) comme le colibri, qui sont quant à eux, très sensibles à cette grandeur du spectre lumineux. C'est ainsi que tous les rouges paraissent à l'abeille plus ou moins gris ou noirs et que les fleurs rouges ne sont pas les fleurs les plus adaptées aux abeilles. Alors, remarquerez-vous, pourquoi butine t-elle les coquelicots, par exemple ? La réponse est que, sur les pétales de coquelicots, comme sur d'autres fleurs, nous l'avons signalé plus haut, de petites marques visibles à la lumière ultraviolette y sont reflétées et attirent les insectes sensibles à cette largeur de spectre, comme les abeilles et d'autres insectes.

C'est Von Frisch, encore, qui réussit par ses expériences à montrer comment les abeilles font leur apprentissage de la couleur en fonction des fleurs qui les intéressent. Un peu comme chez les mammifères, l'abeille possède une mémoire à court terme et une mémoire à long terme. Il a été démontré que les trois dernières secondes avant que l'abeille ne se pose sur une fleur est déterminante pour l'enregistrement mémoriel d'une couleur. Entre ce moment et les minutes qui suivront, si l'abeille trouve sur la fleur son compte de nourriture, elle en mémorisera la couleur, définitivement au bout de trois visites. Dans le cas contraire, l'information ne sera pas stockée car elle ne serait d'aucune utilité pour l'abeille.

"La vision colorée humaine, basée sur le fonctionnement de trois types de récepteurs sensibles respectivement aux radiations « bleues » , « vertes » et « rouges » (vision trichromatique), diffère de celle de l’abeille qui possède également trois types de récepteurs mais « décalés » vers les courtes longueurs d’onde, à savoir respectivement sensibles à l’ultra violet au bleu et au vert. Sa perception se caractérise aussi par une incapacité à distinguer les nuances: on considère que l’insecte n’en perçoit que trois, combinaisons deux à deux des trois primaires : « l’ultra violet-bleu », « le bleu-vert » et le « vert-ultra violet » (équivalent de notre « pourpre »: mélange de rouge et de bleu) plus un « blanc » résultant de la stimulation simultanée des trois récepteurs et du « noir » en l’absence de tout signal. Parallèlement il faut rappeler que l’abeille semble ignorer les échelles de clarté (BACKHAUS 1995), le système fonctionnant d’une certaine façon en « tout ou rien ». Enfin l’acuité est mauvaise, la résolution dépassant largement le degré (LYTHGOE, 1979); c’est là une médiocre performance une bonne centaine de fois inférieure à la nôtre. Ajoutons qu’on a récemment trouvé chez cet insecte une certaine préférence pour les structures présentant des symétries.
L’ensemble de ces caractéristiques montre que le jaune, y compris celui du colza, est simplement perçu par l’insecte comme un vert de clarté moyenne. Ainsi doit-on chercher dans une réflexion ultra violette de la fleur ce qui permet à celle-ci d’être distinguée du feuillage (tout particulièrement du sien propre) qui ne réfléchit pas ces radiations.
 
Par la pollinisation l’abeille participe à l’essentielle fonction de reproduction des végétaux. Pour ce faire la fleur doit être vue par du pollinisateur et l’attirer (c’est là sa raison d’être) l’abeille en particulier, celle-ci étant un des plus efficace d’entre tous de par ses effectifs et son activité (« busy bee »). Les fleurs ne sont donc pas, ou rarement, vertes, ainsi peut-on grossièrement les classer en deux groupes selon quelles réfléchissent des longueurs d’onde plus courtes que le vert (fleurs violettes ou bleues, principalement pigmentées par des « anthocyanes » et se plaçant « à gauche » du vert sur le spectre) ou des longueurs d’onde plus longues : fleurs jaunes, oranges ou rouges, pigmentées par les caroténoïdes et se plaçant « à droite » du vert. En l’absence de toute réflexion ultra violette le deuxième groupe de fleurs va être successivement perçu (du jaune au rouge) comme vert de plus en plus sombre, nos pourpres étant alors pris pour des bleus (perception rouge absente)."

texte d'Alain Chiron (CNRS) extrait de :
http://www.okhra.com/@fr/5/17/59003/article.asp

Par ailleurs, Martin Giurfa (CNRS – Université de Toulouse) a démontré "que la vision achromatique (en noir et blanc) dépend chez l’abeille uniquement du photorécepteur vert : si ses signaux sont traités au niveau du cerveau indépendamment des autres signaux, l’abeille peut percevoir si l’objet qu’elle a en face d’elle, indépendamment de sa couleur, est plus ou moins brillant.
Par une stimulation sélective de chaque type de photorécepteur, les chercheurs ont montré que si le photorécepteur vert n’est pas activé et n’envoie donc pas de signaux vers le cerveau, l’abeille ne réussit pas à extraire la configuration simplifiée commune à une série de stimuli, et ne peut pas transférer son choix à de nouveaux stimuli. Le manque d’activation des photorécepteurs ultraviolet et bleu ne produit pas cette chute de la performance. Ainsi, la catégorisation visuelle à partir de configurations simplifiées repose chez l’abeille sur le photorécepteur vert et donc sur la vision achromatique."

extrait de :
http://www.gazettelabo.fr/2002archives/breves/2004/0604/abeilles.htm
 
 
 La vision des formes  
   Vision que possède l'abeille des formes, selon Von Frisch


Si la couleur d'une fleur est rapidement apprise par l'abeille, sa forme lui demande plus d'obstination, car la vision de l'abeille, nous l'avons vu, ne possède qu'une faible résolution. Cela ne suffit pas à prétendre, comme on le fait parfois, que l'abeille n'est dotée que d'une vision paramétrique, c'est à dire, que l'abeille retiendrait différents paramètres comme le rapport entre la surface et la forme (dit fréquence spatiale) ou les angles entre les lignes formées par les pétales, par exemple, pour mémoriser la forme de la fleur visitée. En fait, plusieurs expériences ont montré que l'abeille possède bien une mémoire morphoscopique, une mémoire immédiate des formes, mais que celle-ci s'exerce mieux sur les fleurs, qu'elle approche de très près et dont elle résout les lignes complexes, que sur les repères environnants, à condition qu'ils aient une largeur angulaire d'au moins 3,5°.

Les abeilles pallient leur faible acuité visuelle par différents moyens. Nous verrons plus loin comment elles se servent du sens du toucher et de l'odorat, dans l'obscurité de la ruche, en particulier, alors que leur vision ne leur est pas encore d'une grande utilité.

Qu' un objet se déplace dans son champ de vision et les ommatidies sont automatiquement excitées ou inhibées selon leur position. Ce système opératoire permet à l'insecte d'estimer avec précision le caractère fixe ou mouvant d'un objet et de déclencher, le cas échéant, un réflexe adéquat, fuite, attaque, alerte, par exemple.

D'autre part, il faut préciser que leurs yeux, de par leur structure, commencent à fusionner les images dès une vitesse de défilement de 200-300 images/ seconde contre seulement 24 chez l'homme. Cette capacité lui permet de voler (à 30 km/h environ) tout en observant avec netteté les repères géographiques au sol. Ainsi, si le pouvoir séparateur de sa vision est faible, son pouvoir de résolution dans le temps compense le précédent, ce qui explique pourquoi l'abeille s'intéresse peu aux formes immobiles ou à des surfaces bien circonscrites, mais perçoit bien les changements opérés dans son champ visuel (pratique pour repérer les dangers éventuels) ou les formes très découpées, qui sont les formes des fleurs qui l'intéressent le plus.


 L'ORIENTATION  
   

Les abeilles ont des facultés d'orientation remarquables et complexes. Leur premier repère est le soleil, ce qui fait entrer les abeilles dans la catégorie des animaux phototactiques (substantif : phototaxie), qui s'orientent par rapport à des sources lumineuses, qui influent sur le rythme circadien de l'abeille (Beling, 1929). Les expériences sur les abeilles le montrent bien, en déplaçant les abeilles d'un continent à l'autre ou en utilisant un leurre (lampe électrique, par exemple) ressemblant au soleil par la forme et par la luminosité (moins de 15 % d'ultraviolets). On ne sait encore exactement comment les abeilles apprennent à évaluer les déplacements du soleil, peut-être les calculent-elles sur une base horaire, qui est de 15° en moyenne, et qui fournit à chaque fois un nouvel azimut de l'astre. Les variations au gré des saisons demandent un point de référence supplémentaire, qui pourrait être le nord magnétique (l'orientation par rapport à des sources magnétiques [tels les magnétosomes] est dite magnétotactique). D'autres expériences montreraient qu'elle font le point de la position solaire toutes les demi-heures environ. Certains chercheurs évoquent la mémoire de l'abeille, qui enregistrerait chaque jour de nombreuses positions du soleil à différentes heures de la journée, ce qui ne serait guère étonnant, quand on connaît les facultés mémorielles qu'elles déploient au cours de sa vie. Mais alors, quand la boussole solaire disparaît derrière les nuages, direz-vous, comment font ces braves petites ouvrières pour continuer leur ouvrage ? Et bien, absence de soleil ne signifie pas absence de lumière, qui se diffuse dans l'atmosphère sous forme polarisée, redirigée par toute sorte des molécules : air, poussières, eau, etc… Les abeilles se dirigent alors en fonction du plan de polarisation de la lumière, selon l'angle de polarisation des rayons, perçu par ses yeux. Plus fort encore, quand le ciel est totalement couvert, et alors que la lumière polarisée n'est plus accessible, les ouvrières continuent de travailler (à un rythme moins soutenu, cependant) et d'indiquer aux autres abeilles en dansant (voir paragraphe suivant de la butineuse) le bon angle entre les fleurs à butiner et le soleil. Il semblerait dans ce cas que les abeilles se servent de repères terrestres et font appel à leur mémoire pour se rappeler la position visible du soleil les jours précédents par rapport aux repères en question. De plus en plus fort, si, en plus du manque cruel de lumière, les repères physiques font aussi défaut, il reste encore une solution aux abeilles, celle de s'orienter grâce au champ magnétique terrestre, qui conditionne, nous le verrons, la construction de la ruche, mais aussi les danses (dont le sens sera révélé, nous le verrons par Von Frisch), sans que l'on en comprenne la raison. En effet, des expériences ont été menées sur le sujet et, en jouant artificiellement sur le champ magnétique, on a vu les abeilles orienter chaque fois leur danse vers les directions offertes par chaque champ créé…mais qui ne correspondaient pas avec une direction réelle de la nourriture. Nous possédons un certain nombre de preuves sur le fait que les phénomènes magnétiques sur l'horloge interne des abeilles (Gould, 1980). A l'image des pigeons voyageurs, ce serait la magnétite que l'abeille, à l'état de nymphe, accumule dans son abdomen sous forme de cristaux, qui renseigneraient les animaux sur le champ magnétique.
 
"L'orientation des abeilles s'est retrouvée ces dernières années au centre d'une polémique fort intéressante. Gould (1986; voir aussi Gould & Towne 1987) ont prétendu, pour expliquer leurs remarquables performances navigationnelles à grande distance, que les abeilles disposeraient d'une carte cognitive de leur environnement. Cartwright & Collett (1987) puis Dyer & Seeley (1989) ont cependant montré que les performances des abeilles pouvaient s'expliquer plus parcimonieusement sans évoquer une hypothétique carte cognitive. De nombreuses expériences ont confirmé par la suite que les abeilles s'orientent à grande distance en recourant à un processus non-cartographique impliquant largement l'intégration du trajet (associée à une reconnaissance visuelle de certains lieux privilégiés; Wehner & Menzel 1990; Wehner & Wehner 1990; Wehner et al. 1990, 1996; Dyer 1991, 1996; Dyer et al. 1993;
Kirchner & Braun 1994; Menzel et al. 1996)"

extrait de :
http://www.unige.ch/cyberdocuments/theses2000/SeguinotV/these.pdf
               

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