ENCYCLOPEDIE -DE--LA--LANGUE -FRANCAISE

 

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ABEILLE

DU
 
NECTAR-
 
AU
 
-MIEL

Abeille butineuse


Toutes les plantes ne sont pas nectarifères, de même que toutes ne sont pas pollinifères, bien que beaucoup d'espèces soient les deux à la fois. Le nectar est produit par des glandes florales appelées nectaires, qui cesseront sa production quand la fleur sera fécondée. Ces nectaires sont situées à divers endroits selon les espèces de fleurs, en fonction des animaux utiles à la fleur. Le plus souvent, et ce n'est pas un hasard, les nectaires accumulent le nectar au creux des pétales, au centre de la fleur, dans des glandes nectarifères ou au fond de longs tubes floraux comme l'éperon, par exemple, pour les animaux possédant une trompe : abeilles, bourdons, papillons, par exemple. Cela oblige l'abeille (mais aussi beaucoup d'autres insectes) à pénétrer à l'intérieur de la corolle pour récolter sa nourriture, qui n'est pas accordée par les fleurs par pure générosité, mais qui lui permet de déposer sur la plus grande surface possible du corps de l'insecte le pollen nécessaire à la reproduction de son espèce (voir pollen).

   Abeille butinant une fleur de lotus bleu (Nymphaea caerulea, Nymphaeaceae), Kuala Lumpur, Malaisie.

Dans le cas de l'éperon, les petites abeilles doivent souvent passer après les bourdons ou les grosses abeilles (type xylocope) qui le percent pour atteindre le liquide sucré, ce que les petites abeilles ne peuvent pas faire. Les nectaires dits extra-floraux ne se trouvent pas, par définition, sur la fleur elle-même, mais dans des pièces végétatives : limbe, feuille, fruit, calice, bractée, stipule (articulation de la tige et du pétiole), ou encore pétiole, comme dans le cas des arbres "à noyaux", tel le merisier. La position de ces nectaires n'en fait pas des glandes à visée pollinisatrice et intéressent d'ailleurs moins les abeilles que les fourmis, qui en sont friandes. Dans ce cas, les nectaires ont plutôt un rôle protecteur du bourgeon, de la fleur, des graines, etc. contre des parasites de la plantes, termites, papillons, etc. que les fourmis repoussent par leur présence ou, par effet dissuasif, pour les empêcher de percer les glandes nectarifères de l'extérieur, ce qui ne permet pas à la plante de polliniser l'insecte visiteur. Quand les hyménoptères s'intéressent à un nectaire extra-floral, en particulier bourdons et autres abeilles, c'est souvent que la glande produit un nectar très concentré, à haute teneur en sucres, comme celles du cotonnier, par exemple. D'ailleurs, la plante a tant besoin de son pollinisateur (et inversement) que les deux espèces coévoluent. Les éperons des fleurs correspondent parfaitement à la longueur de la langue de son meilleur pollinisateur :

 

   

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schéma type d'une fleur de plante Angiosperme

Euphorbes (Euphorbia milii et Euphorbia tridentata) schémas anatomiques du cyathium (ou cyathe, de cyathus, coupe en latin). Avec : Anthère, appendices glandulaires, bractées, bractéoles, fleurs femelles et mâles, funicule, hile, micropyle, nectaires, nucelle, oosphère, ovaires, ovule, pédicelles, style.

 Coévolution d'organe animal (langue d'hyménoptère et lépidoptère) et végétal (éperon floral de deux orchidacées : orchis punaise, Anacamptis coriophora L. et orchis moustique, Gymnadenia conopsea L.

Cyathe d'Euphorbia mammilaris, goutte exsudée de nectar.

Cyathe d'Euphorbia mafigensis, en rouge : glandes nectarifères fusionnées.

Feuille du merisier (prunus avium), dont le haut du pétiole porte deux nectaires.

Abeille suçant du nectar sur les bords d'une bractée de cotonnier (nectaires en blanc), Gossypium herbaceum.

 
 
La sève de la plante est acheminée aux nectaires par un canal, le faisceau libéro-ligneux, pour y être transformée en nectar de manière biochimique. Il existe des nectaires dits floraux, car situés souvent à la base de la fleur, et des nectaires extra-floraux, situés sur les tiges, les feuilles, mais aussi à d'autres endroits de la plante. Ils excrètent le nectar par des moyens divers : des poils, des ouvertures appelées stomates, ou encore une fine peau. Enfin, le nectar excrété s'agglutine sur les nectaires ou est introduit dans un organe qui le protègera de la déshydratation.

Plus les fleurs sont de grande taille, plus elles produisent en général de nectar, mais cette production, dont le pourcentage de sucres est assez constant, est très variable pour toute sorte de raisons :
- La nature de l'atmosphère ambiante : humidité, chaleur, vent, altitude, etc…
- La nature du sol : présence ou non d'engrais, d'humidité…
- La durée de la floraison.
- L'âge, le sexe de la fleur.
- La position de la fleur : haut placée elle produira moins de nectar qu'une autre, placée plus bas sur l'inflorescence.

Du nectar originel, transparent, au miel, une concentration et une proportion des sucres, selon l'origine florale, qui montrent des couleurs variables, du jaune pâle au brun.

 
Le nectar, sorte de sirop, est composé, après sa transformation à base de sève, nous l'avons dit, de nombreux composés, essentiellement de sucres (90 % : saccharose, glucose, fructose, etc.), mais aussi des acides organiques (fumarique, succinique, malique, oxalique, etc.). Ces sucres ont une concentration de 4 à 60 % dans les nectars, les abeilles s'intéressant à ceux qui en contiennent 30 à 50 % en moyenne, et pas du tout à ceux dont le taux de sucres est inférieur à 15 %. En plus des sucres, les nectars sont composés de toutes sortes de protéines (enzymes, acides aminés libres : glutamique, aspartique, méthionine, sérine, tyrosine, etc.), des arômes et des composés inorganiques (phosphate). La teneur en eau du nectar varie considérablement : entre 20 et 95 % du total, le rendant plus ou moins aqueux ou sirupeux, ce qui réclame alors à l'abeille une adjonction d'eau adaptée à sa viscosité .
 
De la langue, le nectar coule le long de l'œsophage jusqu'au jabot de l'abeille (voir Anatomie : bouche). Une partie de ce nectar sera envoyé dans l'intestin de l'ouvrière pour ses besoins propres, quand elle éprouve la faim : Pour cela, elle ne fait qu'ouvrir une petite soupape située entre le jabot et l'intestin (voir Anatomie : appareil-digestif). Par ailleurs, la concentration du nectar s'opère dès la récolte car l'eau, au contraire des sucres, peut traverser la paroi partiellement perméable du jabot, l'abeille s'abreuvant dans le même temps de cet excès d'eau.
 
Le jabot est à la mesure d'une tête d'épingle, environ 40 à 70 µl (microlitres), et il lui faut visiter environ 1000 à 1500 fleurs de trèfle pour remplir son estomac et 20.000 à 100.000 fleurs pour recueillir un litre de nectar. Le nectar que l'animal ne consomme pas (pour la plus grande part) est mélangé par la butineuse à de la salive, qui apporte au nectar les enzymes nécessaires catalyseurs biochimiques des sucres. Ces enzymes sont des diastases : invertases, principalement, mais aussi lipases, glucoxydases, alpha et bêta-amylases, 4-alpha glucosidases, 3-protéases, 5-aminopeptidases, qui convertissent par hydrolyse le saccharose en glucose (D-glucose ou dextrose), et fructose (ou mevulose), surtout, mais aussi en maltose et autres sucres (tréhalose, mélézitose, etc.).
 
Conservé dans le jabot jusqu'au retour à la ruche, le nectar déjà un peu transformé par la butineuse est déposé dans des alvéoles proches de l'entrée, est distribuée aux mâles ou aux receveuses (voir page précédente), qui continuent, (mâles compris) par trophallaxie, leur transformation en miel, à l'exception du nectar qui servira à la consommation prochaine, qui n'en a pas besoin. Ainsi, le nectar passe de bouche en bouche, où les adjonctions successives de salive transforment les sucres mais aussi, déposé dans les alvéoles, il est aspiré et refoulé à plusieurs reprises, étalé, pour favoriser sa concentration, jusqu'à une teneur en eau de 40 à 50 %. La désydratation fera le reste pendant plusieurs jours, en faisant atteindre au miel une concentration de 70 à 80 % de sucres et un taux aqueux de 14 à 25 %, le taux moyen pour que le miel ne fermente pas étant inférieur à 18 %. Le temps de cette transformation, le nectar d'origine, transparent, brunit au fur et à mesure de sa concentration. Quand le miel est suffisamment concentré, les abeilles operculent les alvéoles pour conserver le miel à l'abri de l'humidité, sachant qu'une ruche peut atteindre 95 % d'humidité relative et que le miel est hygroscopique, c'est-à-dire qu'il se charge rapidement d'eau en présence d'air humide. Le nectar operculé formera des réserves de nourriture qui serviront au sortir de l'hiver, quand la colonie produira à nouveau beaucoup de bouches à nourrir.

Nous ne savons pas encore à quelles logiques répondent les différents lieux de stockage du nectar dans la ruche, et s'il correspond souvent au haut du nid et, dans une moindre mesure, sur les côtés, il semble souvent placé par commodité proche du couvain, mais c'est loin d'être toujours le cas (Camazine, 1991).
 
 
 - Cellules coniques de l'épiderme des pétales de fleurs de tabac (Nicotiana tabacum) à gauche, et d'arabette des Dames (Arabidopsis thaliana) à droite. 
- Cellules situées à la surface du pétale d'une fleur violette de gueule-de-loup ou muflier (Antirrhinum majus)

Des universitaires de Londres ont récemment découvert (revue Nature, 03/08/2006) que les abeilles ont une astuce pour réchauffer leur corps, qui ordinairement leur coûte un effort musculaire intense produit par leurs ailes. Pour cela, les bourdons étudiés privilégient lors du butinage les fleurs produisant un nectar plus chaud que les autres, qu'elles discriminent par leur couleur. Environ 80% des fleurs possèdent à la surface de leurs pétales une couche de cellules coniques, la lumière y passant comme à travers une lentille qui concentre la lumière au centre de la cellule, là où se trouvent les pigments de couleurs de la fleur. Cette action pourrait faire monter la température de la fleur, y compris le nectar. C'est ainsi que les variétés roses gueule-de-loup (antirrhinum majus), par exemple, qui, par mutation génétique, ne possèdent pas de cellules cônes comme les variétés pourpres, ont un nectar plus froid et n'intéressent pas les bourdons.
 
Précisons, pour finir, et contrairement à ce qu'on dit un peu partout sur internet, l'abeille ne détient pas le monopole absolu de la fabrication du miel. En effet, quelques espèces de guêpes sont mellifères, telles les
Nectarinia ou certaines espèces de Polybias (Polybies) ou encore de Polistas (Polistes, paper wasps en anglais), dont la plus connue est sans doute la guêpe mellifère du Mexique, de la tribu des Épiponines (Epiponini), Brachygastra mellifica. Des témoignages indigènes d'Amérique Centrale et du Sud rapportent, depuis la période préhispanique (voir APICULTURE TRADITIONNELLE et PATRIMOINE - AMERIQUE PRECOLOMBIENNE 1) l'excellente qualité gustative, nutritionnelle et médicinale des miels de ces guêpes (miel de avispas, en espagnol).

 

 
Cellules du nid de la guêpe mexicaine Brachygastra mellifica, remplies de miel. Celles-ci sont distinctes au premier coup d'oeil des nids d'abeille par leur structure en papier.

A droite, des enfants Mexicains du Yucatan se partagent des rayons de miel de guêpes (sauvages, bien sûr).
 
 
 

sources textes:

- http://www.jacheres-apicoles.fr/gallery_files/documents/du_nectar_au_miel_final.pdf
- http://sajf.ujf-grenoble.fr/IMG/pdf/LexiqueDouzet2007.pdf
- http://www.cari.be/medias/pdf_ab.cie/113_clefspourlalimentation_1.pdf
- http://www.pyoudeyer.com/oudeyer-cogniprisme09.pdf
- http://www.apidologie.org/index.php?option=article&access=standard&Itemid=129&url=/articles/apido/pdf/2005/03/M4063.pdf
- http://home.euphonynet.be/abeille/prod/nectar.html#composition
 

sources images:

- http://i262.photobucket.com/albums/ii105/1peace1luv/busy_bee.jpg (photo en exergue)
- http://farm2.static.flickr.com/1388/719264744_4c8a1cf668.jpg?v=0 (tournesol schéma)
- http://globalswarminghoneybees.blogspot.com/2007_08_01_archive.html (recolte eau)
- http://en.wikipedia.org/wiki/Image:Drinking_Bee.jpg (récolteuse d'eau)
- http://dev.biologists.org/cgi/content/full/134/9/1691/FIG2 (cellules coniques)
- http://www.sciencemuseum.org.uk/antenna/bumblebee/ (gueule de loup)
- http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/9/98/Ophrys_apifera_flower2.jpg/473px-Ophrys_apifera_flower2.jpg
(orchidée abeille)
- http://pagesperso-orange.fr/nicolas.helitas/la_famille_des_orchidees.htm (coévolution)
- http://www.guenther-blaich.de/ophpoll1.htm (pseudo-copulation)
- http://fr.wikipedia.org/wiki/Cyathe
- http://aob.oxfordjournals.org/content/vol100/issue2/cover.dtl (sauge)
- http://image48.webshots.com/49/7/60/24/339076024kNOgoW_ph.jpg (récolte pollen)
- http://www.inhs.uiuc.edu/~kenr/prairieplant.terminology/prairie_asteraceaehead_1.jpg (schémas capitule)
- http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/5/53/Glandes_Prunus_avium.jpg (merisier)
- http://www.tifton.uga.edu/lewis/anectpar.jpg (coton)
- http://www.hiltonpond.org/images/CRAloeNectar01.jpg (nectar)
- http://picasaweb.google.com/nicocordero/ChinaYMalaysia#5129911863650625938 (lotus bleu)
- http://photos1.blogger.com/blogger/4776/2521/640/DSC03990.jpg (enfants)
- http://www.flickr.com/photos/arojasserrano/3106815882/in/photostream/ (miel de guêpes)