ENCYCLOPEDIE -DE--LA--LANGUE -FRANCAISE
 

-ABEILLE

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LES ABEILLES ET LES HOMMES

croyances,
savoirs
et
apiculture

 
 
 
 
 
 
 

----APICULTURE TRADITIONNELLE----
et PATRIMOINE---

LE MAROC
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  Nord du Maroc, jarres et enfumoir à abeilles en poterie peinte.
 

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1. Carte du Maroc de 1897, Encyclopédie Berthelot
2. Carte du Maroc moderne, avec toponymes cités soulignés de rouge.
3. Carte du Maroc moderne très détaillée, avec toponymes cités encadrés en rouge.
4. Carte administrative des 16 régions du Maroc (à compter de 1997)
 

INTRODUCTION
 

"Sur une superficie assez restreinte, le Maroc présente la particularité d’héberger trois groupes d’abeilles parfaitement distincts. Les massifs de l’Atlas et du Rif sont des obstacles naturels qui, en réduisant, voire même en empêchant complètement, les échanges génétiques entre régions, sont vraisemblablement à l’origine de cette différentiation. De plus, la chaîne de l’Atlas en particulier sépare deux zones climatiques et écologiques très différentes : au Sud-Est, climat et végétation sont de type saharien, les abeilles étant localisées dans les oasis, tandis qu’au Nord-Ouest, le climat est moins chaud et plus humide et la végétation est plus riche et géographiquement plus étendue, ce qui permet une apiculture plus répandue. (...) Les abeilles du Maroc ont déjà fait l’objet de quelques études visant à déterminer les différentes populations existantes. La première race géographique décrite a été Apis mellifica intermissa [dite abeille tellienne, NDE] par BUTTEL-REEPEN (1906) (in RUTTNER 1968). Ses principales caractéristiques morphologiques sont données par RUTTNER (1968). Son aire de distribution couvre l’Afrique du Nord (Tunis, Algérie et Maroc). Une deuxième race a été décrite successivement par BALDENSPERGER (1924) et par HACCOUR (1960) : Apis mellifica sahariensis [dite abeille saharienne ou du Sahara, NDE]. On la trouve au sud du Maroc et de l’Algérie. Sa mise au rang de race a été contestée par RUTTNER (1968) qui la considérait à l’époque comme une forme de transition entre A. m. intermissa et adansonii. Toutefois, dans un article plus récent ( RUTTNER et al. , 1978), A. m. sahariensis est considérée comme une race à part entière. En 1975, SECOND a mis en évidence, dans la région d’Al Hoceima (extrême nord du Maroc) des abeilles à la morphologie différente de celle des deux races précédentes et qu’il a considérées comme appartenant à une forme locale d’intermissa. Dans la même région, RUTTNER (1975) décrivait la race Apis mellifica major, dont la caractéristique morphologique principale est une longueur de langue importante [ainsi que celle des appendices, NDE], du même ordre que celle d’ A. m. caucasica. "

extrait de : www.apidologie.org/articles/apido/pdf/1988/04/Apidologie_0044-8435_1988_19_4_ART0003.pdf

(voir aussi : ABEILLES - APIDAE - APIS MELLIFERA - INTRODUCTION)

 
"Je pense que c’est Ph.J. BALDENSPERGER qui le premier attira l’attention sur cette race, en 1921. Il découvrit cette abeille à Figuig, l’oasis la plus à l’est du Maroc. Pour autant que l’indiquent nos connaissances actuelles, Figuig est aussi le point le plus à l’est où cette race puisse être rencontrée. On ne la trouve en tout cas pas dans les oasis mieux connues d’Algérie, telles Laghouat, Bou Saada, Biskra ou Ghardaia. Vers l’ouest, sa présence s’étend au moins aussi loin que Ouarzazate, comme nous pûmes nous en assurer nous-mêmes. Il y a lieu de se rendre compte de ce que cette race est retenue dans son expansion par deux grandes barrières naturelles : par la chaîne majestueuse des Monts de l’Atlas au nord-ouest, et par l’étendue infinie des sables à l’est et au sud. En outre, chacune des oasis diverses est pratiquement isolée des autres par des lieues de désert aride. Pour autant que j’aie pu m’en rendre compte, il n’y a guère ou pas de croisement possible d’un lieu à l’autre, la plupart du temps.
La question se pose. Comment cette race a-t-elle pris naissance ? Que l’abeille saharienne constitue une race distincte, distincte dans ses caractères externes et physiologiques, ne peut faire aucun doute. Nous savons qu’au travers de toute l’Afrique du Nord, de la Tripolitaine aux confins les plus méridionaux du Maroc riverains de l’Atlantique, l’abeille noire comme jais A. mellifera intermissa a une position maîtresse sans concurrence. Mais voilà qu’ici, coincées entre l’Atlas et le désert, nous trouvons dans un secteur relativement peu étendu, limité à la lisière du désert, des poches miniatures d’une race d’abeilles jaunes. Je ne puis croire un seul instant que cette « saharienne » ait pu au cours des temps résulter d’une évolution de l’intermissa. Il n’y a pas de similitude entre les deux races. M. HACCOUR est de l’opinion que des immigrants juifs auraient pu apporter ce type depuis le Proche Orient il y a plus de deux mille ans et qu’entre temps, les conditions locales auraient provoqué l’évolution en ce que nous qualifions maintenant de sahariensis. Pourtant toutes les races du Proche Orient me sont bien connues et je ne discerne que peu ou pas de ressemblance. Extérieurement, la sahariensis ressemble à l’Apis indica plus qu’à toute autre, mais la ressemblance ne va pas plus loin.
La pure sahariensis n’est pas jaune, la couleur pourrait le mieux être dite fauve clair. Mais il y a une gamme de variations fort étendue, et la couleur s’étend de façon diversifiée aux segments dorsaux. En raison de la teinte foncée et des fortes différences dans le marquage, la Saharienne attire bien moins que les races à couleurs plus éclatantes. Par la taille, cette abeille se place à mi-chemin entre la ligustica et la syriaca. Les reines aussi diffèrent de l’une à l’autre par la couleur allant du jaune clair au brun foncé, bien que jamais noire. Les faux-bourdons sont remarquablement uniformes et ont deux segments nettement colorés bronzé.
 
J’ai trouvé les reines pures modérément prolifiques. Les abeilles sont relativement douces, bien que plutôt nerveuses, en particulier en période de sécheresse. Quand on ouvre une ruche, elles courent de-ci de-là, exactement comme le font les guêpes dont on dérange le nid. Elles prennent aussi l’air en grand nombre mais sans témoigner d’agressivité. Et lors des examens, elles tombent aussi facilement du rayon. Je ne connais pas d’abeille tenant aussi mal le cadre. A ce point de vue, l’abeille italienne se place à l’autre extrême : il faut la forcer pour la faire lâcher. Une autre caractéristique de la sahariensis est son vol rapide à partir de l’entrée de la colonie. Il n’y a pas la moindre flânerie quelconque, et Baldensperger, je crois, l’avait déjà noté. Il y a tendance à propoliser, mais sans excès. Les sahariensis pures ont souffert de lourdes pertes à Buckfast durant l’hiver rigoureux de 1962-63, mais les colonies ont survécu en bon état d’une façon surprenante et en restant fortes. Celles ayant des reines métissées au premier degré hivernèrent magnifiquement à tous points de vue.
 
Un métissage au premier degré de reines sahariennes avec nos faux-bourdons s’est révélée éminemment prolifique — en fait l’hybridation la plus prolifique jamais réalisée jusqu’ici à nos ruchers. En outre, le couvain est magnifiquement compact et — chose particulièrement remarquable dans une première hybridation — peu ou prou d’élevage de mâles. Cette caractéristique s’est manifestée dans toutes les colonies pourvues d’une reine de première hybridation de ce type. Je considère ce fait comme une qualité désirable au plus haut point, étant donné que la plupart des métis ont tendance à élever des mâles à l’excès, et certains croisements endommagent invariablement un jeu de rayons ou de cires gaufrées dans une mesure telle que leur utilisation ultérieure devient antiéconomique. Bien que la sahariensis pure ait la réputation d’être encline à l’essaimage, je n’ai pas constaté qu’il en aille de même pour de premièrs métis. Il est prématuré de donner un avis sur la capacité de rendement en nectar récolté et sur le butinage en général de ces hybrides, vu que l’été 1962 fut un fiasco complet dans le sud-ouest Devon. De fait ce fut la pire saison de mes quarante-neuf ans d’apiculture. Je dirai cependant ceci : l’abeille saharienne, croisée convenablement, a de grandes possibilités. Par contre la pure sahariensis a peu de chances de se révéler de quelque valeur à l’apiculteur.
 
On revendique pour cette race nombre de qualités, comme la langue qui est exceptionnellement longue, sa puissance de vol qui est supérieure et aussi sa capacité comme butineuse. Du côté langue on sera fixé dès que l’on sera en possession de données biométriques précises. La sahariensis est sans aucun doute une abeille exceptionnellement active, mais je ne pourrais dire si son aire de vol est aussi vaste que ce qui a été supposé. Des preuves pourraient être fournies plus tard à l’appui, sur des bases auxquelles on pourrait se fier. Compte tenu du milieu dans son habitat natal, les suppositions qui ont cours auraient des chances de se révéler correctes."

A la recherche des meilleures lignées d’abeilles, par le Frère ADAM, O.S.B. de l’Abbaye St Mary de Buckfast, Angleterre. Traduction et adaptation française par Georges LEDENT
Uccle, Belgique, extrait de : http://perso.fundp.ac.be/~jvandyck/homage/books/FrAdam/voyages/4voy/1fr.shtml.


L'élevage des abeilles est une très ancienne pratique marocaine, à la fois économique et symbolique, renforcée par l'introduction de l'islam. Contrairement à de nombreux pays, non seulement d'Afrique mais d'Asie ou d'Amérique, l'apiculture a supplanté la récolte de miel sauvage depuis longtemps, qui existe encore mais demeure une exception, pratiquée plutôt sous forme de semi-apiculture :

5--6Ruche en poterie et pisé pour abeilles sauvages, dans le Haut-Atlas, quelque part entre Midelt et Errachidia. On voit à droite les trous d'envol pour les abeilles.

L'apiculture marocaine demeure traditionnelle à 80 %, pour 350.000 ruches environ (440.000 au total en 2005), mais l'apiculture moderne progresse d'année en année. Cependant, on comprendra l'intérêt de développer l'apiculture moderne quand on sait que sur les 2.400 tonnes de miel produit au Maroc en 2004, 1.600 tonnes étaient issues des 90.000 ruches modernes (30 à 40 kg par ruche), les 350.000 ruches traditionnelles n'en produisant que la moitié (3 à 6 kg par ruche). Les marocains ont longtemps traité le miel comme un alicament et même s'il est utilisé comme édulcorant et fait partie intégrante de la cuisine maroaine (voir plus bas), au total ils s'en nourrissent assez peu, 120 g en moyenne par personne et par an contre 1,300 kg pour un allemand.

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7. Stage d'apiculture moderne à Ighrem , en plein Anti-Atlas, entre Tafraoute et Taroudant.
8. Rucher moderne important dans la région d'Agadir.
8b. Rucher moderne dans la région d'Essaouira, pour la production de miel d'argousier.

Certains apiculteurs n'hésitent pas, dans les régions favorisées du Nord, à transhumer : "La coloration et le goût dépend du nectar de fleurs que les abeilles butinent. Par exemple, si je veux produire du miel d’eucalyptus ou d’oranger, je reste dans le Gharb. Pour le miel du romarin ou du thym, je loue des terrains dans l’Oriental, aux environs de Benisenassen [Bani Iznassen, Beni Snassen, dans le Rif, NDE] ou de Debdou [connue pour son importante minorité juive, NDE]. Pour le miel de lavande sauvage, je vais à Maamoura [Salé, NDE]. Chaque région a ses spécificités florales. Je me déplace aussi selon la périodicité des fleurissements des arbres et des plantes. Le printemps est la saison la plus propice sauf pour quelques variétés d’eucalyptus, qui fleurissent même pendant l’été et l’automne." confie Nadir Darssi, apiculteur dans le Gharb.

La première région apicole marocaine est de loin celle du Gharb, dans le Nord-Ouest du pays, où prédomine A. m. intermissa (Daoudi et Mohssine, 1987) :
• 40 à 60 % de la production nationale de miel du pays (1100 tonnes en 2005)
• 15% des apiculteurs modernes (764 en 2005)
• 91% des ruches modernes (81950 en 2005)
Vient ensuite la région de Loukos, (ou Loukous, du fleuve qui la traverse, oued El-Kous), juste au-dessous, autour de Larache et Ksar-El-Kébir, qu'on assimile souvent à une région unique de Gharb-Loukos, indépendamment de la région administrative de Gharb-Chrarda-Béni Hssen (voir carte, image 3). Loukos produit environ 10% du miel du pays. Les deux régions sont avantagées par le climat et la diversité de la flore mellifère. L'apiculture des régions désertiques du sud est plus difficile. De toute manière, l'apiculteur marocain comme ceux d'autres pays, dépend beaucoup des conditions parasitaires (varroa, en particulier), sanitaires (insectidides, pesticides) ou climatiques (ici vent de chergui, mais aussi pluies violentes, sécheresse ou gel selon les régions et les années) et, en période de disette, doit nourrir ses abeilles avec, par exemple, des dattes et des figues écrasées et mélangées à de l'eau.
 
Le reste de la production se répartit principalement entre les régions d'Essaouira (29298 ruches en 2006), du Sous ou Souss, de Massa (oued Oulghas, dont la région de Tiznit), de Tadla (Tadella), et des zones du sud saharien à oasis du Draa ou Daraa, en particulier autour de Ouarzazate et du Tafilalet :

 
"Les apiculteurs du Tafilalet logent leurs abeilles dans l’épaisseur des murs de leurs habitations. Les cavités aménagées à cette fin sont de faibles dimensions : 20 cm de haut, 25 cm de large, 50 cm de profondeur sont fermées par un panneau mobile constitué d’une planche ou, plus souvent, d’un clayonnage de roseaux fendus, enduit d’une argile mélangée à de la menue paille ou de la bouse de vache. Ce type de ruche, dont le volume est d’environ 20 à 30 dm3 est visiblement trop exigu, car il faut au moins 60 dm3 pour loger la ponte normale d’une reine; aussi force-t-il les abeilles à un essaimage fréquent.
 
L’entrée de la ruche est située sur le côté, à l’extrémité d’un petit couloir de 20 à 30 cm de long, et cette entrée est elle-même protégée par une planchette perforée de trous rapprochés, dont le calibre permet le passage des abeilles mais interdit celui des parasites tentés de pénétrer dans la ruche, en particulier les gros coléoptères.
 
Malgré leur ingéniosité, ces ruches au volume ridiculement réduit ne permettent pas une apiculture rentable et, comme il est dit plus haut, conduisent les abeilles à essaimer trop souvent. La récolte de miel est, dans ces conditions, nécessairement minime et les réserves sont toujours trop faibles pour permettre un estivage convenable, d’où une grosse mortalité durant les fortes chaleurs de l’été et la nécessité, pour l’apiculteur soucieux de conserver ses abeilles en vie, de leur fournir, durant les périodes de disette, des figues ou des dattes humectées d’eau et écrasées.
 
L’ensemble de ces conditions défavorables — climat, habitat, nourriture — a sélectionné une race réellement très rustique et très résistante qui, par ses caractères, se différencie des autres abeilles.
La récolte du miel a lieu après la moisson des orges, vers le mois de mai. La totalité du produit est consommée sur place, une bonne part en rayons que l’on écrase à la main et que l’on laisse égoutter dans les poteries appropriées, percées de trous. La partie liquide est, de son côté, conservée dans des pots vernissés.
 
Lorsque l’apiculteur du Tafilalet récolte sa ruche, il l’enfume à l’aide d’un enfumoir en terre cuite (images 16 et 17, NDE), semblable à une louche coiffée d’un couvercle percé de trous; un manche de 20 cm permet de tenir l’engin à portée des lèvres et d’y souffler par une large ouverture, afin d’activer la combustion d’une bouse de vache séchée, qui développe une abondante fumée blanche.
Quand on dégage le panneau de fermeture, les abeilles abandonnent progressivement les rayons suspendus au plafond de la ruche pour se rassembler en grappes dans le couloir d’entrée, ou sur le mur, près de l’entrée. La forme de la ruche permet à l’apiculteur de suivre parfaitement son travail, d’arrêter l’opération en présence du couvain et de cesser de prélever le miel dès qu’il juge suffisante la réserve à conserver.
 
Pour un observateur averti, la quantité de miel amassée dans de si petites ruches est surprenante; aussi, dès que l’abeille saharienne est logée dans de confortables ruches à cadres, a-t-elle vite fait de remplir trois à quatre hausses de beaux rayons très blancs."

Recherches sur l’abeille saharienne au Maroc, par Paul Haccour.
La Belgique Apicole , 25(1-2), 1961, p13-18
extrait de : http://www.pedigreeapis.org/biblio/artcl/haccour61.html

 
"La production et le contrôle du miel sont réglementés au Maroc par un arrêté viziriel de 1928. Ainsi selon l'article 5 de cet arrêté, l’appellation « miel » seule ne peut être attribuée qu’au seul miel produit par les abeilles à partir de nectar ou de miellat, alors que la dénomination « miel de sucre » est autorisée lorsque les abeilles sont nourries au sucre.
 
L’étiquetage doit obligatoirement indiquer le pays d’origine et le mélange de miel de différentes origines est interdit. L’étiquette doit également indiquer les dates de production et de péremption. Le miel est un aliment vivant : il vieillit, mais sa qualité ne s'améliore pas avec le temps."

extrait de : http://www.casafree.com/modules/news/article.php?storyid=2081

 
"Une arme de destruction massive.

Quelque 6,5 millions d’hectares a été le total traité dans les pays d’Afrique affectés par les invasions acridiennes, d’octobre 2003 à fin juillet 2004.
Le Maroc a été particulièrement touché. Mais l’utilisation massive voire abusive de l’Imidaclopride, un insecticide anti-criquet pèlerin puissant « a décimé des millions d’abeilles et a modifié le comportement des rescapées qui ne font plus de miel », constate un berger qui entretient une dizaine de ruches sauvages et qui a l’habitude de cueillir jusqu’à 50 kg de miel de très bonne qualité chaque mois de mars.
 
L’hypothèse d’une intoxication par l’Imidaclopride (matière active du Gaucho fabriqué par le chimiste Bayer) des abeilles s’est affirmée au fil de ces dernières années, notamment en Europe où son usage est sévèrement réglementé depuis la fin de la décennie 90 du siècle dernier. Mais ce n’est pas tout : les analyses en laboratoire ont montré qu’ en ce qui concerne la persistance de cet insecticide dans l’eau, il suffit d’un pH neutre et d’une absence d’UV, pour assurer à l’Imidaclopride une stabilité excellente. Aussi, et dans la mesure où il est beaucoup plus soluble dans l’eau l’Imidaclopride que d’autres substances similaires comme le Fipronil (encore plus toxique), certains de ses métabolites peuvent contaminer la nappe phréatique !"

extrait de : ftp://ftp2.menacechimique.be/menacech/Document210.pdf


 
 
L'APICULTURE TRADITIONNELLE
 
 

 
"La seule récolte abondante qui se fasse régulièrement au Maroc, la seule à peu près qui jamais ne manque et puisse être considérée comme la vraie richesse des populations montagnardes, c’est la récolte du kermès, que les Amazirgas et les Shilogs vont vendre dans les villes, et dont les teinturiers marocains savent extraire couleur rouge d’une qualité à l’épreuve des ans. Il y faut joindre la récolte du miel et de la cire, qui est encore plus précieuse et plus générale, par la raison toute simple que, pour avoir la cire et le miel, il suffit de fixer les abeilles, dont l’armée entière du Maroc serait d’ailleurs impuissante à détruire les innombrables essaims. Il en est des mûriers comme des abeilles, on a beau en négliger la culture, on a beau les arracher, ou laisser croître à l’entour en toute liberté les halliers qui aspirent à les étouffer : dans la plupart des campagnes s’élève encore verdoyant et vivace l’arbre magnifique où le ver à soie forme et dépose ses riches cocons".
 
Revue des Deux Mondes, tome 8, 1844
Xavier Durrieu
Le Maroc en 1844
Le Maroc en 1844 – VI"


Les différentes communautés marocaines pratiquent une apiculture traditionnelle horizontale, dont la forme de loin la plus répandue est le cylindre (images 5-6, 9-10, 13-15), pour beaucoup en vannerie de canne (herbacée, nom donné à différentes espèces de roseau), de 120 cm de long et 30 cm de diamètre en moyenne, enduit de boue sur trois centimètres environ et fermées par des planches ou des plateaux tressés, au bas desquels sont percés les trous d'envol pour les abeilles (images 9-10, 13-14). D'autres matériaux sont ou ont été utilisés naguère dans l'apiculture traditionnelle, comme la poterie (image 5 ), en particulier pour fabriquer les enfumoirs à abeilles (images 16 à 18), le pisé (images 6, 15), la férule, la racine d'agave, le liège (image 15) ou encore la pierre sèche (image 13). Les ruches sont parfois rangées dans des logettes des murs domestiques. Le miel de l'apiculture traditionnelle représente un revenu supplémentaire non négligeable pour les paysans, mais sa production n'est pas rationnalisée, donc peu profitable et moins protégée des maladies que dans l'apiculture moderne.

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9ruche en vannerie de canne et terre de la région des oasis autour de Tata, où le miel est très cher, le prix du kilo étant supérieur à 250 dhirams (~25€) et peut atteindre 400 Dh (~40€).
 
10 - ruche en vannerie de canne de la région d'Essaouira.
 
11 - rucher abrité sous un auvent à Tagmout, dans la région de Tata. Les ruches sont en bois de palmier, le plus souvent pour une consommation familiale et très peu pour la vente.
 
12 - rayon d'une abeille saharienne, dans la région de Tata, dont la cire, bien blanche, est encore fraîche.
 
13 - Rucher en shiste de l'agadir d'Aguelluy (N’Uguelluy) voisin de celui d'Id Aïssa à Amtoudi (Amtdi, Ayt Herbil, Taghjijt, Taghjicht), au sud de Tafraoute. Cet agadir (de ighir, grenier ou fortin en tamazigh : voir plus loin) serait le plus vieux du Maroc, bâti entre le Xe et le XIIe siècles.
 
Un agadir* est une construction sorte d'entrepôt ou grenier-citadelle collectif fortifié. Selon les matériaux de la région, il était construit en pisé (argile mêlée de paille hachée, qu'on tasse au pilon dans des coffrages), terre crue (adobe) ou pierre sèche, appartenant à des chefs de différentes communautés, et destiné pour stocker et protéger en commun des richesses : céréales, dattes, huile, sel, henné, miel, ou encore bijoux ou titres de propriété, par exemple. Très peu demeurent encore en activité. Des études ont montré que les ruchers étaient souvent placés en terrasse, de manière à servir de bouclier vivant en cas d'attaques ennemies.
 
* agadir : plur. igoudar. Vient du phénicien et est utilisé dans le sud-ouest marocain : Ouest du grand Atlas, la plaine de Souss et le moyen Atlas. On utilise ighreman, plur. ighrem, dans le grand moyen Atlas, l’Atlas oriental, le moyen Atlas et le Sud oriental de l’Atlas, de Taznakht au Tafilalet. On trouve aussi tighidar (plur. taghadirte) ou encore le diminutif tighrémine, plur. tighrimt.
 
14- Rucher d'Inzerki, dit aussi Taddart Ou-Guerram (Ouguerram) ou Agdal (jardin, en tamazigh), nom donné par le Cheik Sidi Med Lahoucine de Taroudant qui a accordé sa sa Baraka (بركة, bénédiction, par extension : avoir la baraka : avoir de la chance) pour sa construction, du XIXe siècle, et qui passe pour être le plus grand rucher du monde. Le rucher se situe à 980 m d'altitude au nord d'Agadir, dans la région d'Imouzzer(Imozzer) des Ida-Outanane. Orienté au sud pour un ensoleillement maximum, il est bâti en pisé, disposé en terrasses, et se composait d'un millier de ruches, dont 300 ont fonctionné jusqu'aux crues violentes de 1990 et 1996, qui ont beaucoup ralenti son activité. Plusieurs douars (villages, quartiers de communes) partagent ce rucher : Igounan, Inzerki, Meslla, Iguer, Taourirt, Mezzint, Aguensa, et Argana. Le miel produit était du miel d'arganier, d'euphorbe et de thym, principalement.
 
15 - Ruches en écorce de liège au milieu d'un maquis du Parc Naturel Régional de Bouhachem, à l'ouest de Chefchaouen dans le Rif
 
Dans le sud-marocain, le même mot : ghwrast, n.f. ta ghwrast, est utilisé par les différentes populations imazighens* du Maroc : Kel Tamasheks*, Kabyles* ou Ichelhin*, pour désigner à la fois la ruche et une plaque de liège.
 
16 à 18 - Enfumoirs à abeilles en poterie.
 
"Les femmes façonnent l'argile à la main, montent aux colombins sur un fond plat, décorent avec un pinceau rudimentaire et cuisent dans une excavation à l'air libre ou dans un four construit en argile. Les hommes potiers, étant à une époque peu appréciés, cédèrent leur métier à leur femme et se chargèrent d'aller vendre les poteries au souk ou le long des routes. (...) Par sa morphologie et son décor, c'est une forme d'art millénaire, riche d'enseignements et de témoignages. Elle véhicule encore des motifs de décoration protohistorique dont la signification est sans doute oubliée mais que la mémoire collective a fidèlement gardée. Elle est utilisée dans les villages et le surplus est vendu dans les souks ; mais l'arrivée du plastique et de l'aluminium tend à la faire disparaître. (...) Les décors sont à base de matières végétales (lentisque ou caroubier), minérales (manganèse) de terre colorée (engobe) blanche, ocre, rouge et brun foncé. Les motifs sont géométriques ou stylisés ; ce sont des altérations de dessins figuratifs qui se sont graduellement schématisés - croix, triangles, losanges, chevrons, courbes, carrés magiques, cercles cosmiques, lignes brisées. Ces motifs symbolisent la terre, le feu, l'air, les végétaux et les animaux à connotation reptilienne ou aquatique."

images et extrait de :
http://anitan.net/poteries/

16. Collections du musée Bartha de Fès, du Musée de la Poterie méditerranéenne à Saint-Quentin de la Poterie (30700), de C. Matthieu.
 
17. Enfumoir décoré de la région du Rif.
 
18. Jarre et enfumoir non décoré de la région de Moulay-Idriss.
 
* VOIR ENCADRÉ :

 
 
"BERBÈRES", communautés et langues : pour un peu plus de clarté.
 

Le mot "Berbère" vient du latin romain barbarus, lui-même du grec barbaros, qui a donné notre "barbare", et qui désignait chez les Latins et les Grecs les hommes qui ne parlaient pas leur langue, par extension, les étrangers.
 
Le mot Berbère ayant perdu toute connotation péjorative, il n'y a pas d'inconvénient à voir beaucoup de gens, Berbères ou non, user de cette dénomination, à condition de comprendre ce qu'il désigne, c'est-à-dire l'ensemble des Imazighen (sing : Amazigh, Amzigh : "homme libre"), qui est incontestablement un nom plus authentique que le précédent, et qui désigne un ensemble varié de populations arabisées et islamisées à partir du VIIe siècle, issues de trois grandes tribus : les Zenètes (Iznaten), les Senhadja (Iznagen) et les Masmouda (Imesmouden). Les Imazighen sont présents sur une aire géographique plus large encore que le Maghreb (mot arabe : Djazirat al-Maghrib, Île du Couchant, Al-Maghrib Al-Aqsa, le couchant lointain, désignant le Maroc) puisqu'elle s'étend de la Mauritanie à l'Egypte. Les communautés concernées parlent différents dialectes, plus ou moins proches, d'une langue commune, le tamazigh (tamazight, tamazighte).
 
Au Maroc, les Imazhigen emploient :
- Au Nord le dialecte du Rif : tarifit (rifain) ou zenatia, mais aussi le znassni (ou thaznassnikht), dialecte de la région du Beni-znassen (Oujda, Berkane, Ahfir, Taourirt, etc.)
- Au centre, le dialecte braber ou tamazigh. Une petite minorité Kabyle parle chellahya (les Kabyles sont principalement Algériens aujourd'hui, voir plus loin).
- Au sud : le tachelhit (tachelhite) est parlé par les Ichelhin (plur. de Achelhi, A'celhi) à l'origine les Aït Sous, une population amazighe de la région du Sous, arabisée en Chleuh, de l'arabe chelhi : dénudé, par extension dépouillé de ses vêtements, volé, au point où certains pensent, qu'une fois encore, la langue du vainqueur a servi à mépriser le vaincu.
 
Le mot "kabyle" pourrait venir de qbayl, qui veut dire tribu dans la langue arabe. Cependant, certains chercheurs y voient des méprises étymologiques : Kabyle pourrait venir aussi de kavayel, de la racine kaval : antérieur, précédent, dans la langue de ceux qui occupaient le pays bien avant l'arrivée des Arabes. Le kabyle (ou taqbaylit) lui-même comporte des sous-ensembles dialectaux : le zenatia (ou znatia, parlé aussi dans le Rif marocain), le chellahya (chella, chellah, nom aussi de l'ethnie qui le parle) et le chaouia (chaouiah), parler des Chaouis (Chawis ou Tachawis).
 
- Dans les régions désertiques, les Kel-Tamashek ("Ceux qui parlent tamashek) que nous appelons Touaregs, se nomment eux-mêmes Amzighs, mais aussi Imouhar, Imuhagh ou Imashaghen, selon les dialectes. Ils sont les descendants, comme de nombreux Imazhigen, de tribus nomades Zénètes (Zenata ou Iznaten). Les Kel-Tamashek nomadisent sur de nombreux pays, du Maroc à la Lybie, en passant par le Mali, le Niger, le Burkina Faso, le Tchad et le Nigéria. Touareg est un mot formé de l'arabe tergui, qui veut dire "abandonné", sous-entendu de Dieu, selon les Arabes, parce que les autochtones refusaient d'adopter la religion des conquérants.
 
Touareg pourrait être, par ailleurs, une mauvaise transcription de tawarik, génies nocturnes attaquant l'ennemi par surprise, lui-même perverti (par la racine TRK) en tarek, pluriel touâreg. Leur langue se distingue de l'ensemble des parlers imazhigens : en effet, le tamasheq n'est pas compris d'un certain nombre de locuteurs Amazighs, qui se comprennent pour la plupart. Le tamashek comprend principalement trois sous-dialectes : le tamasheq (ou tayert), le tamahaq (ou tahaggart) et le tamajaq (Imazaghan or Imashaghen). Les Kel-Tamashek ont conservé une très ancienne écriture, le tifinagh (tafinaq, tifinar) dont on a avancé longtemps à tort qu'elle était d'origine phénicienne : influencée sans conteste par les Phéniciens dans divers domaines, elle serait plus ancienne et plus autonome qu'on ne l'a prétendu (Chaker & Hachi 2000).
 
- En Algérie, outre les dialectes cités, les Mozabites (Beni-M'zab, Beni-Moussab) parlent le Mzab et sont d'obédience Ibadite (Ibadiyya), branche islamique elle-même issue d'une des trois branches de l'islam, le kharidjisme (communauté Kharidjite), les deux autres étant le sunnisme (communauté sunnite) et le chiisme (communauté chiite). Les Chenouis (région du Djebel Chenoua) parlent... chenoui)
- En, Mauritanie existe le dialecte zenaga.
- En Tunisie, des Imazhigens parlent le djerbit.
- En Lybie, on trouve l'aoudjila et le nefoussa (ou neffussi)
- En Egypte, les parlers Awgila et Siwi (Tasiwits, Siwas) ont presque disparu.
 


 

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