ENCYCLOPEDIE -DE--LA--LANGUE -FRANCAISE
 

-ABEILLE

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LES ABEILLES ET LES HOMMES

croyances,
savoirs
et
apiculture

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----APICULTURE TRADITIONNELLE----
et PATRIMOINE

EUROPE OCCIDENTALE
et MÉDITERRANÉENNE

----Ruches de France... et d'ailleurs----
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Planche de l'encyclopédie de Diderot et D'Alembert (1755-1772), Economie Rustique, Mouches à miel, Ruches, avec légendes :

"1. Ruche d'Autriche, faite de bois, comme la cage d'une maison. 2. Ruches d'osier, 3. Ruches de paille, 4. Ruche de bois, 5. Ruche vitrée, 6. Ruche d'écorce ou de tronc d'arbre creusé, 7. Ruche dont le bas est de terre, & le couvercle ou chapeau de paille, 8. Paysan qui fait passer un essain d'une ruche dans une autre, 9. Paysans qui ramenent l'essain, 10. paysans qui ramassent l'essain dans la ruche à bascule. L'un tient la ruche à bascule; l'autre avec un crochet secoue la branche à laquelle l'essain est attaché.
Le bas de la planche :
" Fig. 1. La reine des abeilles. 2. Une abeille. 3. Un bourdon. 4 5. Un gâteau óu pain de cire dont les alvéoles sont vûs en-dessus & de côté. 6. La seringue à ruches. 7. Le couteau recourbé. 8. La serpette. 9. Le fil de laiton tendu sur deux morceaux de bois pour séparer les hausses lorsqu'il fauc
dégraisser une ruche. Fig. 10. L'arrosoir. 11. Chiffon fumant. 12. Ruche d'osier. 13. Ruche de paille. 14. Vûe d'une ruche en-dedans, avec les bâtons croisés destinés à faciliter le travail des abeilles. 15. Le surtout de paille pour une ruche faite ou d'un tronc d'arbre ou de terre. 16, une ruche faite de différentes hausses de natte de paille qui se placent les unes sur les autres, & qui se ferment par le haut d'une planche ou d'une tuile chargée d'une pierre. 17. Hausses séparées. 18. Ruche de bois vûe sur sa table garnie de son surtout, avec un fourneau dessous. Ce fourneau sert dans les grands froids à réchauffer la ruche. 19. Table pour poser la ruche. 20 21. Deux hausses d'une ruche de bois, l'une (20) vûe pardedans, & l'autre (21) vûe par - dehors. 22. Ruche de bois composée de hausses 20, 21, mise sur la table, & à laquelle il ne manque que son surtout qu'elle a fig. 18. 23. Planche amovible qui se place sur la derniere hausse, & ferme ou ouvre la ruche. [p. 1:17] Fig. 24. Quatre hausses de la ruche de bois, placées dans la bascule pour ramasser l'essain. 25. La bascule séparée vûe en dessus. 26. Porte ou cadran de la ruche. 27. Ruche vitrée."

 LA RUCHE-TRONC  2  3

- A gauche : Andrea Mantegna (Isola di Carturo, vers 1431 - Mantoue, 1506), La Prière au jardin des oliviers, vers 1457-1459, qui montre très distinctement deux ruches-tronc typiques, avec leur chapeau de lauze.
Huile sur bois, 71,1 x 93,7 cm.
Partie à l'origine d'un triptyque de San Zeno de Vérone, auquel se consacra Mantegna entre 1456 et 1459. Les panneaux principaux sont toujours sur le maître-autel de l'église de Vérone, mais les éléments de la prédelle, dont fait partie ce tableau, sont répartis entre Tours et Paris. La prédelle est la partie inférieure d'un retable, développée horizontalement en un ou plusieurs panneaux, qui supporte les panneaux principaux du retable.
Collections du Musée du Louvre.
- A droite : ruche traditionnelle taillée dans un tronc de chataîgnier et recouverte d'une large lauze. Ardèche, Laval d'Aurelle.

 

Nous l'avons-vu dans différents chapitres, c'est probablement la ruche la plus primitive, à la longévité exceptionnelle, puisqu'elle demeure encore utilisée dans toute l'Europe bien après l'apparition des ruches modernes, à cadres et amovibles. En France, les ruches-troncs sont majoritairement présents dans le sud du pays : Auvergne (en particulier la Haute-Loire), Cévennes, Languedoc, Provence. Avec les ruches en paille, dont nous parlerons ensuite, ces ruches appartiennent à une apiculture verticale, quasi-exclusive dans notre pays depuis les temps anciens, alors que les deux traditions sont présentes dans l'Europe continentale et méditerranéenne, avec une présence historiquement affirmée pour l'apiculture horizontale.

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 Ruches-tronc de chataîgniers dans la forêt, Les Cessenades, Cévennes.
 

On utilise pour elle un tronc d’arbre évidé, de 70 cm de hauteur environ, pour un diamètre de 45 à 60 cm, formées de l’écorce d’un arbre : prédominance du chêne-liège dans les contrées méditerranéennes, chataîgniers dans les Cévennes, noyers, peupliers, chênes, frênes, aulnes, saules, sorbiers, épicéas. Parfois, la ruche était faites de quatre planches clouées. La ruche est fermée par un couvercle de bois qui porte différents noms selon les régions : catador, cubercèlh, de cubèrt : toit, couverture en occitan ; teulanah, toulàgno (de teula : tuile en occitan) ; acatalh ; chapèl (prononcer : tsapè), chapeiron (prononcer : tsapirou), chaperon, rappellent notre chapeau. Le couvercle s’emboîte dans le tronc et sur lequel on pose un poids, le plus souvent une lauze plate, mais encore des tuiles, une simple pierre ou une planche, qui empêche un vent violent d'emporter le couvercle, assure l’étanchéité et l’isolation de la ruche. Les abeilles y construisent leurs rayons à partir du couvercle ou des deux bâtons placés en croix au milieu de la ruche.

« Nos
bruscs étaient des troncs de saule ou de peuplier (…). On les choisissait de préférence déjà un peu creusés à l’intérieur, quand au cours des années le pic-vert y a fait son trou qu’utilisent ensuite les écureuils (…). On tronçonnait alors ces arbres à un mètre du sol, puis à la gâche, on agrandissait le trou intérieur et on bouchait une des extrémités par une planche qu’on collait. Au mois de mai, au moment des essaims, on mastiquait les trous et les fentes du bois avec de l’argile ; ensuite on urinait dans le brusc et on frottait bien le bois intérieur avec une poignée d’herbe aromatique, thym en particulier. L’essaim était jeté avec une casserole par le bas, c'est-à-dire par l’extrémité libre, et le soir, on redressait le tout sur une grosse pierre plate » extrait de l'ouvrage d'un berger de Haute-Provence, Marcel Scipion, Le Clos du Roi, 1979.

 LA RUCHE DE PAILLE  6

Louis Liger (ou Ligier), Nouveau Théâtre d'Agriculture et Ménage des champs.
Planche sur les travaux apicoles, gravure en taille douce.
Edition Michel David, Paris, 1713
 

La fabrication des objets en paille est un artisanat très ancien, nous l'avons vu, dont on retrouve des objets au Néolithique, la plupart du temps mêlée à d'autres matériaux (la boue, le plus souvent) pour assurer la solidité et protection, contre les intempéries et les animaux, en particulier, comme sur les sites palafittes (pilotis). Pour la période antique, se rapporter entre autres à l'apiculture en Grèce et à Rome, croyances et savoirs, 2e partie. Pour la période moyennâgeuse, on trouvera des représentations de ces ruches dans l'article consacré aux ruches médiévales.
 
L'encyclopédie de Diderot et d'Alembert donne une bonne description de ces ruches, très majoritaires parmi les ruches utilisées en France jusqu'au XIXe siècle au moins, jusqu'au développement des ruches mobilistes à cadres, variable selon les régions :
 
"Chaudes, maniables, résistant aux injures du temps, point sujettes a la vermine. Les mouches y travaillent mieux que dans toute autre ruche ... le principal est de les faire toujours un tiers plus hautes que larges et d'en façonner le dessus en voûte... Les grandes ruches sont de 15 pouces (27 cm) de large sur 23 pouces de haut (40 cm sur 60 cm)... On y met les essaims jusqu'au milieu de juin. Les ruches moyennes de 13 pouces sur 20 recevront les essaims jusqu'au ler juillet. les petites ruches de 13 pouces sur 17 recevront les derniers essaims... Il faut enduire les ruches en dehors du cendre de lessive ou de terre rouge (ocre) dont on fait un mortier avec de la bouse de vache, pour les garantir des vers. Quand elles sont sèches, on les passe légèrement sur de la flamme de paille, puis on les frotte en dedans avec des feuilles de coudrier et de mélisse. Il faut que les ruches soient posées sur des sièges ou des bancs élevés d'un bon pied, pour que les crapauds, les souris et les fourmis n'y puissent pas monter... Ils peuvent être de terre, de bois, de pierre ou de tuilot... Mais l'assise doit être convexe pour qu'il s'y amasse moins d'humidité."
 
Ces ruches étaient souvent de paille tressée, et recouvertes depuis les temps anciens de pourget, terme plusieurs fois évoqué. Par ailleurs, la paille de seigle était préférée à celle du blé, plus longue, plus résistante. On la tressait souvent en la cousant ou en la tressant avec des éclisses de ronce, qui a l'avantage de ne pas pourrir, ce qui renforçait la solidité et la pérennité de l'objet.
Excellentes pour la protection thermique, à l'abri du froid pendant l'hiver, tempérées de la chaleur durant l'été, les ruches en paille, comme toutes les ruches fixes, ne peuvent être examinées sous toutes les coutures et donc abritent souvent des maladies. Par ailleurs, elles produisent plus de cire que de miel.

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7. Ruche corrézienne (et plus largement ruche typique du Limousin) ou bornat (prononcer bournat, binhata dans les montagnes), avec socle en bois chevillé pourvu de nombreux trous à abeilles (très variables, comme dans l'Antiquité). ce socle était lié à une calotte ou chape en paille, battue au fléau, triée, aux tiges de même longueur tressée, liée et recouverte de pourget. A l'intérieur, les traditionnels croisillons pour soutenir les rayons, souvent de noisetier (coudrier). Cette ruche était posée sur une planche ou une pierre plate qui servait de planche d'envol aux abeilles.
XIXe siècle, 35 x 44x 44 cm.
 
8. Ruche du XIXe avec couvercle, Finistère, Musée des Arts er Traditions Populaires de Quimper.
 
9. Ruche auvergnate appelée pailla (ou paillat) surmontée d'une hausse communiquant avec le haut de la ruche, que certains artisans ou bergers, dont le travail était ralenti en hiver, confectionnaient pour augmenter quelque peu la récolte de miel.
 
10. Ruche ancienne de Landeyrat (Cantal'Auvergne), pailla, près de sa coiffe ou surtout de paille dit paillou (image extraite du livre RUCHES et ABEILLES, Architecture, traditions et Patrimoine de Jean-René Mestre et Gaby Roussel, éditions CRÉER. Comparer avec une illustration du moyen-âge, de l'ouvrage de Barthélémy l'Anglais (image 15).

11. Ruche wallone ancienne (tchetoere, tchetwère) en paille tressée, pourvue d'un manchon.
 

A côté de ces deux types de ruches, déclinées, surtout pour les ruches en paille, de multiples façons, les savants de l'apiculture traditionnelle fixiste ont développé à partir du XVIIe siècle, en Angleterre surtout, mais il semblerait qu'elles aient été utilisées surtout chez des aristocrates fermiers, de nouvelles méthodes d'apiculture, fixistes toujours, mais qui, pour certaines préfigurent l'ère de l'apiculture mobiliste : voir Histoire de l'Apiculture moderne, XVIIe (2) et suivantes. On remarquera qu'elles sont très peu nombreuses sur les gravures du XVIIIe siècle présentées sur cette page (images 1 et 6) ou dans les autres chapitres dédiés à l'histoire de l'apiculture.
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Très confidentielle, semble-t-il, dans nos régions, fut la présence des ruches en pierre, transformées par la suite en pots de fleurs, et que l'Italie du Sud, nous l'avons vu dans un autre chapitre, a largement utilisé :

12. Ruches en pierre provenant de Saint-Bauzille-de-Montmel, dans l'Hérault et conservées à Aubignac, en Haute-Loire, par Roger Chaduc (photos Jean-René Mestre, extraites de l'ouvrage cité plus haut)

    sources

    images :

    - http://pagesperso-orange.fr/lamotte/ecuras/no6bou.htm (bournat)
    - http://lei.crt-limousin.fr/images/178/178001599_4.jpg (Loge aux abeilles)
    - http://www.ecologie.gouv.fr/IMG/jpg/2007012_31.jpg (Ardèche)
    - http://www.differencefilms.com/troncs.htm (Cessenades)
    - http://portail.atilf.fr/encyclopedie/images/V18/plate_18_2_74.jpeg ( Encyclopédie Diderot)
    - http://bleudecobalt.typepad.com/ (Mantegna)
    - http://projetbabel.org/forum/viewtopic.php?t=3319&start=0 (wallonie)
    - http://apisite.online.fr/materiel/ruche-5.JPG (bournat)
    - http://histoiresdeserieb.free.fr/fichiers/1-ruche-de-paille.jpg (finistère)

    textes :

    - http://www.detours-en-limousin.com/Loges_de_bergers
    - http://www.cezalliersianne.asso.fr/index-fr.php?page=sianne_patrimoine_article&id_article=60
    - http://www.apiculture.com/abeille-de-france/articles/loge_abeilles.htm
    - http://journal-lamarseillaise.com/content/view/14885/89/
    - http://portail.atilf.fr/cgi-bin/getobject_?a.136:31:1./var/artfla/encyclopedie/textdata/IMAGE/
    - http://elec.enc.sorbonne.fr/montferrand/compte17/
    - http://pagesperso-orange.fr/lamotte/ecuras/no6bou.htm
     

 

 

 

 

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