ENCYCLOPEDIE -DE--LA--LANGUE -FRANCAISE
- LETTRE A

 

Alchimie à Papeterie

 


Scholes & Glidden
Création de Christopher Latam Sholes
1868
industrialisée par Remington & Sons , Ilion, N.Y. , USA, en 1874.
L'A commercial
3e partie
.
AZERTY

images extraites de : http://www.typewritermuseum.org/collection/brands/index.php3?machine=sholesglid1&cat=ku#

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Il y a tout de même un hic, cher lecteur. Les bonnes nouvelles de la page précédente ne doivent pas cacher les mauvaises que nous allons vous annoncer ici. Après la Renaissance italienne, en effet, notre héros (@ , pour ceux qui ont perdu le fil) disparaît dans la nature. Pfuit! Plus de bonhomme. Cet élégant Italien avait réussi à prendre différentes identités, mais il n'a jamais été trouvé ( jusqu'à la période moderne) de portraits de lui ailleurs que dans son pays natal. L'arroba, l'arobe et consort n'ont point d'autres visages dans les dictionnaires que nous avons évoqués au chapitre précédent que leur simple traduction. Etrange, non? Et le héros lui-même, pourquoi ne donne t-il plus de nouvelles de lui avant....le XVIIIe siècle disent les linguistes?

Une petite consolation cependant. Notre héros est revenu à ses premières amours, le commerce, et on ne saurait attribuer cela au hasard, même si personne ne sait dire encore ce qu'il a fabriqué pendant plus d'un siècle, ni pourquoi il est parvenu dans les comptabilités anglo-saxonnes, pour signifier les prix. Ce seraient les Britanniques qui auraient en premier demandé à @ d'annoncer le prix unitaire des marchandises : "at the price of", rapidement contracté en "at", l'exact pendant latin "ad" que nous retrouvons par des voies détournées et sans qu'il y ait une seule raison de lier directement cette étymologie à l'avatar moderne de @. Les américains l'exhibaient sur leurs étals, paraît-il, sur des ardoises ou des bouts de papier. Dans tous les cas, ce qui apparaît en comptabilité ressemble toujours à ceci : "3 books @ $ 1" (3 livres à 1 dollar pièce).

Ce n'est donc pas un hasard si les comptables demandent à ce que le symbole @ soit intégré au clavier des toutes nouvelles machines à écrire. Cependant, @ n'apparaît pas sur les tout premiers claviers, comme celui de Scholes (1873, voir image en en-tête), ni vingt ans plus tard, sur la Blickensderfer 5 (1893) :
. Alors, est-il vrai, comme on lit un peu partout, que le symbole apparaît sur la première Underwood de 1895? Après vérification, il s'avère (comme souvent) que cette affirmation ne repose pas sur grand'chose : Des collectionneurs nous ont certifié détenir des machines à écrire plus vieilles que l'Underwood et possédant le fameux signe, la preuve sur cette Wellington de 1892 :
Lambert (un français immigré) de 1902, avec son "round keyboard" (clavier rond). Le @ est associé à la lettre H.
 

Nous sommes donc parvenus au seuil du XXe siècle et notre héros, et là, une surprise nous attend, qui nous prouve la présence concomitante, derrière le même masque graphique, des deux manifestations de notre héros, la mesure de l'arroba et le symbole comptable : En effet, alors que @ ne quitte plus les claviers des machines à écrire, l'Enciclopedia universal ilustrada europo-americana en 89 volumes, éditée à Barcelone en 1909 mentionne de nouveau l'arobe, dans le VIe volume, page 652 : "Arroba, français arobe, unité de poids dans l'antique système de poids et de capacité de Castille. Se note par l'abréviation @". L'Oxford English Encyclopedia, quant à lui, précise que cette unité a perdu sa valeur officielle depuis que l'Espagne a adopté le système métrique en 1859. Ainsi, il apparaît de manière évidente qu'au début du XXe siècle notre héros se fait appeler "à" en France ou "at" dans les pays anglo-saxons, sans que l'on ait oublié ni son vieux prénom (arroba, arobe, etc...), que nous ont rappelé les espagnols, ni sa manière de se présenter (@, bien sûr).

Tout cela semble se tenir bien sûr, et nous avons beaucoup avancé dans notre enquête, même si nous aimerions bien savoir quel chemin a pu bien emprunter @ entre le monde marchand méditerranéen et celui anglo-saxon, qui lui fera perdre ses amphores et ses arrobes pour des "at" empreints de suscpicion, proche du "ad" tentant des débuts de l'enquête.
 

Une chose est sûre, notre héros aime les chiffres depuis sa plus tendre enfance, et son destin et lié aux médias de communication : Après avoir grandi dans les manuscrits, son aventure passe par les machines à écrire, et enfin...l'ordinateur, bien sûr. L' acmé de sa vie? En tout cas, plongeons maintenant à la découverte du dernier avatar de notre glyphe un peu magicien. Cette fois, quel bonheur d'en attribuer de manière certaine la paternité !
 

 

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