pline 9

    ENCYCLOPEDIE -DE--LA--LANGUE -FRANÇAISE
     

    -ABEILLE
    ----
     

    LES ABEILLES ET LES HOMMES
    ( V )

    -croyances,
    savoirs
    et
    apiculture
    ------

     

    GRECE et ROME (3)


    CROYANCES
    ET
    SAVOIRS ( 2)
     
     
    ---LES DEBUTS DU CHRISTIANISME----

    Vergilius Vaticanus, 370 - 430, texte en capitales rustiques (Capitalis rustica). Illustrations du Livre IV des Géorgiques de Virgile sur les abeilles. Biblioteca Apostolica Vaticana Vat. Lat. 3225

    Peut-être les plus vieilles miniatures que nous possédons sur l'apiculture : L'image du haut suit un passage de Virgile qui dit "Il faut retenir les abeilles dans un jardin fleuri". On distingue alors peut-être rucher et des hommes parmi les fleurs. En-dessous, on distingue les abeilles, au-dessus de ce qui est peut-être une ruche horizontale en écorce, une sorte de ruche-tronc (le manuscrit est abîmé) portée par un homme qui sort d'un abri (rucher ?) où la ruche était peut-être entreposée.


    LA RUCHE, apiculture
     

    Aristote, nous l'aurons compris n'a pas sur la ruche un oeil d'apiculteur. Il ne parle pas de sa matière, de son entretien, de son emplacement. Varron, par contre (op. cité), nous donne beaucoup de détails à ce sujet car son propos est d'ordre agricole. Il commence par nous renseigner sur des désignations en grec de la ruche : μελιττῶνες (melittônes), μελιττοτροφεῖα (melittotropheia), qu'il nomme en latin alvarius, (plur. alvaria : le rucher, pour Columelle) ou alvus (du nom du ventre, d'où leur forme renflée, plur. alvi, alvis chez Columelle ou Pline), alveus, plur. alvei), ou encore, selon certains, dit Varron, mellaria. On trouve aussi en latin alvearia (Virgile, op. cit.), alveare, alvearis (plur. alvearium), apium, alvorum (Columelle, op.) cavea (poétique), praesepe, praesepium ; auj. arnia, plur. arnie plus courant en italien ; on trouve aussi en grec kupselai, kypsele. Par ailleurs, Columelle parle d'apiarium et d'apiario, pour le rucher (on trouve aussi apiarius) : c'est ce dernier qu'a conservé l'italien. Aulu-Gelle (Aulus Gellius, vers 120 - 150), dans le foutoir encyclopédique de ses Nuits Attiques (Noctes Atticæ) parle d'apiaria. C'est semble t-il la seule place qu'il consacre aux abeilles :

    "On appelle aussi communément apiaria, les lieux où l'on met les ruches des abeilles ; mais, autant que je puis m'en souvenir, presque aucun de ceux qui ont parlé correctement latin, n'ont fait usage de cette expression ni dans la conversation ni dans leurs écrits. M. Varron, dans son troisième livre de l'Agriculture, dit :« Il faut entendre par μελισσῶνες ce que quelques-uns entendent par mellaria (lieu où les abeilles font leur miel) », mais ce mot, dont Varron s'est servi, est un mot grec..."

    extrait de : http://remacle.org/bloodwolf/erudits/aulugelle/livre2.htm

       
      PLINE, Histoire Naturelle, Livre XXI, 48 - 49

      "Les ruches doivent regarder le lever équinoxial, et éviter l'Aquilon aussi bien que le Favonius. Les meilleures ruches* sont celles d'écorce, ensuite celles de férules*, en troisième lieu celles d'osier; on en a fait faire en pierre spéculaire*, afin d'observer le travail des abeilles à l'intérieur(XVI, 16). Il est très avantageux d'oindre tout autour la ruches avec de la fiente de bœuf. L'opercule doit être mobile par derrière, afin qu'on puisse le pousser en dedans, si la ruche est grande ou l'opération peu productive, de peur que, découragées, les abeilles ne renoncent à travailler; puis on le ramène peu à peu en arrière, les trampant ainsi sur le progrès de leur ouvrage.
       
      [2] En hiver on couvrira les ruches avec de la paille; on fera de fréquentes fumigations, surtout avec la fumée de fiente de boeuf. Elle leur est bonne, tue les insectes qui se développent, les araignées, les papillons, les vers, et même excite les abeilles. Il est facile de les débarrasser des araignées, mais le papillon est un ennemi plus dangereux : pour le détruire, on choisit au printemps, quand la mauve mûrit, une nuit sans lune, par un ciel serein, et on allume des flambeaux devant la ruche : les papillons se jettent dans la flamme.
       
      XLVIII. [1] Si l'on pense que les abeilles n'ont plus d'aliments, on mettra à la porte de la ruche des raisins secs et des figues pilées, ou bien de la laine cardée, humectée avec du vin cuit ou du raisiné, ou de l'eau miellée. On y met aussi de la chair de poule crue. En certains étés même, où une sécheresse continue leur a enlevé l'aliment fourni par les fleurs, il faut leur donner de la nourriture comme il vient d'être dit. Quand on récolte le miel, on frotte les issues des ruches avec le mélissophyllon (mélisse) ou le genêt broyés, ou bien on les entoure par le milieu avec la vigne blanche, de peur que les abeilles ne se dispersent. On recommande de laver avec de l'eau les pots à miel et les rayons : cette eau, bouillie, fait, dit-on, un vinaigre très salutaire.

      extrait de : http://web2.bium.univ-paris5.fr/livanc/?p=58&cote=39197x02&do=page

      * RUCHES : Comme d'autres, Palladius (IVe s.) déconseille l'utilisation des ruches en terre cuite, glaciales en hiver et brûlantes en été, mais recommande plutot celles en écorce de chêne-liège ou d'osier (De re rustica).
      * FERULES (du latin ferula, ferulae) : plantes du genre Ferula : par exemple Ferula communis, la férule commune.

      * PIERRE SPECULAIRE (lapis specularis) : "cet albâtre gypseux, qui avait le mat et le gris de l’alun de roche, découvert du temps de Néron, servait aux romains comme substitut du verre pour les fenêtres surtout celles de la salle à manger, l’hiver, afin de la préserver des pluies et des orages. Il est identifié tantôt avec toutes sortes de micas, tantôt avec le sélénite, ou le gypse lui-même. Car le sélénite fut en effet lui aussi utilisé dans la construction des fenêtres jusqu’au XVIIIº siècle, bien que les vitres de verre aient été inventées dès le Iº siècle environ après Jésus Christ ."

      extrait de : http://www.oboulo.com/miroir+mythes+symboles

      Plaque de lapis specularis retrouvée à Pompéi (1er siècle), posée sur un mur pour rendre compte de son aspect diaphane.


      PLINE, HISTOIRE NATURELLE
      LIVRE 36

      "XLV. [1] Quant à la pierre spéculaire, puisqu'on la range aussi parmi les pierres, elle se fend avec beaucoup plus de facilité, et on la partage en feuilles aussi minces qu'on veut. Autrefois l'Espagne citérieure seule la fournissait, et non pas même toute la contrée, mais un rayon de cent milles environ autour de la ville de Segobrien. Maintenant on en trouve dans l'île de Chypre, en Cappadoce, en Sicile; et, tout récemment, on en a découvert en Afrique. A toutes on préfère les pierres spéculaires de l'Espagne. Celles de la Cappadoce sont très délicates, très grandes, mais ternes.
      [2] On en trouve aussi en Italie, dans le territoire de Bologne; elles sont petites, tachetées, englobées dans du silex; cependant elles sont évidemment de même nature. La pierre spéculaire s'extrait en Espagne de puits très profonds. On en trouve aussi sous terre, qui sont renfermées dans la roche; tantôt on les extrait sans difficulté, tantôt il faut tailler le roc vif. Mais le plus souvent la pierre spéculaire est fossile; elle se trouve isolée, sous forme de fragments dont aucun n'a encore dépassé cinq pieds en longueur. Quelques-uns pensent que c'est une liqueur de la terre qui se congèle comme le cristal.
      [3] Ce qui montre manifestement que cette pierre est le résultat d'une pétrification, c'est que quand des animaux tombent dans les puits d'extraction, la moelle de leurs os se transforme en pierre spéculaire an bout d'un hiver. On trouve parfois aussi de la plerre spéculaire noire. Mais la blanche a la propriété merveilleuse de résister, tout en étant d'une mollesse connue, à l'action du soleil et du froid. Le temps ne la dégrade pas, comme beau-coup de matériaux ; elle n'a à craindre que les accidents. On a trouvé un usage pour les rognures: on en parsème le grand Cirque à l'époque des jeux, pour lui donner une blancheur agréable.
      XLVI. [1] Sous le règne de Néron, on trouva en Cappadoce une pierre de la dureté du marbre, blanche, et transparente même là où des veines rousses se rencontraient; ce qui la fit nommer pheugite. Néron reconstruisit avec cette pierre le temple de la Fortune nommé Séla (XVI, 2, 2 ), temple qui avait été consacré par le roi Servius, et qu'il renferma dans sa maison dorée (XXXVI, 24, 8). Là, même les ouvertures fermées, on avait pendant le jour la clarté du dehors; non toutefois de la même manière qu'avec la pierre spéculaire, la lumière paraissant non pas transmise, mais renfermée. Il y a aussi en Arabie, au dire de Juba, une pierre diaphane comme le verre, qu'on emploie en guise de pierre spéculaire."

      Traduction de J.J Dubochet, 1848-1850.
      édition d'Émile Littré


    Selon Varron, il faut placer les ruches (pas trop grandes) près des métaieries, de la villa (aussi Palladius, selon une tradition établie, dit Columelle, voir image 8. Il faut qu'elles soient établies, précise encore Varron, en un lieu sans écho (Columelle, Pline, Palladius), bruit qui effarouche les abeilles (voir aussi § COMPORTEMENT), élevé et tempéré, abondant en fleurs et comportant de l'eau pure. Varron en reparle en préconisant de placer les ruches à proximité d'un ruisselet ou un réservoir de deux ou trois doigts de profondeur, où on posera des petits cailloux (sinon des grosses pierres, Virgile, op.cit.) ou des briques pour que les abeilles ne mouillent pas leur petites pattes, quand Aristote parle de source, d'eau pure (Virgile "de limpides fontaines", op. cit.), dit-il aussi, capitale pour la confection d'un bon miel, nous dit Varron. Virgile insiste sur un lieu sans aucun vent (Palladius), qui empêche de rapporter chez elles leur butin, mais aussi sans animaux foulant les fleurs. Columelle est disert sur le sujet et préconise un lieu ensoleillé l'hiver, au fond d'une vallée, pour que les abeilles volent à vide vers le haut et chargées vers le bas, pour une peine moindre.

     
    RUCHES DE L'ANTIQUITE GRECQUE ET ROMAINE, - 200 à + 600


    1 et 2. Fragments de ruches en terre cuite, poterie (latin : fictilis)
    1. CRETE, Sphakia
    2. CRETE, Skaloti/Profiti-Ilias, trois types de bordures circulaires
    3. FRANCE, Yonne, Escolives-Sainte-Camille, Figuration d'une ruche (de pourget ? voir image 4) sur un objet en os.
    L. 3,2 cm, l. 2,9 cm, ép. 0,27 cm à 0,73 cm

    1

     2

     3

    4. fig. 359 : ROME, ruche en paille tressée recouverte de pourget (mortier fait en général d'argile et de bouse de vache), illustration parue dans Antiquité expliquée et représentée en figure de Bernard Montfaucon, 1772 ; fig. 360 : POMPEÏ, illustration du livre Pompeii, de Thomas Leverton Donaldson (1795 - 1855), ruche en métal percée de trous et à étages.

    5. Fragment intérieur d'une ruche romaine horizontale en terre cuite (fictilis, VIe-VIIe siècles) trouvé dans le temple de Poséidon à Isthmia (Grèce)

    5b. Ruche en osier identique à celle qu'on a retrouvé sur un site archéologique important de l'âge de fer, à Feddersen Wierde, en Allemagne, sur la côte de la Mer du Nord non loin de l’embouchure de l’Elbe, et qui date du 1er siècle de notre ère.
    4----5 ---5b

     -6
     7
    8  

    6. Grèce, Mont Hymette, ruches à couvercle en terre cuite (terracota, latin fictilis, plur. fictilium, désignant parfois la ruche elle-même : Columelle, De re rustica)
    au premier plan : ruche verticale du IIIe siècle env.
    au second plan : ruche comparative utilisée dans les Cyclades vers 1973.

    Ces vases de stockage portent, en grec, le nom générique de pithoi (sing. pithos). Il existait depuis l'antiquité des extensions (ou hausses), que l'on ajoutait l'été, pendant les grandes miellées, pour accroître les récoltes de miel.  A l'est de la Méditerranée (Grèce, Crète), les ruches horizontales ne s'ouvraient que par l'avant, où on ajoutait la hausse au moment voulu (voir anneau d'extension sur image 7). A l'ouest (Espagne, Sicile, Afrique du Nord), les ruches s'ouvraient de chaque côté et les hausses pouvaient être jointes à chaque côté.

    7. Grèce, Trachones (Trachonis) Epoque gréco-romaine, ruche verticale à couvercle en terre cuite, original et dessins. Remarquez l'ouverture sur le côté du couvercle, visible surtout sur les dessins du milieu, en demi-lune, prévue pour le passage des abeilles.

    8. Grèce, Vari, reconstitution d'une maison de ferme
    fondation vers IVe-IIIe s.
    On remarquera le petit local apicole (mellarium en latin) accolé au coin droit de la maison, et les ruches à couvercle (une douzaine, hautes de 90 cm) adossées traditionnellement au mur.

    9. 10.

    9 et 10. Ile de Malte (Melitta des Romains, du latin mel, le miel).
    Villa romaine d'Imgiebah (rucher, en maltais, langue d'origine sémitique), près de la ville de Xemxija.
    9. Vue extérieure avec quatre étages de niches de tailles diverses, taillées dans la roche.
    10. Vue interne du rucher, avec reconstitution des ruches horizontales, tubes de terre cuite.
    "La collecte du miel constituait également une activité importante, de l'île, notamment dans les zones dépourvues de terres arables. On distingue trois types de ruchers, appelés "mg'iebah' " (singulier "mig'bh'a"), selon qu'ils sont taillés dans la roche, construits à l'aide de pierres dressées ou nichés dans un mur en moellons. Les deux premiers types sont en forme de L, la porte occupant toute la façade avant du dispositif. Celle-ci est percée pour offrir un passage aux abeilles. Les ruches étaient fabriquées à partir de jarres en terre appelées "qollol " et placées à l'intérieur du rucher.


    extrait de :
    http://www.coe.int/t/dg4/cultureheritage/Source/Conventions/Landscape/Futuropa_1_FR.pdf

    11. Rucher de l'époque byzantine taillé dans la pierre et décoré de peintures, visibles encore près du toit.
    Cappadoce, Turquie (Ve-VIe siècles)

    12.
    Ruches de ceramique de type horno (voir ABEILLE - RUCHERS 1), IIIe-IIe s. avant notre ère, peuples ibériques installés entre les rivières Júcar et Palància, longueur 59.2 cm.
    Puntal dels Llops (Olocau), Tossal de Sant Miquel y La Monravana, Llíria ( Liria) Catalogne, Espagne.



    Les ruches, poursuit Varron, sont de forme circulaire, placées en rang le long des murs (image 8) avec de petits trous en leur milieu pour le passage des abeilles et un couvercle pour en ôter facilement le miel. Columelle parle de ruches plus rustiques, voire naturelles, dans des logements taillés dans le mur, des galeries couvertes ou dans les vergers.Homère, nous l'avons dit précédemment, parle des amphores. L'exemple d'Hérodote est, quant à lui, plus croustillant :

    "CXIV. Les habitants d'Amathonte coupèrent la tête d'Onésilus parce qu'il les avait assiégés, la portèrent à Amathonte, et la mirent sur une des portes de la ville. Quelque temps après, cette tête étant vide, un essaim d'abeilles la remplit de rayons de miel. Là-dessus ceux d'Amathonte consultèrent l'oracle, qui leur répondit d'enterrer cette tête, d'offrir tous les ans des sacrifices à Onésilus comme à un héros, et que par ce moyen ils s'en trouveraient mieux. Ils obéirent, et de mon temps ils lui sacrifiaient encore."

    Hérodote (vers - 484 à - 425)
    Histoires, Livre V

    L'ouverture des ruches doit être très étroite (l'idéal étant de ne laisser passer qu'une abeille à la fois (Palladius)) pour empêcher le plus d'ennemis de passer. Plusieurs trous sont préférables à un seul, pour éviter qu'un ennemi ne se poste et avale goulûment une par une les pauvres bêtes qui en sortent.

    Columelle est un des rares à s'exprimer sur l'ensemble des ruches, le rucher (voir aussi le1er § pour la désignation latine). Il précise que le rucher (apiarium) peut être entouré de maçonnerie, de briques, mur enduit pour empêcher d'entrer les lézards, les serpents et autres animaux nuisibles, et que, dans le cas où on élève haut les murs par crainte des voleurs, il faut pratiquer des petites ouvertures pour les abeilles à trois pieds au-dessus du sol. Une maisonnette devra y être attenante, pour y loger les gardiens les gardiens (custodes, sing. custos) et abritant en ce qui nous concerne une grande quantité de ruches, des herbes médicinales, tout le matériel pour secourir les abeilles malades. Dans le cas de la maçonnerie, on posera un rang de ruches (sans dépasser trois étages), poursuit Columelle, séparées par des petites cloisons en brique, dont la façade (inclinée pour empêcher la pénétration d'eau de pluie) et l'arrière seront libres. Pour des raisons climatiques, d'ailleurs (froid, pluie, chaleur) Columelle préconise de placer les ruchers dans des galeries couvertes, ou au moins protégées par des branchages enduits de "mortier carthaginois " (?). L'hiver, on les protégera d'avantage du froid avec du chaume et des feuilles.

    Elles sont fabriquées de diverses matières : en osier (l'osier souple, tissé, est cité par Virgile et Columelle), recouvertes de chaque côté de bouse de vaches pour en gommer les aspérités, qui rebutent les abeilles : c'est ce que nous appelons les ruches à pourget : voir
    image 4. L'usage de la bouse est critiquée par Columelle et Celse (dixit le précédent), car elle est inflammable. en bois , en écorce, qui a la préférence de l'auteur. Varron cite aussi les ruches faites de troncs d’arbres creusés ou de poterie (les plus mauvaises selon Varron, Columelle ou Palladius, chaudes l'été, glacées l'hiver, voir images 1,2,5,6,7). Virgile parle d'écorce creuse, Columelle et Palladius de l'écorce du liège, du bois creusé et des planches, mais aussi de briques, qui ont l'inconvénient d'être intransportable, pour les conduire d'un endroit à un autre ou pour les vendre (transhumance d'été que conseille Celse, au dire de Columelle, dans les contrées désavantagées). Des ruches carrées sont faites avec de la férule (environ trois pieds de long sur un pied de large) nous dit Varron, matière citée avantageusement par Columelle et Pline. Etonnamment, Palladius ne cite que cette forme de ruche.

    Columelle parle du commerce des ruches (aussi Palladius). Il faut de préférence, conseille t-il, les acheter d'une contrée voisine plutôt qu'éloignée (Palladius) pour éviter tous les désagréments d'un long voyage (secousses, chaleur), ne pas mettre en place le jour même, pour leur repos, surveiller leur fuite éventuelle (qu'on prévient, dit Palladius, en badigeonnant les entrées des ruches de fiente de veau premier-né), ne pas mélanger des abeilles de qualité supérieure et d'autres inférieures (la sélection n'était pas scientifiquement établie, bien sûr !). Columelle connaissait déjà l'astuce qui consiste à poser une couleur sur une abeille (avec un brin de paille) pour faire une expérience : il conseille cette opération pour connaître la distance d'un nid au point d'eau où les abeilles de ce nid viennent boire.

    LES PRODUITS DE LA RUCHE

    LE MIEL


     

    "Ô ma charmante,

    Comme l'abeille amie des fleurs,
    Ta lèvre ardente
    Distille un miel plein de douceur [1].
    Comme elle aussi,
    Ton aiguillon est éprouvant
    Quand tu me dis
    Que ton amour vaut de l'argent.
     
    [1] Ce thème est un lieu commun poétique grec.
     
    Marcus Argentarius (Ier siècle), L'abeille, Anthologie Palatine V, 32
    Les 309 épigrammes dites « érotiques » constituent le Livre V de l'Anthologie Palatine (vers 980)."
    extrait de : http://bcs.fltr.ucl.ac.be/antho/1-100.htm


     
    Diodore de Sicile (vers - 90 à - 20)
    La Bibliothèque historique
     
    livre XIV
    Chapitre 30
    Cet épisode relate une célèbre histoire de miel vénéneux (au rhododendron pontique ?) contée par Xénophon, au chapitre IV de son Anabase ou Retraite des Dix mille)
    [14,30] XXX. Les Grecs trouvèrent dans cette région de nombreux essaims d'abeilles qui avaient formé de belles ruches. Tous ceux qui avaient goûté du miel* de ces abeilles, furent atteints de symptômes étranges. Les uns devinrent maniaques, tombaient à terre et étaient semblables à des morts. Séduits par la douceur de cet aliment, beaucoup de soldats en mangèrent, et, en peu de temps, le sol fut jonché d'hommes comme après la perte d'une bataille. Ce jour-là, toute l'armée était découragée par cet étrange accident, et consternée à la vue de tant de malheureux. Le lendemain, à la même heure {où l'accident était arrivé}, tous furent rétablis, et ayant bientôt repris leurs sens, ils se levèrent et se sentirent comme des hommes qui ont fait usage d'une préparation pharmaceutique.
     
    http://hodoi.fltr.ucl.ac.be/concordances/diodore_14/lecture/30.htm

    * miel : le miel obtenu sans avoir enfumé les abeilles est appelé acapnon mel, du grec ἄκαπνος, acarnôs, c'est à dire "sans fumée" et il est très recherché, car la fumée confère au miel un goût désagréable, cité par Pline (acapnum, Histoire Naturelle, Livre XI, ch. 15).


    Les abeilles se nourrissent du miel dit Aristote (Livre I, ch.1), qu'elles disposent dans leurs cellules pour leur subsistance (avant d'être mélangé au suc de fleurs, dit Pline, "macéré et modifié mille fois") ainsi que d'autres nourritures sucrées : il n'en donne aucun exemple, qui apparaîtra au Livre IX, ch. 40, § 2 : le pain d'abeilles (voir plus loin, § LA CIRE, LE POLLEN, LA PROPOLIS) ; Varron cite deux fleurs nourrissant l'abeille, celles de la grenade ou de l'asperge, qu'il distingue bien de celles qui fournissent le miel). L'auteur ne reprendra le sujet que longtemps après, au Livre V, chapitre 22. Très bizarrement, Aristote prétend que le miel ne se fabrique qu'en été et en automne (c'est vrai que certains se contenteraient bien du printemps grec pour été !), saison du meilleur miel, affirme t-il (§ 4) pour se contredire plus loin (ch. 40, § 12) et annoncer que le miel de printemps est largement le meilleur ! A propose de la saison, Pline assure aussi que les abeilles ne sortent pas au début du printemps, "comme on l'a dit ; et en Italie, personne n'a cette idée sur les ruches.", mais à la floraison des fèves et au-delà du lever des Pléiades !

    Plus intéressant est le sujet de l'origine céleste du miel (§ 5), qui n'est pas fait par les abeilles, prétend cette fois Aristote sans opposer à cela d'autres théories, ce qui donne à penser que cette opinion était générale de son temps. Le miel est distillé par la rosée, dit-il (avec Celse) recueilli de l'atmosphère par les abeilles.

    Virgile, comme Tibulle ou Pline, imaginent cette rosée de miel goutter des feuilles des arbres, du chêne, surtout :

     
    "Poursuivant mon oeuvre, je vais chanter le miel aérien, présent céleste..."

    Virgile, Les Géorgiques, Livre IV, 1, Les Abeilles

    extrait de : http://bcs.fltr.ucl.ac.be/Virg/buc/buc04.html#30

    (35) Qu'on vivait donc heureux sous le règne de Saturne, avant que la terre s'ouvrît aux longues routes ! Le pin n'avait pas encore bravé les ondes d'azur ni livré aux vents le gonflement d'une voile déployée. Errant à la recherche du gain et des terres inconnues, (40) le nautonier n'avait point encore chargé son vaisseau de marchandises étrangères. En cet âge heureux, le robuste taureau ne portait point le joug ; le cheval ne mordait point le frein d'une bouche domptée ; les maisons étaient sans porte ; aucune pierre fixée dans les champs n'assignait aux labeurs une limite certaine ; (45) les chênes eux-mêmes donnaient du miel, et les brebis d'elles-mêmes venaient offrir leurs mamelles pleines de lait aux hommes sans inquiétude. Il n'y avait pas d'armée, pas de colère, pas de guerre ; l'art sans pitié d'un cruel forgeron n'avait point inventé le glaive. Aujourd'hui, sous l'empire de Jupiter, ce n'est que meurtres et blessures toujours, (50) aujourd'hui c'est la mer, aujourd'hui mille voies brusques qui conduisent à la mort

    Virgile, Les Bucoliques, Livre IV,
    Traduction de la collection M. Nisard, Paris, 1850

    "Aussi trouve t-on alors, à la première aurore, les feuilles des arbres humectées de miel ; et ceux qui le matin sont en plein air sentent que leurs vêtements et leurs cheveux sont enduits d'une liqueur onctueuse.Sueur du ciel, ou espèce de salive des astres, ou sue de l'air qui se purifie, plût aux dieux que le miel fût limpide, et tel qu'il a coulé d'abord, mais, tombant d'une aussi grande hauteur, il se salit beaucoup dans son trajet vers nous, et il se corrompt par les exhalaisons terrestres qu'il rencontre;"

    Pline, Histoire Naturelle, Livre XI, ch. 12


    "Mais aussitôt que tu pourras lire les annales glorieuses des héros et les hauts faits de ton père, et savoir ce que c'est que la vraie vertu, on verra peu à peu les tendres épis jaunir la plaine, le raisin vermeil pendre aux ronces incultes [30] et, jet de la dure écorce des chênes le miel dégoutter en suave rosée."

    Tibulle, Elégies, I, 3, 35

    extrait de : http://bcs.fltr.ucl.ac.be/tib/tib1.html


    Le miel vient non seulement du ciel, mais de plus, à des moments particuliers : levers des constellations (pour Pline, celui de Sirius) et jamais avant le lever des Pléiades (Aristote, Pline) et apparitions d'arc-en-ciel. Preuve en est, poursuit l'auteur, que les rayons se remplissent parfois de miel en deux ou trois jours seulement ! Une autre preuve avancée par Aristote est qu'à l'automne, alors qu'il y a encore des fleurs, le miel retiré de la ruche n'est pas remplacé. Il le serait, avance notre auteur, si c'était bien les abeilles qui fabriquaient le miel. Aristote ne sait pas qu'à l'approche de la diapause hivernale (arrêt temporaire du développement d'un cycle évolutif), le métabolisme de l'abeille change progressivement (alimentation, consommation d'oxygène : ce sujet est encore mal connu). Le savant latin Varron affirme que le miel, la cire, la construction des cellules, sont autant de choses confectionnées par l'abeille (De l'Agriculture, Livre III, ch. 16), tout comme Virgile (Géorgiques, IV). Cela ne veut pas pour autant dire pour lui que le miel ne vient pas d'abord du ciel, car Pline l'acceptait, tout en disant, nous l'avons vu, qu'elle le travaillait "mille fois". Ovide ( - 43 à -17) est peut-être le seul à avoir attribué à Liber-Bacchus la découverte du miel :

     
     
    Voici que s'assemblent, guidés par ces tintements, des insectes inconnus,
    ce sont des abeilles qui suivent les sons des cymbales.
    Liber les recueille dans leur vol et les enferme au creux d'un arbre,
    et pour récompense, il découvre le miel.

    3, 745 Dès que les satyres et Silène, le vieillard chauve, eurent goûté cette saveur,
    ils cherchèrent à travers tout le bois les blonds rayons de miel.
    Le vieillard entend, au creux d'un orme, le bourdonnement de l'essaim ;
    il aperçoit les alvéoles de cire, mais il en dissimule la présence.
    Paresseusement assis sur un âne à l'échine courbée,

    3, 750 il colle sa monture contre l'écorce creuse de l'orme.
    Il se hisse dessus, prenant appui sur une branche
    et cherche avidement le miel caché dans le tronc.
    Des frelons par milliers arrivent et enfoncent leur dard
    sur son crâne dénudé, marquant de piqûres sa face grimaçante.

    3, 755 Il tombe, tête en avant, et reçoit un coup de sabot du petit âne ;
    il pousse un cri et appelle ses compagnons à l'aide.
    Les satyres accourent et se moquent du visage tuméfié
    du vieux bonhomme ; lui boitille, avec son genou blessé.
    Le dieu rit, lui aussi, et montre comment faire un cataplasme de boue ;

    3, 760 le vieux suit ces conseils et s'enduit la face de boue.
    Le miel est apprécié du Père Liber, et c'est à juste titre que nous offrons
    à son inventeur des coulées de miel éclatant sur un gâteau chaud.
    Pourquoi des galettes pétries par une femme ? La raison en est claire :
    Ce sont des choeurs de femmes que Liber excite avec son thyrse.
     
    Ovide, les Fastes, Livre III, Mars.
    Traduction nouvelle annotée
    par Anne-Marie Boxus et Jacques Poucet (2004)

    extrait de : http://bcs.fltr.ucl.ac.be/FASTAM/F0-Intro.html


     
    VARRON, Économie rurale, livre III “Les abeilles vont pâturer au dehors ; mais c’est dans l’intérieur de la ruche que s’élabore ce doux produit si agréable aux dieux et aux hommes. Le miel trouve place sur les autels aussi bien que sur nos tables, tant au début d’un repas qu’au second service.”


    Le miel est naturellement liquide, dit Aristote et acquiert de la consistance environ vingt jours plus tard (aussi Pline). Ce propos manque de nuances, encore une fois, car la cristallisation du miel est très variable. Le miel d'acacia, par exemple, cristallise lentement, parfois jamais. Aristote choisit lui de parler du thym, qui était le plus répandu sur l'Hymette (le thym de montagne, thymus capitalus), la grande région apicole de Grèce. On le reconnaît à son goût, sa consistance et sa douceur : comment se fait-il alors qu'il ne pense pas à associer un miel à une fleur ?, alors qu'il porte à chaque fois la signature d'une fleur, pour rester dans une terminologie archaïque et que l'auteur sait pertinemment que l'abeille rapporte, nous l'avons-vu, "le jus des fleurs", dont la consistance est plus près de celle du miel que celle de la cire ! L'auteur en viendra même à dire que le lierre est abondant dans la région du Pont et que c'est de cette fleur que les abeilles tirent leur miel (ch. 22, § 13, abondant, dira Columelle) sans parler du thym, encore une fois que les abeilles travaillent en le mélangeant avec de l'eau, affirme t-il au Livre IX, ch. 40 (§ 12), où il dit aussi que les abeilles en remplissent les cellules de leur nid. En fait c'est Pline nous donne la réponse, en précisant "qu'il est toujours le meilleur là où il a pour réservoirs les calices des fleurs les plus exquises."

    En plus du thym (celui de Sicile, surtout, sur le mont Hybla, dit Pline), c'est Aristote qui parle, "les fleurs dont elles recueillent le miel so
    nt le fusain, le mélilot, l'asphodèle, la myrte, le balisier, le saule (Virgile, aussi ), le genêt." Varron cite en plus du thym : le cytise ("qui convient aux abeilles malades", la mélisse, la rose, le serpolet (aussi Virgile op.cit.), le pavot, les fèves, les lentilles, les pois, la dragée, le sauchet, le sainfoin, l'amandier (aussi Columelle), le cornouiller (les fleurs de ces derniers rendent malades les abeilles, dit Varron, qu'il faut soigner avec de l'urine). Virgile cite en plus du thym, le daphné (daphne mezereum ?), la sarriette, la violette, le laurier-tin (viburnum tinus), l'arbousier, le safran rougeâtre (crocus sativus), le tilleul, l'hyacinthe (jacinthe). En plus du thym et du cytise, Columelle cite l'origan, la sarriette (celui du pays, la "cunila" ou "satureia"), le romarin, le pin, la petite yeuse (quercus ilex, le chêne vert), les jujubiers rouge et blanc, l'amaracus : nom latin de la marjolaine, qui n'est pas un arbre [?] (ces deux derniers donnant un miel d'un goût médiocre, affirme t-il, comme le genêt ou l'arbousier), le poirier, le pêcher, la plupart des arbres fruitiers résume t-il, avant de passer aux arbres sauvages, chêne rouvre (le meilleur miel pour Pline est celui du chêne, avec le tilleul et les roseaux), térébinthe, lentisque (Pistacia lentiscus) et cèdre, prohibant le tilleul et l'if ("des ennemis à bannir", dit Palladius), ainsi que le miel "sauvage" de bruyère. Puis Columelle revient aux fleurs des champs labourés "les plus agréables aux abeilles" : acanthe, asphodèle, narcisse, lis blanc, giroflée, rose de Carthage, violettes jaune et pourpre, jacinthe et safran. Columelle cite aussi les plantes utiles à la santé des abeilles, à nouveau : cytise, pin, romarin, sarriette, thym, violette, tamarix (ou tamaris, genre comprenant diverses tamaricacées). Comme Varron, Pline ou Palladius, il recommande d'éviter les odeurs d'écrevisses grillées, mais aussi la fange des marais. Palladius cite de nombreuses plantes, voir : ABEILLE - ARISTOTE - PALLADIUS - extraits

    Aristote dit qu'une ruche rapporte de six à dix-huit "pintes" de miel pour les meilleures (une pinte anglo-saxonne = 0,568 261 25 litre), s'il faut en croire la traductrice anglaise. Cette dernière aurait pu nous restituer la mesure grecque correspondante : Aristote ne connaissait pas la pinte ! Le chiffre de 5000 livres de miel à l'année cité par Varron est plus simple à comprendre : une livre romaine (libra) valait 327,368 g, et elle était divisée en 12 onces de 27,264 g. L'heureux homme dont parle le savant latin recueillait donc un beau trésor de miel de 1636, 84 kg par an. On peut donc supposer que le "latinfundiaire" possédait près d'une cinquantaine de ruches.

    LA CIRE, LE POLLEN, LA PROPOLIS

     
    Livre VII
     
    "CCXXXIX. (...) Quoi qu'il en soit, Xerxès s'étant déterminé à faire la guerre aux Grecs, Démarate, qui était à Suses, et qui fut informé de ses desseins, voulut en faire part aux Lacédémoniens. Mais comme les moyens lui manquaient, parce qu'il était à craindre qu'on le découvrit, il imagina cet artifice. Il prit des tablettes doubles, en ratissa la cire, et écrivit ensuite sur le bois de ces tablettes les projets du roi. Après cela, il couvrit de cire les lettres, afin que ces tablettes n'étant point écrites, il ne pût arriver au porteur rien de fâcheux de la part de ceux qui gardaient les passages. L'envoyé de Démarate les ayant rendues aux Lacédémoniens, ils ne purent d'abord former aucune conjecture ; mais Gorgo, fille de Cléomène et femme de Léonidas, imagina, dit-on, ce que ce pouvait être, et leur apprit qu'en enlevant la cire ils trouveraient des caractères sur le bois. On suivit son conseil, et les caractères furent trouvés. Les Lacédémoniens lurent ces lettres, et les envoyèrent ensuite au reste des Grecs."

    extraits de :
    http://remacle.org/bloodwolf/historiens/herodote/index.htm



    Les anciens ne savaient pas que la cire (κηρός, kerôs, en grec) était une substance endocrine de l'abeille. Aristote, suivant l'opinion de son époque (comme Varron, Celse ; exceptée la patience, l'échinopode (genêt épineux, genista spinosa) et, à tort, le spart et l'olivier dit Pline). Ces anciens pense la cire fabriquée à partir des fleurs (chapitre 22, § 5) et transportée par les abeilles sur leurs pattes en même temps que le κήρινθος (kêrintos, dérivé de kerôs, le cerinthus (cérinthe) des auteurs Latins, que la traduction anglaise rend par "bee bread" : "pain d'abeilles", qui ajoute à la confusion car on appelle ainsi la nourriture des larves d'abeilles solitaires, semblable à un petit pain ou gâteau. De toute évidence, ici, il ne s'agit pas de ce pain d'abeilles, puisqu'il est transporté par l'abeille à la ruche dans ses scopae (erreur répétée Livre IX, ch. 40) : mais comment savoir ce qui est désigné là quand il est dit aussi que la cire aussi est transportée de la même manière. Alors, le pollen ? Le miel brut, comme le pensent certains ?

      
    PLINE, Histoire Naturelle, LIvre XXI, 48 - 49

    XLIX. [1] La cire se fait avec les rayons dont on a exprimé le miel ; pour cela on les passe à l'eau, on les fait sécher pendant trois jours dans l'obscurité; le quatrième jour, on les fait fondre sur le feu dans un vase de terre neuf, avec assez d'eau pour qu'ils en soient recouverts; puis on filtre le liquide dans un panier. Alors on fait cuire la cire dans le même vase avec la même eau, et on la verse dans des vases enduits de miel et contenant de l'eau froide. La meilleure est la cire appelée punique; au second rang est une cire très jaune, ayant l'odeur du miel lorsqu'elle est pure, provenant du Pont, et qui, chose étrange ! n'est pas altérée par le miel vénéneux (XXI 44 et 45). Au troisième rang est la cire de Crète; elle a le plus de propolis, substance dont nous avons parlé en traitant des abeilles (XI, 6). Après toutes ces cires vient celle de Corse; et comme elle provient du buis, on lui attribue certaine vertu médicamenteuse.
    [2] La cire punique se prépare de cette façon : On expose souvent à l'air de la cire Jaune, puis on la fait bouillir dans de l'eau de mer prise au large, et à laquelle on ajoute du nitre; puis avec des cuillers on enlève la fleur de la cire, c'est-à-dire, la partie la plus blanche, et on la verse dans un pot contenant un peu d'eau froide; on fait de nouveau bouillir à part cette portion dans de l'eau de mer, puis on refroidit le vase. Après avoir renouvelé cette opération trois fois, on fait sécher la cire sur une claie de jonc, en plein air, à la lumière du soleil et à celle de la lune : la lune la blanchit, le soleil la sèche; et pour qu'il ne la liquéfie pas, on la protége avec une toile fine. On l'obtient aussi blanche que possible, si après l'insolation on la fait encore recuire. La cire punique est la meilleure pour les préparations médicinales. On rend noire la cire en y incorporant de la cendre de papyrus; rouge, en y incorporant de l'orcanette;
    [3] enfin, on lui donne toutes sortes de couleurs avec différents drogues, et l'on s'en est pour modeler, pour un nombre Infini d'usages, et même pour vernir les murailles et les armes. Nous avons, à propos des abeilles (XI, 6), donné les autres détails sur le miel et ces insectes; et maintenant ce qu'il y avait à dire sur les jardins est a peu près complet."

    extrait de : http://web2.bium.univ-paris5.fr/livanc/?p=58&cote=39197x02&do=page


    Aristote et Virgile parlent confusément de la propolis : le premier l'appelle "gomme résineuse", et le second, toujours plus poétique "gomme plus onctueuse que la glu et que la poix de l'Ida de Phrygie." l'assimile à un de ses éléments constituants, la cire, ce qui n'a rien d'étonnant car la propolis contient aussi environ 30 % de cire. Même confusion au ch. 40 du Livre IX, où on comprend cette fois aisément la métaphore de la propolis, que sont les "larmes" (lacrymis) des arbres (Virgile cite "la larme du narcisse") : une sorte de sève, précise l'auteur, qui a l'idée de son usage par les abeilles : construction de la base du nid (?, même bizarrerie chez Virgile) consolidation du nid et protection contre les ennemis. Aristote nous parle aussi du miellat, le comparant à une gomme exsudée de certains arbres. Nous verrons que, jusqu'il y a peu, les avis étaient partagés sur l'origine du miellat, végétal ou animal. Au 3e §, Aristote assimile la propolis à un résidu de la cire, en précisant ses vertus médicinales.

    C'est peut-être du miellat dont parlent confusément les auteurs grecs et Romains. Varron parle d'une matière, entre cire et propolis, nommée par les Grecs ἐριθάκη, êritâkè, l'erithace des Latins, que lui-même ou Pline distingue ensuite de la propolis (dans le texte, utilisé comme emplâtre par les médecins) et du miel, "nourriture des abeilles pendant qu'elles travaillent", en réserve dans les rayons, à la saveur amère, produit de la rosée de printemps et du suc gommeux des arbres et "abondante sur les noyers grecs (amandiers)", ajoute l'auteur, rappelant ses différentes dénominations : sandaracham, erithace, cerinthum (une confusion supplémentaire surgit si l'on songe à l'acception du même mot (kêrintos) par Aristote (§ cire pollen et propolis). Le même Aristote qui, au Livre VIII, ch. 24 de son Histoire des Animaux, dit que "la médecine connue sous le nom de sandarace [ou sandaraque, NDE] ou realgar, est extrêmement toxique pour les chevaux ou tout autre animal de trait". Le réalgar n'a rien avoir avec l'abeille, c'est un sulfure de l'arsenic (NDE). Pline rapporte que c'est une substance appliquée par les abeilles à certains endroits du nid...comme la propolis, qui sert à cimenter, boucher les trous de la ruche !

    Pline utilise un autre mot, melliginem (déclinaison de melligo, melliginis), bien identifié quant à lui comme désignant la propolis (propolin, propolis), gomme des vignes et des peupliers, auxquelles les abeilles ajoutent du suc des fleurs. Ce qui ne l'empêche pas de croire comme ses prédécesseurs que les abeilles fabriquent la ruche avec la propolis et la cire, Pline donnant même des précisions à ce propos, fournis par "les gens du métier" : une première couche de cire appelée commosis, au goût amer, une deuxième couche de cire, molle et poisseuse, appelée pissoceres et, entre ces deux couches, une de propolis. Varron parle de certaines fleurs (nous l'avons vu pour le miel) comme étant spécialisées dans la fourniture des produits de l'abeille. Columelle cite les plantes "qui fournissent en abondance la cire : chou sauvage, grand raifort, rapistrum (rapistre ? Rapistrum rugosum), chicorée sauvage, pavot noir, panais, Elles peuvent ainsi fournir un à plusieurs éléments : l’olivier ne fournit que la cire, le figuier, que du miel (assez médiocre, précise t-il), les fèves, la mélisse, la courge et le chou, contiennent deux produits : la nourriture et la cire, le pommier et le poirier sauvages, deux différents : le miel et la nourriture, le pavot, deux autres encore, cire et miel. Les plus complètes réunissent les trois éléments, comme l’amandier et le chou sauvage et il en est, précise Varron, qui proposent selon les périodes tel ou tel élément : Varron avait découvert les buffets campagnards gratuits pour abeilles !

    APICULTEUR ET APICULTURE

     

    ESOPE (vers - 620 à - 560), Fables


    [235] L'ÉLEVEUR D'ABEILLES Un homme, ayant pénétré chez un éleveur d'abeilles, en son absence, avait dérobé miel et rayons. A son retour, l'éleveur, voyant les ruches vides, s'arrêta à les examiner. Mais les abeilles, revenant de picorer et le trouvant là, le piquèrent de leurs aiguillons et le maltraitèrent terriblement. « Méchantes bêtes, leur dit-il, vous avez laissé partir impunément celui qui a volé vos rayons, et moi qui vous soigne, vous me frappez impitoyablement ! » Il arrive assez souvent ainsi que par ignorance on ne se méfie pas de ses ennemis, et qu'on repousse ses amis, les tenant pour suspects.

    extrait de : http://www.reptilis.org/symbole%20arthro/Grecs.htm


    Les anciens Grecs le nomment μελιττουργὸν, μελιττουργὸς : melittourgôn (Platon, La République, Livre VIII, 564c), melittourgôs (transcrit parfois melitturgus), mais aussi Μελισσευς (melisseus). Du côté des auteurs latins, Varron parle des meliturges et du mellarius, les premiers étant "les gens qui font le miel" et le second "celui qui est chargé du soin des ruches" (Varron, De Re rustica, Livre III, ch. 16). Le mellarius pouvait aussi être un marchand, un confiseur : rien de plus normal quand on sait que le sucre était encore inconnu et que tous les produits sucrés l'étaient grâce au miel. On trouvait des mellarius à Rome, sur la Voie Sacré. L'un d'eux était installé à la Porte Trigemina, au pied de l'Aventin (CIL* VI, 9618). Pline emploie le terme apiarius (Pline, Histoire Naturelle, XXI, 56).

    * CIL : "Le Corpus inscriptionum Latinarum (CIL) a été créé à l'initiative de Theodor Mommsen, grand historien de l'antiquité allemand (1817-1903), prix Nobel en 1902, pour recueillir les inscriptions latines découvertes. Le premier volume fut publié en 1863 et 70 volumes ont été publiés à ce jour, soit environ 180000 inscriptions au total.

    Dans les Lois (Livre VIII), Platon (vers - 427 à - 347) énumère trois catégories de travailleurs censées être réglementées par la législateur : laboureurs, pâtres et apiculteurs. Cela donne une idée du nombre important de gens qui devait s'occuper des ruches à cette époque :

    "Le législateur de notre État est en effet débarrassé en grande partie de celles qui regardent les armateurs, les négociants, les marchands au détail, les hôtelleries, les douanes, les milles, les prêts d'argent, les placements usuraires, et mille autres choses semblables dont il n'a pas à se soucier. Il se bornera à faire des lois pour les laboureurs, les pâtres, les apiculteurs, pour ceux qui gardent leurs produits ou qui fabriquent leurs outils, après qu'il aura réglé les objets les plus importants, les mariages, la génération, l'éducation et l'instruction des enfants, et l'institution des magistrats dans l'État. Il lui faut dès lors se tourner vers ceux qui travaillent à nourrir la cité et ceux qui les aident dans cette tâche, et régler leur activité."

    extrait de : http://remacle.org/bloodwolf/philosophes/platon/loislivre8.htm

    Varron préconise trois visites mensuelles au rucher pour que le mellarius y effectue ses soins : fumigation, (dont Aristote dit qu'elle stresse les abeilles (Livre IX, ch. 40)), nettoyage de saletés, de vers (Hyginus aussi, selon Columelle). Il faut s'assurer que les abeilles disposent toujours de nourriture, car elles ne peuvent pas toujours butiner. Plusieurs solutions sont possibles : faire bouillir dix livres de figues (voir livre romaine, plus haut) dans six conges (congii) * d'eau, qui fournissent une pâte dont on fait de petits gâteaux placés près des ruches ; des petits vases d'eau emmiellée, à la surface de laquelle on pose un petit morceau de laine très propre qui s'imbibera et sur lequel les abeilles pourront se poser pour se restaurer sans risque de noyade ; des petits pâtés de raisins secs et de figues, broyés et mélangés à un résidu de vin (2/3 après cuisson), peuvent être disposés près des ruches et trouvé par les abeilles sur leur passage. En plus du miel, des raisins secs et du vin (aussi Columelle), Virgile parle aussi de noix de galle pilée, de roses séchées, de thym de Cécrops, de la centaurée ou de l'amelle ? (amelli, sing. amellus, voir plus bas), dont il dit de cuire les racines dans du vin et des aromates, avant de placer le produit obtenu aux portes des ruches. Columelle cite diverses nourritures pour des abeilles mal en point : pépins de grenade écrasés au vin Aminéen, nard syriaque (rore Syriaco : citronnelle ou verveine des Indes, cymbopogon citratus), romarin miellé, voire urine de boeuf ou d'homme (dixit Hyginus, selon Columelle), ou encore du galbanum (gomme résineuse issue d'une apiacée, la Ferula galbaniflua) , qu'on brûle pour faire respirer aux abeilles le parfum médicamenteux, la racine d'amelle (les fleurs jaunes décrites par Virgile faisait écarter l'aster amelle (aster amellus), mais les fleurs "pourpres" de Columelle y font songer.

    * "CONGE : s. m. (Hist. anc. & Pharm.) en Latin congius; sorte de mesure des anciens, qu'on croit être la même que le chus ou le choa Attique, qui contenoit neuf livres d'huile, dix livres de vin, & treize livres & demie de miel, selon Galien. Castel, lexic. (en réalité, 1 congius = 3.283 litres, NDE)
    Les Littérateurs ont distingué le conge Romain du conge Attique, & ils ne sont point d'accord sur la capacité respective de chacune de ces mesures. Rieger, introduct.
    Le galon (gallon, NDE) des Anglois, qu'ils appellent congius en Latin, qui est une mesure fort en usage chez leurs apothicairés, & dont il est souvent question dans l'ancienne pharmacopée de Londres & dans celle d'Edimbourg, contient huit livres d'eau, ou quatre pintes de Paris. (b)

    article de l'ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS de Diderot et d'Alembert.

    extrait de : http://portail.atilf.fr/encyclopedie/

    On enlève le miel, dit Varron, quand les ruches sont pleines, ce dont les abeilles nous avertissent, affirme t-il, en se trémoussant en entrant et en sortant ou en ouvrant le couvercle : on y verra les cellules couvertes d'une pellicule de miel. Il y a trois récoltes de miel, précise Varron (même chose pour Pline, mais deux pour Virgile, au lever et au coucher des Pléiades) : on enlève les rayons (favos, sing. favus) une première fois avant le lever des Pléiades (on n'hésite pas à tailler au couteau les gâteaux de miel : au matin, conseille Columelle). Pline donne le nom d'anthinum à ce miel de printemps (du grec άνθινός, anthinos, "préparé avec des fleurs" (anthos). Une seconde récolte a lieu à la fin de l'été au lever d'Arcturus (du grec Arktouros, "le gardien de l'ours", en raison de sa proximité avec la Grande Ourse), a du Bouvier (alpha Bootis), l'étoile la plus brillante de l'hémisphère Nord, dans la constellation du Bouvier (Bootes, en latin). Pline nomme le miel d'été horaeon (de hora, saison), rouge car "produit dans des journées plus sèches", dont le plus estimé est l'acetum, un miel gras de pleine lune, qui goutte comme l'huile. A son sujet, Pline ne tarit pas d'éloges : "La nature a révélé dans cette substance aux mortels des propriétés merveilleuses". A certains moments, "ce ne sont plus des miels, ce sont des médicaments qui se produisent ; dons célestes pour les yeux, les plaies et les viscères intérieurs". Une troisième récolte, poursuit Varron, a lieu au coucher de Pléiades. L'auteur sous-entend le lever dit apparent ou héliaque des astres, où on voit l'astre apparaître à l'est au-dessus de l'horizon. A l'époque de Varron, et pour cette constellation, le lever se situait environ au 14 mai, le coucher à peu près au 3 novembre.

    Pour extraire le miel, dit Columelle, on suspend en un lieu obscur un panier de saule (ou d'osier), on y met les rayons brisés en ayant pris soin d'ôter couvain ou liqueur rougeâtre (gelée royale séchée ?). Le miel coule dans un vase et sera versé dans des vases en terre cuite où on l'y laissera quelques jours, avant de l'écumer à la cuiller, presser les rayons vidés du meilleur miel, et ne conservant un miel de seconde qualité.

    Puis vint le traitement de la cire. On lave les gâteaux de cire à l'eau douce, on les jette dans un vase d'airain avec de l'eau pour les faire fondre. On verse la cire chaude sur de la paille ou du jonc, qui subit une nouvelle cuisson, avant de couler le produit dans des moules, auxquels elle n'adhérera pas grâce à l'eau.

    Dès le premier coucher des Pléiades, dit Columelle, on visitera les ruches, en ôtera les ordures, fera tous les soins possibles, car il ne conviendra pas d'ouvrir ni de remuer les ruches de tout l'hiver. On fera cela par une belle journée de fin d'automne, descendant les couvercles des ruches jusque sur les rayons pour conserver la chaleur aux cellules, bouchant tous les trous (sauf ceux pour le passage des abeilles) avec un mélange de boue et de bouse. Columelle cite des gens qui mettent dans les ruches des oiseaux débarrassés de leurs entrailles, pour que les abeilles se réchauffent sous leurs plumes. L'auteur va jusqu'à prétendre qu'affamées, elles se nourrissent de la chair de l'oiseau (billevesées !)

       
      "Commence la moisson quand les Pléiades, filles d'Atlas, se lèvent dans les cieux, et le labourage quand elles disparaissent ; elles demeurent cachées quarante jours et quarante nuits, et se montrent de nouveau lorsque l'année est révolue, à l'époque où s'aiguise le tranchant du fer."

      Hésiode, Les Travaux et les Jours, 383-384

      traduction d'E. Bergougnan, éditions Garnier, 1940.


    Varron rapporte que certaines personnes conseillent de laisser un dixième de la récolte de miel dans la ruche (les bons éleveurs laissent 1/12e, dit Pline), d'autres plus encore (1/5 pour Columelle, 2/3 à la deuxième). Dans tous les cas, affirme t-il, laisser de temps en temps la plus grande partie, voire la totalité du miel aux abeilles, permet d'accroître leur rendement et la dernière récolte ne doit pas être plus du tiers du miel de la ruche (pareil pour Pline), à défaut de quoi les abeilles n'auraient pas de provisions d'hiver (A moitié faux, nous l'avons vu). Columelle insiste quant à lui sur des visites fréquentes aux ruches, qui calme les abeilles. Sans attention, dit-il, "la peuplade d'une ruche" s'éteint en dix ans, qu'on peut prolonger si on remplace chaque année les abeilles qui ont péri par de jeunes abeilles.

    Quand l'apiculteur doit toucher les rayons, prévient Columelle, il doit "s'abstenir la veille de tout acte vénérien, de ne pas approcher de la ruche étant ivre et sans s'être lavé, (aussi Pline et Palladius) et de rejeter presque tous les aliments à odeur forte, tels que les salaisons et les jus qui en proviennent, et de ne pas exhaler l'odeur âcre et fétide de l'ail, des oignons et des autres substances de ce genre." Pline ajoute qu'elles haïssent les voleurs et les femmes pendant leurs menstruations. Notre auteur demande aussi de laver à l'eau les parties libres des rayons, à défaut de quoi on peut, si les endroits sont inaccessibles, les nettoyer avec une plume d'aigle ou de grand oiseau.

     
    Stéphane Gsell, 1864 - 1932, archéologue et historien d'Afrique du Nord
    CHRONIQUE ARCHÉOLOGIQUE AFRICAINE. 109

    La lex Manciana resta strictement applicable à ce fundus : aussi, dans la copie délivrée par les agents du prince, ne jugea-t-on pas opportun d'en modifier les termes.
    Examinons brièvement les dispositions de la loi Manciana que l'inscription d'Henchir Mettich nous fait connaître....
    Vient ensuite une disposition relative à ceux qui exploitent dans le domaine des villae dominicae, des métairies construites par les propriétaires. Ils devront livrer aux propriétaires ou à leurs représentants un tiers de la récolte de blé et d'orge, un quart ou un cinquième de la récolte -de fèves, un tiers de la vendange, un tiers de la récolte d'huile, un setier de miel par ruche (selon Toutain) ou par vase (selon Schulten): celui qui aura plus de cinq ruches devra donner une part qui semble être plus forte (le texte est mutilé). Ces produits seront remis en état d'être consommés au sortir de l'aire, de la cuve, du pressoir. Une mesure spéciale vise des fraudes possibles dans l'apiculture, fraudes qui auraient pour but de frustrer les propriétaires de leur part.


     Les débuts du christianisme
     
        Baptistère de Kélibia (Tunisie), VIe siècle
      Musée du Bardo
      Ce baptistère est lié au culte des chrétiens donatistes. Remarquez l'abeille, dans le lobe inférieur du quadrifolium que dessine la cuve baptismale (voir texte plus bas).
     

    Passée cette courte période de regain de culture, la religion chrétienne étendra très vite son emprise sur toute la culture occidentale et passera tous les sujets d'érudition au crible de la foi, ce qui laissera peu de place à l'étude du monde vivant, basée sur l'observation et l'expérience. Avant d'examiner ce symbolisme nouveau ou revisité de l'abeille, on peut faire un tour de L'ABEILLE, LE MIEL, LA CIRE DANS LA BIBLE, "l'Ecriture Sainte", le texte sacré des chrétiens sur laquelle les Pères de l'Eglise ne pourront pas beaucoup s'appuyer pour étayer leurs théories célestes sur les abeilles, à la différence des Grecs.

    L'oeuvre la plus significative, peut-être, de cette "acculturation chrétienne" est celle du Physiologus ( Physiologa, Physiologue), oeuvre anonyme rédigée entre 200 et 300, sorte de manuel de catéchisme en forme de bestiaire christique, ou tous les animaux (mais aussi pierres et plantes) sont autant de reflets des vérités évangéliques. Parmi elles, l'abeille représente "un symbole* du Christ-roi qui concède aux justes «la récompense du miel avec la douceur éternelle et aux damnés le châtiment de son dard acéré».

    * SYMBOLE : Pierre de Capoue († vers 1204), cardinal-diacre (1193) pui cardinal prêtre (1200), légat de la quatrième croisade, faisait de son Sauveur ressuscité et élevé au ciel une "apis ætherea", une abeille éthérée, de l'éther (aether, aetheris : dans l'air, élevé), mais aussi un lion et un aigle.

    Le Christ est assimilé à une multitude d’animaux, parfois partagés avec d’autres figures historiques ou spirituelles : aux animaux ‘physiologiques’ (charadrios, pélican, nucticorax, phénix, panthère, unicorne, tourterelle, cerf, colombe, bouquetin, éléphant, abeille, cigogne)." Le christianisme gallois, dans un texte juridique, rappelle que : "la noblesse des abeilles vient du paradis et c'est à cause du péché de l'homme qu'elles vinrent de là ; Dieu répandit sa grâce sur elles et c'est à cause de cela qu'on ne peut chanter la messe sans la cire". Il n'a pas fallu vraisemblablement peiner à convaincre les Celtes du caractère sacré de l'abeille, nous le verrons par la suite.

    Le Protreptique de Clément d'Alexandrie (env. 140 - 220), va dans le même sens :"Car si le mal se repaît de la perte des hommes, la vérité, comme l’abeille qui ne souille rien de ce qui existe, ne se félicite que de leur salut."

    Basile de Césarée (329 - 379), comme son contemporain Grégoire de Nysse (vers 335 - 395), opèrent de nouvelles greffes à partir de leur culture grecque : c'est l'utilisation chrétienne (χρῆσις, chrêsis) de ce savoir profane, particulièrement en vue d'instruire leurs ouailles ou leurs disciples, que Basile effectue dans ses homélies sur le travail des abeilles, mais on s'apercevra que le théologien est encore bien pétri de cette culture profane (qui ira de siècles en siècles en s'étiolant), allant jusqu'à différencier les insectes par le caractère segmentaire de leur corps et leur appareil respiratoire particulier :

    "Le roi a un aiguillon ; mais il ne s'en sert pas pour satisfaire sa vengeance. C'est connue une loi de la nature, une loi non écrite , que plus on est élevé à une grande puissance, moins on est prompt à se venger. Les abeilles qui n'imitent point l'exemple du roi sont punies sur-le-champ de leur témérité, puisqu'elles meurent en lançant leur aiguillon. Que les chrétiens soient attentifs, eux à qui il est ordonné de ne point rendre le mut pour le mal , mais de vaincre le mal par le bien ( Rom. 12. 17 et 21. ). Imitez le caractère propre de l'abeille, qui forme ses rayons sans nuire à personne et sans piller le bien d'autrui. Elle recueille ouvertement la cire sur les fleurs ; et pompant avec sa trompe le miel qui est répandu sur ces mêmes lieurs comme une douce rosée, elle le dépose dans le creux des rayons. Ce miel est d'abord liquide ; mais se formant avec le temps, il prend enfin la consistance et la douceur qui lui sont propres. Le livre des Proverbes donne à l'abeille la plus belle et la plus convenable des louanges, en l'appelant habile et laborieuse (Prov. 6. 8. ). Autant elle annonce d'activité en ramassant de toutes parts sa nourriture, activité dont les princes et les particuliers recueillent les fruits salutaires ; autant elles montrent d'art pour façonner et disposer les cellules de son miel. Ces cellules, multipliées et contiguës les unes aux autres, sont faites d'une cire étendue en membrane déliée. Elles sont faibles par elles-mêmes ; mais liées ensemble, elles se soutiennent mutuellement. Chacune tient à une autre par un petit mur mitoyen qui l'unit à elle et qui l'en sépare. Placées les unes au-dessus des autres, elles forment plusieurs étages. Ce petit animal se donne bien de garde de ne construire qu'un seul magasin dans tout l’espace de peur que la liqueur précieuse ne le rompe par son poids et ne se répande au-dehors. Voyez comment les inventions géométriques ne sont que la copie du travail de l’industrieuse abeille. Les cellules des rayons, toutes exagones et a côtes égaux, ne portent pas les unes sur les autres en ligne droite, parce qu'alors les côtés non soutenus se trouveraient fatigués ; mais les angles des exagones inférieurs sont le fondement et la base des exagones supérieurs ; ils les aident à supporter le poids qui est au-dessus d'eux, et à garder le trésor liquide contenu dans leur enceinte."

    "Mais il semble que je suis plus loin de pouvoir expliquer par mes discours toutes les merveilles des volatiles, que de pouvoir, par mes pieds, atteindre à leur légèreté naturelle. Lorsque vous voyez les volatiles appelées insectes, telles que les abeilles et les guêpes. et qui sont ainsi nommées parce qu’elles offrent des cercles ou anneaux qui semblent les couper en plusieurs parties , songez qu'elles n’ont ni respiration, ni poumon ; mais qu'elles vivent de l’air par toutes les parties de leur corps. Aussi , quand elles sont humectées d’huile, elles tombent presque mortes , parce que leurs pores sont fermés. Si on les arrose sur-le-champ de vinaigre, elles revivent , parce que leurs pores se rouvrent. Dieu n'a rien fait de Superflu, et il a donné à chaque animal ce qui lui est nécessaire."

    extraits de la 8eHOMELIE SUR LES OISEAUX, sur :
    http://www.jesusmarie.com/basile_de_cesaree_homelies_sur_l_hexaemeron.html

    "Dans les fleurs, on se contente d'en regarder la couleur et d'en respirer l'odeur ; mais les abeilles en expriment. un suc dont elles composent leur miel. C'est ainsi que ceux qui, dans leurs lectures, ne se proposent pas l'agrément et le plaisir, en tirent des maximes utiles qu'ils déposent dans leur esprit. Et, afin de suivre la comparaison des abeilles, nous devons imiter en tout leur exemple. Sans s'arrêter indifféremment à toutes les fleurs, sans entreprendre de tirer tout le suc de celles sur lesquelles elles reposent, elles n'en prennent que ce qui est utile pour leur travail et laissent le reste. Nous de même, si nous sommes sages, après avoir pris dans les livres ce qui est propre et conforme à la vérité, nous passerons ce qui ne conduit pas à ce terme. Et comme en cueillant les roses nous évitons les épines, ainsi en lisant les livres profanes, nous recueillerons ce qu'ils ont de bon, avec autant de soin que nous éviterons ce qui serait capable de nuire. Nous devons donc examiner, avant tout, les sciences que nous voulons étudier, et les diriger à une fin convenable."
    tiré du DISCOURS ADRESSÉ AUX JEUNES GENS, SUR L'UTILITÉ QU'ILS PEUVENT RETIRER DE LA LECTURE DES LIVRES PROFANES.

    "C'est que je vois aujourd'hui pour la première fois le peuple du Seigneur accourir vers les fleurs célestes, vers les martyrs, je me le suis demandé à moi-même : Qui est-ce qui est son chef qui est-ce qui a excité [tous ces ? NDE] nombreux essaims qui est-ce qui a changé un hiver sombre en un printemps agréable C'est aujourd'hui pour la première fois que le peuple, abandonnant ses maisons comme les abeilles quittent leurs ruelles, vient visiter en foule l'ornement du faubourg, cette lice auguste et brillante des martyrs. Puis donc que la merveille d'un martyr nous a appelés nous-mêmes en nous faisant oublier notre faiblesse, élevons la voix autant qu'il est en nous, et faisons entendre, pour ainsi dire , un doux murmure autour de la fleur des actions d'un homme généreux. Ce sera une action pleine de piété, et satisfaisante pour les chrétiens ici présents. "
    tiré du PANÉGYRIQUE DU MARTYR GORDIUS.

    "Les actions et les manières de vivre forment , comme nous l'avons dit, une infinité de différences. Quelques-uns de ces animaux ont un véritable gouvernement, puisque le caractère propre d'une administration est que tous les individus réunissent leurs forces pour un intérêt commun. C'est ce qu'on voit dans les abeilles. Leur habitation est commune, elles sortent en commun pour le même objet ; l'occupation de toutes est la même ; et ce qu'il y a de principal, c'est que travaillant sous un roi et sous un chef, elles n'osent point partir pour les prés avant qu'elles voient le roi leur en donner"

    extraits de http://www.jesusmarie.com/basile_de_cesaree_homelies_choisies.html

    Si Grégoire de Nysse, dans la Création de l'Homme, accorde comme Basile que Dieu a donné son dard à l'abeille pour se défendre, sa 9e homélie sur le Cantique des Cantiques ne fait pas de doute sur la chrêsis que nous avons évoquée :
    "Il convient de voler au-dessus de la prairie des paroles inspirées par Dieu, de cueillir en chacune un élément propre à l’acquisition de la sagesse, de façonner en soi des cellules de cire, en déposant dans son cœur, comme dans une ruche, cet amour du travail. Il faut aussi créer dans sa mémoire des compartiments bien séparés pour les enseignements divins, comme des alvéoles dans de la cire, et, ainsi, à l’imitation de cette sage abeille dont la cire est agréable et le dard inoffensif, poursuivre sans cesse ce saint commerce des vertus."
    extrait de : http://www.gregoiredenysse.com/html/contributions/cerfabeille.htm#n1

    Mais cette récupération chrétienne des allégories apicoles n'empêche pas, encore, de ci, de là, les poètes les plus coquins font encore entendre leur voix (plus pour longtemps) :


     
    "XII, 249

    Straton, À l'abeille

    Toi qui es née du taureau, toi l'abeille,

    Pourquoi viens-tu lorgner du côté de mon miel,

    Ce garçon à la fraîcheur cristalline ?

    Oui, quand cesseras-tu de bourdonner

    Et de poser sur une peau si fine

    Tes pattes qui ne font que butiner.

    Va fabriquer ton miel dans tes vrais horizons,

    Avant que, tôt ou tard,

    Je ne vienne piquer ; car j'ai aussi mon dard :

    L'amoureux aiguillon."

    Straton de Sardes, IIe siècle, La Muse garçonnière
    Anthologie Palatine, vers 980

    extrait de : http://bcs.fltr.ucl.ac.be/antho/xii/epigrammes%28200-258%29.htm


     1

    2

     3

     1. Jacobus (Jacob) de Voragine, Legenda aurea (traduction de Jean de Vignay)
    Saint Ambroise et les abeilles
    France, Paris, XIVe siècle, Richard de Montbaston
    Bibliothèque Nationale de France (BNF)
    Cote : Français 241 , Fol. 98
    2. Masolino da Panicale (1383- 1440), fresque de l'église Saint Clément (San Clemente) de Rome, Chapelle Sainte Catherine (Capella di Santa Caterina), Saint Ambroise, bébé, est visité par un essaim d'abeilles qui est posé ici sur son drap.
    3. Maître-autel du choeur de la basilique Saint Ambroise (Basilica di Sant'Ambrogio) de Milan, détail, Saint Ambroise nourri par les abeilles.
    "Le maître-autel est recouvert d’un « paliotto », une splendide pièce d’orfèvrerie carolingienne
    (835) dont le nom de l’auteur nous est connu par une inscription : il s’agit de Volvinio (Vuolvinius), un maître fidèle à la tradition antique des images. Les quatre côtés sont recouverts de feuilles d’or et d’argent incrustées d’émaux, de camées et de pierres précieuses, où figurent des scènes de l’évangile et de la vie de saint Ambroise. Au centre, Christ en gloire dans une mandorle."

    extrait de : http://c-marca.com/Documents/CompteRendu%20MILAN.pdf


    Saint Ambroise de Milan (340-397) est devenu le patron des apiculteurs, la légende le lie aux abeilles dès son berceau : " Saint Ambroise était fils d'un préfet de Rome nommé Ambroise. Pendant qu'il dormait dans son berceau, un essaim d'abeilles descendit sur lui, et les abeilles entraient dans sa bouche comme dans une ruche; après quoi elles s'envolèrent si haut que l'œil humain les perdait de vue. Alors le père de l'enfant s'écria: «Cet enfant, s'il vit, deviendra quelque chose de grand!»" Légende dorée (Legenda aurea) de Jacques de Voragine (Jacobus da Varagine, vers 1228 - 1298), d'après la Vita Ambrosius (Vie de saint Ambroise) de Paulin (Paulinus).

     

     Statue de saint Ambroise avec un de ses attributs représenté assez tardivement, la ruche, posée à sa droite.

    Haguenau, église Saint-Georges
    vers 1500

    On reconnaîtra là la signature divine appliquée à Platon et au poète Pindare (vers 520 - 438), dont il a déjà été question, et qui sera reprise pour d'autres saints, comme sainte Rita. "

    Saint Augustin (354-430) véhicule aussi les vieilles idées de la naissance incorruptible des abeilles et de leur caractère asexué : "Il existe en effet certains animaux qui s’engendrent de corruption et qui ne laissent pas ensuite de s’accoupler, comme les mouches; il en est d’autres en qui l’on ne remarque aucune différence de sexe, comme les abeilles." (Cité de Dieu, Livre XV, chapitre 27). extrait de : http://www.jesusmarie.com/augustin_cite_de_dieu_livre_15.html

    sources :

    C'est au plus tard à partir du quatrième siècle qu'aurait été introduit le symbolisme de l'abeille dans la liturgie chrétienne, rappelant à la fois la cire, avec laquelle est élaboré le cierge pascal, et le miel, versé dans la coupe eucharistique du nouveau baptisé. Cette tradition est attribuée au pape Zosime (Zozime, saint pape en 417/418). Il nous en reste un beau témoignage antique, celui du baptistère de Kélibia : voir illustration en exergue, mais aussi au moyen-âge (voir ABEILLE -APICULTURE - LE MOYEN-AGE). A Pâques, donc, les fidèles entonnaient un hymne solennel lors de la grande prière des Vigiles, où on bénissait la bougie pascale, c'était la bénédiction de la bougie (caerei de Benedictio).

    Sources :

    - http://www.st-ambroise.be/Organisation/Presentation/saint-ambroise.htm (saint ambroise)
    - http://gallica.bnf.fr/imagette?L=08100138&I=000057 (enluminure saint ambroise)
    - http://www.archeographe.net/article_texte.php3?id_article=118 (statue saint ambroise)
    - http://www.aeria.phil.uni-erlangen.de/photo_html/portraet/griechisch/geschichtsschreiber/
    xenophon/xenoph1.html (buste de xénophon)
    - http://dagr.univ-tlse2.fr/sdx/dagr/images/t3_p2_jpg_hq/t3_p2_dagr_page_832_image_0001.jpg (dictionnaire de Daremberg et Saglio, article "Melissai")
    - http://www.musees-bourgogne.org/fic_bdd/dossiers_fichier_pdf/1167309052.PDF (ruche)
    - extrait de : http://www.erudit.org/revue/ltp/2002/v58/n3/000636ar.html
    - http://www.globalegyptianmuseum.org/record.aspx?id=14708 (xenophon)
    - http://remacle.org/bloodwolf/philosophes/platon/rep8.htm (platon, la republique)
    - http://sphakia.classics.ox.ac.uk/beeconf/francis.html (ruches gréco-romaines)
    - http://remacle.org/bloodwolf/erudits/varron/agriculture3.htm
    - http://www.sito.regione.campania.it/agricoltura/pubblicazioni/pdf/apicoltura.pdf (ruches hymette)
    - http://www.sito.regione.campania.it/agricoltura/pubblicazioni/pdf/apicoltura.pdf (ruches trachones et vari)
    - http://www.tunisie.com/mosaiques/mosaic16.html (cuve baptismale kelibia)
    - http://www.cartantica.it/pages/Apiesanti.asp (saint ambroise - fresque, autel volvinio)
    - http://www.afaverre.fr/pdf/159-163.pdf (pierre spéculaire)
    - http://www.megalithic.co.uk/modules.php?op=modload&name=a312&file=index&do=showpic&gid
    =32&pid=6541&orderby=dateD (xemxija)
    - http://flickr.com/photos/goldtoblue/425677361/in/set-72157600007335039 (Cappadoce)
    - http://museoprehistoria.demini.com/ficha_vitrinas.html?cnt_id=1221 (liria)


            -----