ENCYCLOPEDIE -DE--LA--LANGUE -FRANCAISE
Carte des premiers monastères chrétiens d'Egypte (IVe - VIIe)

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Origines :

La Haute Egypte


Au moment où s'installent les premières communautés monastiques d'Egypte en Nitrie, déjà examinées, d'autres se forment près des rives du Nil, en Haute-Egypte. Les premiers témoignages connus sont ceux de saint Pachôme (ou Pacôme, Pachomius en latin) qui fonde un monastère à Tabennesi (Tabenne, Tabenna) vers 324, sur une île du Nil, puis un autre à Pabau (Phbow, Phbou) plus en aval, vers 329. Cette fois, il ne s'agit plus d'une laure, mais d'un établissement vraiment cénobitique. Le monastère de Tabenne est dirigé par un abbé à l'autorité absolue, une règle (celle de Pacôme, une des toutes premières du monachisme chrétien), mais aussi des bâtiments adaptés à la vie religieuse commune. Saint Jérôme* (342-420), qui écrira la vie de Pachôme, poussera les hommes à quitter les villes, détestables en cela qu'elles sont "le lion rugissant du mal, embusqué pour dévorer les innocents".

* Saint Jérôme

"Né d’une famille riche, Jérôme se rend à Rome vers douze ans et se passionne pour la littérature classique, l’oeuvre de Virgile en particulier. Il a pour maître le grammairien Donat. Baptisé en 365, il séjourne à Aquilée, où il approfondit ses connaissances en théologie.
Vers 373, à la suite d’une brouille avec sa famille, il décide d’aller vivre en ermite au désert de Chalcis en Syrie. Il apprend l’hébreu, renonce aux lettres profanes, se consacre à l’exégèse et se fait ordonner prêtre. Il commence à cette époque à traduire les livres saints.
En 382, il est de retour à Rome et chargé par le pape Damase d’établir un texte officiel de l’ancienne version latine de la Bible.
Mais son rigorisme, sa défense de la vie monastique et son dégoût du christianisme mondain suscitent contre lui une vive opposition et il quitte Rome pour se fixer en Palestine.
Il passe les trente dernières années de sa vie, dans un monastère. Cette période est marquée par une intense activité intellectuelle (traduction latine de la Bible, commentaires sur l’Ancien et le Nouveau Testament).
Passionné, de nature violente et intraitable, c’est par la perfection toute classique de son style et par l’ampleur de sa science profane et sacrée qu’il étonne ses contemporains. Sa traduction de la Bible prend au XIIIe siècle le nom de Vulgate et est déclarée canonique par le Concile de Trente (1545-1563).


texte extrait de la page web:
http://classes.bnf.fr/dossitsm/b-jerome.htm
 

 
Le couvent de Tabenne était constitué d'environ 1.600 cellules séparées et disposées en ligne, comme un campement, où les moines dormaient et exécutaient certaines de leurs tâches manuelles. A cette fin, ils logeaient dans des bâtiments par catégorie de métiers d'origine (une quarantaine environ par bâtiment). Une enceinte protégeait le domaine du monastère, qui lui donnait l'aspect d'un village muré. Ce rempart sera une constante dans la construction des abbayes, toute époque confondue : on se coupait et se protégeait à la fois du monde charnel, pour faciliter la communication avec le monde spirituel, et plus prosaïquement des brigands, qui seront très longtemps une pesante menace, que ce soit pour les sédentaires ou les voyageurs, d'ailleurs. Profitons-en pour rappeler que les moines celtes, qui n'étaient pas astreints à la clôture, étaient souvent sur les chemins, et un certain nombre d'entre eux ont perdu ainsi tragiquement la vie, qui ne manquaient pas d'occasions d'être volée en ces périodes troublées.
 

Il y avait de grandes salles pour leurs besoins communs, comme l'église, le réfectoire, la cuisine, ainsi qu'une infirmerie, une hôtellerie, une bibliothèque, etc... La communauté, ici d'hommes, est coupée du monde pour une totale consécration à Dieu. Les bâtiments, l'organisation, étaient donc conçus pour la plus grande autonomie de cette communauté, qui était soumise à la règle de Pacôme. Sans s'appeler abbaye, cette communauté l'était déjà tout à fait, elle qui vivait dans l'observance d'une règle, sous l'entière autorité d'un abbé, au sein de laquelle le partage des biens était intégral, chacun abandonnant ses biens au monastère, et ne gardant en propre que ce que la règle avait prévu. Différentes maisons du monastère regroupaient les frères selon leur métier, assurant tour à tour les services communs. C'est le premier exemple qui nous a été rapporté des charges communautaires, qui officieront dans les abbayes : économe, portier, contremaître, infirmier, cuisinier, boulanger, etc...
 

 

Manuscrit en sahidique des livres de Jonas et de la première épître de Pierre. C'est le plus vieux manuscrit connue de livres entiers de la Bible.

L'oeuvre provient d'Alexandrie au IIIe s, puis a appartenu à un monastère d'obédience pachomienne, Faw Qibli, près de Dishna, en Haute-Egypte (voir carte), du IVe au VIIe s, époque de la conquête islamique, où il fut dissimulé dans une jarre et enfouie dans le sable, jusqu'à sa découverte, en 1952.


Au nord de Tabenne, remontant le Nil, on trouve les villes de Sohag (Sohâg) et d'Akhmim, près desquelles Apa Pjol (Bgoul, Pigol) fonde le Couvent Blanc, dont son neveu, Chenouté d'Atripé (Shenouda, Schenoudi, Chenouti, Sinouthios) prendra la succession à la tête du couvent. Par ailleurs, Chenouté fonde, vers 440, Deir-el-Abiad ( Deir : couvent, monastère), appelé aussi le Couvent Rouge, tout près du précédent.

Après la grande boucle du Nil, on trouve la fameuse Vallée des Rois, investie par les chrétiens, trop heureux d'y trouver des matériaux en abondance, qui leur sont offert par de nombreux vestiges de la splendeur pharaonique, pour bâtir leurs monastères, leurs églises.

Thèbes (auj. Louxor) Plan des Vallées des Rois et des Reines avec occupation chrétienne

Ainsi, à Louxor (ancienne Thèbes) Deir-el-Medina (Le monastère en ville) était un ancien temple dédié à Hathor, fondé par Ramsès II, puis complexifié par Ptolémée IV Philopator (222-205) en trois sanctuaires (Amon-Rê-Osiris, Hathor, Amon-Sokar-Osiris). De même, le célèbre temple de la reine Hatchepsout à Deir-el-Bahri fut occupée par les moines Coptes en sa plus haute terrasse : ce fut le monastère du Nord ou monastère de Pa Phoibammon (Phoebammon, Deir Abi Fam). On trouve, un peu partout dans ces nécropoles royales, des traces d'occupations chrétiennes, spécialement marquées par de très nombreux graffitis (Ramesseum, en particulier) :

Thèbes (auj. Louxor), tombe de Ramsès IV, aux nombreux graffitis chrétiens signés Apa Paul, Apa Antoine, Apa Pachome, Apa Palemon, Apa Petronius, Apa Théodore et Apa Horsiese

 
"Bien plus, au Sud, notons encore deux laures à proximité d’Hermonthis-Armant et, sur Latopolis-Esna, la laure aux 15 riches cellules souterraines fouillées par l’IFAO du Caire. La ville voisine favorise, en l’alimentant de crues et en offrandes abondantes, l’installation des moines au désert."

texte de Marguerite Rassart-Debregh (Archéologue. Membre de la MSAC, Président sortant de l'Ass. francophone de Coptologie) extrait de la page web :
http://www.coptic.org/music/kellia.htm
 

A l'extrême sud, près de Syène (auj. Assouan, Aswan) les vestiges du couvent Saint-Siméon (Deir Anba Sim'anà, VIe s.) rappellent que des communautés se réclamant du saint se sont implantées là très tôt, Siméon ayant été fait évêque de Syène par le patriarche Théophile (Theophilus) entre 385 et 412.

Nous terminerons ce petit tour des origines monastiques chrétiennes en Egypte par la mention du Sinaï, où des communautés se seraient installées très tôt. Le monastère Sainte-Catherine, au pied du mont Moïse, en est l'exemple le plus célèbre. Il a été probablement fondé par Justinien, entre 527 et 565, en un lieu où des communautés se seraient sans doute succédé depuis le IIIe siècle. Dès le IIe siècle en tout cas, est attesté le monastère de l'oasis de Wadi Feiran (Pharan, Firan, Faran), la Rephidim de la Bible, où Josué, soutenu par Moïse et Aaron, battit les Amalécites (Amalékites). Le couvent, toujours en activité, est appelé tour à tour monastère de Moïse, monastère de Feiran (Deir el-Feiran), le monastère des sept soeurs, le monastère des sept nonnes, ou encore Dir (Deir) Za'ir :


 Feiran, couvent actuel  

 

Carte du Sinaï actuel (en anglais) avec mention des monastères coptes toujours en activité.

 
Feiran, site archéologique du monastère primitif
   

 

Sources :

- http://www.lib.utexas.edu/maps/egypt.html (carte du Sinaï)
- http://www.touregypt.net/featurestories/bawit.htm (Baouit)
- http://touregypt.net/featurestories/thebescoptic.htm
- http://www.touregypt.net/featurestories/westbanktemples3.htm

 
 
 

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