FRANCIA (Francesco Raibolini,
dit), orfèvre et peintre italien, né à Bologne
en 1450,
mort à Bologne le 5 janvier 1517. L'artiste qui a illustré
le surnom de Francia est sorti de l'atelier d'un orfèvre
et il semble être resté fier de cette origine puisqu'il
n'abandonna jamais complètement sa première profession
et qu'il prit plaisir à ajouter le mot aurifex
ou aurifaber à la signature qu'il apposait sur
ses tableaux. Le nom de son maître n'est connu par aucun
document authentique mais on a quelque raison de croire qu'il
étudia la peinture sous la discipline du Ferrarais Lorenzo
Costa qui, dès 1488, travaillait pour G. Bentivoglio,
seigneur de Bologne. Costa était un peu plus jeune que
Francia, et ce n'est pas dans les premières années
qui suivirent son arrivée à Bologne qu'il a pu
exercer une influence sérieuse sur celui qui devint plus
tard son élève. Du reste, Francia hésita
longtemps à apprendre un nouveau métier. Toute
sa jeunesse appartint à l'orfèvrerie qu'il pratiquait
avec honneur et qui suffisait à son ambition. Affilié
à la puissante corporation des orfèvres dont il
fut plusieurs fois le chef (notamment en 1483 et en 1489), il
faisait, à l'exemple de ses confrères, des nielles
comme les deux Paix que conserve la Pinacothèque
de Bologne, et, au besoin, des médailles. Bentivoglio
le nomma maître de la Monnaie, fonction qu'il exerça
jusqu' à la fin de sa vie. Il grava encore des caractères
pour le célèbre imprimeur vénitien Aldo Manuce, et peu de temps avant sa mort il
fut lui-même imprimeur sous le nom de Francesco di Bologna,
et se maria jeune encore, puisque ses deux fils, Giacomo et Giulio,
sont nés, le premier en 1485, le second en 1487. Les plus
anciennes peintures de Francia gardent la trace évidente
des habitudes de l'artiste accoutumé à fouiller
le métal. Elles sont un peu sèches, et, à
vrai dire, l'aurifex de Bologne n'acquit jamais la morbidesse
où s'illustra son contemporain Léonard de Vinci,
grandi lui aussi dans l'atelier d'un orfèvre. Bartolomeo
Bianchini lui a fait faire un de ses premiers tableaux. C'est
la Sainte Famille du musée de Berlin qui porte
la curieuse inscription Barlholomei sumpt (ibus) Bianchini
maxima matrum lue vivit manibvs Francia picta tvis. On fixe
à 1495 l'exécution de la Vierge et l'Enfant de Dudley House, qu'on sait avoir été
peinte pour un de ses camarades, l'orfèvre Jacopo Gambaro.
Des derniers temps de Francia date aussi le Christ crucifié du Louvre, composition singulière ou l'on
voit saint Job couché au pied du crucifix, la Vierge et
saint Jean se tenant de chaque côté de la croix.
Ce tableau, de construction primitive et d'une facture sèche
et presque désagréable, vient de l'église
San Giobbe à Bologne. Vers 1499, Francia fut chargé
de la décoration de la chapelle de famille des Bentivoglio à San Giacomo Maggiore. Il
peignit sur l'autel un tableau fameux où se lit encore
l'inscription suivante Johanni Bentivolo Il Francia aurifex
pinxit. Et c'est là qu'il fit paraître les premiers
signes d'affranchissement. A partir de cette époque, on
a affaire au Francia connu et l'on conçoit qu'on puisse
suivre l'artiste dans sa production incessante, car toutes les
églises et tous les couvents de Bologne voulurent s'enrichir
de ses peintures.
Francia tenait un registre sur lequel il notait les principaux
événements dont son atelier était le théâtre
; c'est par ce livre que nous savons que, en juillet 1490, entra
chez lui un nouvel élève, Timoteo Viti, qui venait
d'Urbino et qui servit peut-être de lien entre Francia
et Raphaël. Les deux maîtres se sont connus et ils
ont échangé des lettres amicales. Leurs relations
devinrent plus étroites lorsque Raphaël fit un voyage
à Bologne en 1506. On connaît le sonnet enthousiaste
que Francia a consacré à l'éloge du peintre
d'Urbin. L'orfèvre bolonais envoya son portrait à
Raphaël, et tous les livres ont reproduit la lettre de 1508
où l'illustre artiste adresse à son ami ses remerciements
et ses éloges. Dans l'atelier de Francia, on ne parlait
que de Raphaël et de sa gloire, et plusieurs des élèves
du maître de Bologne, Marc-Antoine Raimondi, par exemple,
auraient considéré leur apprentissage comme incomplet
s'ils ne l'avaient pas achevé devant les fresques du Vatican. Cette vie heureuse et calme fut à peine troublée
pour Francia par les agitations politiques qui émurent
les rues de Bologne au commencement du XVIe siècle. A
la suite d'une sédition populaire, Bentivoglio fut chassé
en 1507. Au lendemain de ces violences, Francia perdait un chaleureux
protecteur et il avait en outre le chagrin de voir détruire
plusieurs des uvres dont il avait décoré
son palais. Le nouveau maître de Bologne, Jules II, crut
cependant devoir prendre vis-à-vis des artistes du pays
une attitude paternelle. Il conserva à Francia sa fonction
de directeur de la Monnaie : c'est à ce titre que l'orfèvre
fit le coin de la médaille que le pape distribua au peuple
lors de son entrée à Bologne, pièce qui
porte l'inscription connue : Bononia per Julium a lyranno
liberata. Et cependant Francia regrettait toujours le tyran,
et c'est avec joie qu'il vit revenir en 1511 la famille des Bentivoglio.
Si, dans ces brusques changements, les Bolonais, tour à
tour partisans du pape et de leur ancien gouverneur, montrèrent
une certaine inconsistance d'esprit, ils gardèrent à
Francia l'estime qu'ils lui avaient tout le temps accordé.
En 1541, Francia fut élu au nombre des gonfaloniers du
peuple. Il était, comme par le passé, membre de
la corporation des orfèvres et, en 1514, il était
une fois encore massaro de la compagnie. Il travaillait
toujours de son double métier et il travailla jusqu'à
la fin. L'une de ses dernières peintures, qui date de
1515, est la Pietà du musée de Turin et elle
ne révèle aucune décadence. Une grande joie
était réservée à la vieillesse de
Francia : il reçut en 1516 la fameuse Sainte Cécile
que lui envoyait Raphaël avec mission d'en surveiller le
placement à San Giovanni del Monte.
Lorsqu'on parle de l'école bolonaise, on évoque
le souvenir d'un idéal où la rhétorique
tient plus de place que le sentiment, où l'emphase souligne
tous les gestes, où les tons s'embrument dans une coloration
brunissante. Francia est d'un temps meilleur et c'est presque
lui faire injure que de le classer parmi les Bolonais. C'est
un contemporain de Pérugin, un maître qui n'a peut-être
pas compris toute la grandeur de Raphaël, mais qui l'a sincèrement
aimé. Il est sérieux; un peu sec au commencement
de sa vie, il s'est raccommodé plus tard avec le charme.
Ses carnations ambrées ne sont pas sans chaleur. C'est
particulièrement à Bologne que ses uvres
doivent être étudiées : on les rencontre
dans plusieurs églises, notamment à San Giacomo Maggiore dans la chapelle des Bentivoglio : le maître triomphe aussi à la Pinacothèque où sont quelques mines de
ses meilleures peintures. Au Louvre, nous avons la Nativité, petit tableau finement miniaturé,
et le Christ en croix
qui caractérise
la première manière du maître; à la
National Gallery, la
Vierge et deux anges pleurant sur le corps du Christ, et la Madone, l'Enfant, sainte Anne et plusieurs
saints, tableau signé
Francia aurifex Bononiensis p ; à Berlin, la Sainte Famille, peinte pour Bartolommeo Bianchini,
et la Vierge entourée
de plusieurs saints
avec l'inscription Francia Aurifaber Bonon1502;
à Munich, la
Vierge au jardin des Roses;
à Dresde, le
Baptême de Jésus-Christ (1509), à Saint-Pétersbourg, la Vierge, deux saints et des anges (1500). Mais c'est surtout en Italie
qu'il faut étudier Francia : on doit voir aux Offices
de Florence le superbe portrait
d'Evangelista Scappi
(1500-05 huile sur bois,
55 x 44 cm, Galerie des Offices à Florence ;
à la cathédrale de Ferrare
le Couronnement de
ta Vierge; à
Parme, le Christ déposé
de la croix (1515);
à Milan (Galerie Brera), l'Annonciation;
à Turin, la
Pietà (1515).
Nous ne citons que les uvres que l'on n'a pas le droit
de négliger si l'on veut suivre Francia depuis les sécheresses
du début jusqu'aux suavités de la
fin.
Autres uvres non
citées:
Evêque
Altobello Averoldo, 1505
huile sur toile, 0.527 x 0.397
m (20 3/4 x 15
5/8 pouces.)
Collection Samuel H. Kress - National Gallery of Art, Washington
D.C.