ENCYCLOPEDIE -DE--LA--LANGUE -FRANCAISE

- LETTRE A
  3ème galerie de portraits
 
-document :
MANUCE,
---une dynastie de typographes-


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Aldo MANUCE ou MANUZIO
Paul MANUCE
Aldo* MANUCE, le Jeune
 

 

Aldo MANUCE ou MANUZIO

portrait d'Aldo Manuce (Aldus Manutius), gravure de Theodore de Bry (1528-1598)
dans la Bibliotheca chalcographica de Jean-Jacques Boissard, 1669



"MANUCE ou MANUZIO (Aldo*), dit Aldo* l'Ancien, ou le Romain, célèbre imprimeur-éditeur et humaniste italien, né à Bassiano, près de Velletri, en 1449 ou 1450, mort à Venise le 6 février 1515. Son prénom Aldo n'était qu'un diminutif de celui de Teobaldo, et l'origine de sa famille (dont le nom est écrit de plusieurs façons) n'est pas connue. Il fit ses études latines à Rome, sous la direction de Gaspar de Vérone et de Domizio Calderino, et suivit, à Ferrare, le cours de grec du célèbre Guarini. Il devint ensuite le précepteur de l'un des fils du prince de Carpi, Alberto Pio. Très protégé par cette puissante maison, il obtint d'elle plus tard l'autorisation d'ajouter le nom de Pio au sien. En 1482, en raison de la guerre, il se réfugia à La Mirandole, auprès du célèbre savant Jean Pic, avec lequel il se rendit ensuite à Carpi, chez le neveu de ce dernier, le prince Alberto Pio. Très épris tous les trois de la littérature classique, à peine connue alors, ils conçurent ensemble le projet d'établir une imprimerie destinée à la reproduction des chefs-d'œuvre littéraires de la Grèce et de Rome. Les bases en furent définitivement arrêtées en 1490. Antérieurement, dès 1488, Alde faisait un cours public d'explication des auteurs grecs et latins. Subventionné par les princes de Carpi, il installa, en 1494, une typographie à Venise. [La ville était déjà un centre typographique d'importance et dans ce véritable carrefour culturel, vivaient de nombreux érudits grecs. Par ailleurs dans cette ville fabuleusement riche, existait un marché de marchands aisés, susceptibles d'acquérir des livres classiques pour décorer leurs palais].

Ses premiers essais, tels que le poème de Musée, en grec et en latin, la Galeomyomachia, et un petit Psautier, également en grec, parurent sans date ni nom d'imprimeur. Il est essentiel de rappeler ici qu'avant lui, il n'avait encore été publié qu'une dizaine de livres grecs en tout, à Milan, à Venise, à Florence et à Vicence, d'une façon plus ou moins imparfaite. Aldo* se fit donc à cet égard un initiateur enthousiaste et persévérant du progrès matériel et littéraire. Le premier livre avec date sorti de ses presses est une grammaire de la langue grecque, Erotemata, de Constantin Lascaris, datée du 4 février 1494 (1495, n. st.). Le but de cette publication, faite summo studio, literis et impensis Aldi Manucii Romani, fut de venir en aide aux études de la jeunesse. Dans la préface qui l'accompagne, Alde déclare avoir fait de consumer sa vie à l'utilité publique; il tint fidèlement cet engagement solennel. La même année aussi, il fit paraître le premier volume du texte original, encore inédit, d'Aristote. Cette publication, laborieuse et difficile, en 5 vol. in-folio, fut terminée en 1498. Chaque année, il mettait au jour un ou plusieurs volumes de chefs-d'oeuvre de la littérature grecque imprimés avec des types nouveaux et perfectionnés.
Il avait épousé, en 1499, la fille d'André Torresano d'Asola, acquéreur de l'imprimerie de Nicolas Jenson, à Venise. Il eut de ce mariage une fille et trois fils, dont l'aîné vécut d'un petit bénéfice ecclésiastique, le second, Antoine, fut libraire à Bologne, et le troisième: Paul Manuce
[ L'entreprise éditoriale de Manuce s'est révélée fort complexe dans la mesure où les manuscrits grecs étaient rares et pour un même texte présentaient souvent des dissemblances déconcertantes.
Profitant de la présence à Venise de nombreux réfugiés byzantins, il réunit des érudits grecs qu'il employa à collecter, relire et éditer les textes classiques. En 1500, ces érudits fondèrent la Neacademia, également appelée Académie Aldine, qui se consacra à l'érudition et la publication de littérature grecque. Ses membres
ne parlaient que grec dans leurs assemblées et modifièrent leur nom pour leur donner des formes grecques. Des hommes distingués y travaillèrent, tels le futur Cardinal Pietro Bembo, Alberto Pio, Linacre d'Angleterre ou encore Erasme de Hollande. Afin de pérenniser son Académie, Alde demanda vainement un diplôme impérial à Maximilien...
Toutes les opérations de fabrication du livre étaient réalisées dans les ateliers de Manuce. Il fabriquait lui-même son encre et reliait les livres qu'il vendait. Manuce s'attacha également à faire dessiner et fondre des caractères d'imprimerie. D'abord des caractères grecs un peu grêle avec de trop nombreuses ligatures, basés sur l'écriture soignée de son principal érudit grec, Marc Musurus de Crète. Ensuite, un romain finement dessiné avec pleins et déliés donnant du relief au texte et enlevant une certaine rusticité aux romains précédents, prototype du style Aldin. Ce fut l'œuvre du peintre, orfèvre nielleur et calligraphe : Francesco Raibolini, Francesco de Bologne, dit Griffo, dit Francia. Il fut utilisé pour la première fois pour le De Ætna du futur Cardinal Pietro Bembo, le plus illustre lettré vénitien de ce temps.


Première page du De Ætna, de Pietro Bembo, 1496. A l'origine, Griffo n'avait gravé qu'un bas de casse, inspiré des écritures humanistes du XVe siècle, elles-même basées sur le dessin des premières minuscules carolingiennes. L'axe des caractères est légèrement oblique, de même que les empattements supérieurs des minuscules. De manière générale, les empattements sont très novateurs, plus fins que ceux des romains précédents et forment un angle assez accusé avec les jambages. Ses capitales, extraites d'un jeu antérieur de caractères, sont elles manifestement inspirées des gravures romaines. C'est aussi la première fois qu'apparaît le point-virgule moderne.

 
Pour faciliter donc, la diffusion des livres, il eut l'idée heureuse d'adopter le format petit in-octavo. Il débuta dans cette voie en 1501, nous l'avons vu, par une édition de Virgile, où l'on vit en même temps apparaître pour la première fois une autre innovation, l'emploi du caractère penché, qui fut appelé aldin ou italique :
 
à droite : L'Enfer de Dante, 1502, en caractères aldins

[Ces caractères basés sur l'écriture de chancellerie en usage à Venise à cette époque, n'étaient pas encore parfaits et rappelaient plus un romain incliné qu'une véritable italique, mais Griffo en le dessinant avait apporté une nouvelle dimension à la typographie: désormais, nul romain ne serait gravé sans sa version italique. Le principal intérêt de ce nouveau caractère est d'ordre économique. Composé avec une approche plus serrée que les romains traditionnels, l'italique permettait à l'imprimeur de gagner de l'espace et d'abaisser ainsi les coûts de production d'un livre. Au reste, dans l’esprit de Manuce, l’italique devait imiter l’écriture grecque de l’époque, laquelle était agrémentée de nombreuses ligatures et autres fioritures, et qui était fort appréciée à Venise].
La gravure de ce beau caractère avait été confiée à
Francesco Raibolini. Ce fut une véritable révolution, et ces charmants petits volumes, qui ne coûtaient chacun que 2 francs et demi de notre monnaie, eurent un succès immense. Il publia aussi dans le même format des ouvrages grecs et italiens. Ajoutons qu'on lui doit encore un beau livre illustré : l'édition originale du texte italien de l'Hypnerotomachia di Poliphilo ( "le songe de Poliphile", 1499. in- fol.):
avec de magnifiques gravures sur bois, dont les dessins sont attribués à Mantegna et à Jean Bellini. Hypnerotomachia Poliphili, imprimé par Aldus Manutius en 1499.
 
Chef d’œuvre de Manuce, composé avec le même caractère que le De Ætna, l’Hypnerotomachia Poliphili du moine dominicain Francesco Colonna est constitué de 234 feuillets non numérotés, comprenant 171 gravures sur bois limpides et homogènes qui restituent le rêve presque obsessionnel de l’auteur. C’est à travers les gravures que ceux qui ne feront pas le voyage au-delà des Alpes imagineront l’Antiquité et son interprétation italienne.
 
L'activité d'Alde Manuce ne se borna pas à cela. Non content de mettre de savantes préfaces à nombre de ses publications, il voulut encore faire œuvre d'éducateur classique. Il composa une grammaire latine : Rudimenta grammatices latinae linguae (1501, in-4), dont le succès fut durable; puis une grammaire grecque : Grammaticae institutiones graecae (1515, in-4), qui ne parut qu'après sa mort et n'eut qu'une édition. Il maniait le latin avec aisance, même les vers, comme en témoigne son Musarum Panegyris, poème en l'honneur du prince Alberto Pio de Carpi (S. 1. n. d., avant 1489, in-4). Malgré tous ses succès et une économie sévère dans la gestion de son établissement, il ne laissa presque aucune fortune, les achats des meilleurs manuscrits des textes qu'il publiait et leur mise en œuvre ayant été fort coûteux. Mais il acquit une gloire immortelle comme typographe habile et consciencieux, aussi bien qu'à titre d'ardent promoteur de l'hellénisme renaissant. Sa marque typographique était composée d'une ancre et d'un dauphin:
ouvrage de Térence par Aldo Manuzio, 1555, Venise. Les éditions de Manuce portaient la fameuse marque au dauphin, symbole d’agilité, enlacé autour d’une ancre, symbolisant la stabilité et qu’entourait le nom «ALDVS» en deux syllabes, symbolisant le « hâte-toi lentement » (Festina lente) de Boileau.

 
[Travailleur acharné, Alde négligea sa famille et ruina sa santé (en 1498, il fut ainsi victime de l'épidémie de peste qui sévissait alors à Venise). Il écrivait dans sa préface à l'Organon d'Aristote: " Ceux qui cultivent les lettres doivent obtenir les livres nécessaires à leur but; et je ne saurais me reposer jusqu'à ce que la fourniture en soit
assurée." Il fut confronté à des grèves qui ralentirent son rythme d'édition et dut affronter la rude concurrence d'imprimeurs rivaux en Italie (les Junte de Milan), en France (Balthasar de Gabiano et Barthélémy Trodt de Lyon) et en Allemagne, qui copiaient ses éditions, et qui n'avaient donc pas à supporter les coûts importants liés à la préparation des textes.

Il résista toutefois honorablement: c'est que ses livres, imprimés en petits volumes et vendus à un prix modique étaient très compétitifs pour un public qui allait en s'élargissant. Cet humaniste, désireux qu'il était de faire partager ses goûts en
matière littéraire, est le premier imprimeur à avoir lancé sur le marché des ouvrages édités dans un format beaucoup plus petit que celui auquel on était habitué jusqu'alors. Il s'agissait pour lui, d'imprimer des livres que les étudiants puissent consulter facilement et qui ainsi, avaient davantage de chance d'être lus. Dans une certaine mesure, il est donc possible de considérer Manuce comme le père de l'impression de masse.
Il mourut épuisé le 6 février 1514 (l'année vénitienne commençant en mars, il est donc mort en 1515), son œuvre partiellement accomplie. Ses fils la poursuivirent, pas toujours à Venise (Paul Manuce travailla ainsi pour le Vatican), avant que l'atelier familial ne soit dissout en 1597 à la mort d'Alde le Cadet. On doit aux Alde d'avoir répandu la littérature grecque sur une échelle si large, que même les ravages de la guerre de Trente ans ne parvinrent à disperser cet exceptionnel héritage.]

Paul Manuce

Né à Venise le 12 juin 1511, mort à Rome le 6 avril 1574. Il n'avait pas quatre ans à la mort de son père, de sorte que ce fut son aïeul maternel qui prit la direction de l'imprimerie aldine, et c'est à ses soins qu'on est redevable, entre autres, d'un charmant livre d'Heures (1529, in-16), orné de ravissantes vignettes et d'encadrements d'une grande élégance. La mort de celui-ci, en 1529, ayant occasionné des dissensions domestiques, cet établissement chôma pendant quatre années. Paul se mit à sa tête en 1533, en association avec ses frères et oncles ; il en devint le chef unique en 1540. Latiniste remarquable, il professa une prédilection particulière pour Cicéron et s'appliqua surtout à la publication des bons textes de cet auteur. En 1556, il devint l'éditeur d'une nouvelle Académie, Accademia Veneziana ou della Farna, qui disparut cinq ans après, à la suite de la mort du sénateur Badoaro, son fondateur. Invité par le pape Paul IV à s'installer à Rome pour y exécuter l'impression des Pères de l'Eglise, d'après les manuscrits de la bibliothèque palatine, il s'y rendit en 1561, et commença, deux ans après, ses éditions, qu'il imprima avec des caractères gravés à Paris. La mort du souverain pontife, en 1556, et le retrait de la subvention servie par la municipalité de Rome, firent suspendre ces impressions pendant quelque temps. Il renonça enfin, en 1569, à la direction de l'imprimerie romaine, niais la reprit quelques années plus tard. La majeure partie de ses travaux littéraires personnels s'applique à Cicéron; le plus important est son Commentarius sur les oraisons de cet auteur (1578-79, 3 vol. in-fol.). On lui doit aussi quatre traités sur les antiquités romaines les lois, le sénat, les comices et la cité de Rome (1557 à 1585, in-fol.). Sa correspondance avec une foule de gens de marque est très instructive. Il en a été publié sept éditions en latin (Epistolae, 1558 à 1580) et deux en italien (Lettere volgari, 1556 à 1560).

Aldo Manuce, le Jeune

Fils du précédent, né à Venise le 13 février 1547, mort à Rome le 28 octobre 1597, devint, à l'exemple de son père, un latiniste expérimenté et un érudit. A l'âge de dix ans, il publia son premier livre : Eleganze delta lingua toscana e latina (1556), recueil qui fut successivement augmenté et eut plus de vingt éditions. Cinq ans plus tard, il fit paraître son Orthographiae Ratio (1561), qui fut réédité plusieurs fois avec des augmentations. De 1562 à 1565, il resta à Rome, où il publia, chez son père, des fragments de Salluste avec des notes (1563). Il retourna à Venise en 1570 et reprit la direction de l'imprimerie paternelle, à laquelle ses cousins Torresano firent concurrence, en en établissant une nouvelle. L'ouvrage le plus important qu'il ait publié est l'édition complète de Cicéron (1583, 40 vol. in-fol.). Parmi ses travaux personnels, il faut encore citer son Commentarius sur l'art poétique d'Horace (1576). Il accepta une chaire d'éloquence à l'université de Bologne en 1585, passa l'année suivante à l'université de Pise, puis à celle de Rome en 1588, et prit, en 1590, la direction de l'imprimerie du Vatican. Il ne laissa pas de postérité de son mariage avec la fille de Bernard Giunta, célèbre imprimeur florentin, et fut le dernier rejeton de cette illustre famille de savants typographes qui a rendu tant de services aux lettres."


* C'est moi qui corrige. En effet, la Berthelot dit "Alde", mais je n'en vois pas la raison, puisque le diminutif de Theobaldo est Aldo!


Sources :
 
Entre les crochets, illustrations:
http://bouillon.fr.fortunecity.com/histoire/9/chapitre4.html
http://www.uh.edu/engines/epi1862.htm
http://abagond.files.wordpress.com/2007/10/aldine.jpg
http://www.italnet.nd.edu/Dante/images/tp1502/NewberryAldine.inf1.150dpi.jpeg (dante)
http://culturitalia.uibk.ac.at/LIBERLIBER/biblioteca/b/bembo/de_aetna_ad_angelum_chabrielem_liber/html/testo.htm
(bembo)