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Eléments de biographie
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ATTEINDRE L'OEUVRE EN VISANT L'HOMME
Bertolt Brecht face à ses diffamateurs

 

Un documentaire sur Arte les 4, 11 et 18 février 1998. « Dans la jungle des villes », mis en scène par Stéphane Braunschweig, au Théâtre de la Colline jusqu'au 22 février. « Tambours dans la nuit » et « Noces chez les petits-bourgeois » montés par Georges Lauvaudant au Théâtre de l'Odéon-Théâtre de l'Europe du 14 mai au 21 juin. Un cycle de spectacles et de conférences à l'Institut Goethe de mars à juin. Bertolt Brecht est de retour à Paris. Mais le centenaire de la naissance du dramaturge allemand est aussi l'occasion d'une virulente polémique, lancée par le professeur John Fuegi, dont la sulfureuse biographie de l'écrivain vient de paraître en Allemagne.

  Par BRIGITTE PÄTZOLD
Journaliste

D 'ABORD la bouffe, ensuite la morale... Cette chanson qu'ont fredonnée les Berlinois, en 1928, en sortant de L'Opéra de quat'sous, s'appliquerait tout particulièrement à son auteur, Bertolt Brecht. C'est en tout cas la thèse de son dernier biographe, le Britannique John Fuegi, professeur de littérature comparée à l'université du Maryland (Etats-Unis). Dans son Brecht amp; Co.  (1), le dramaturge allemand fait piètre figure. Accusé d'avoir exploité ses nombreuses collaboratrices sur la base du sex for text, il est aussi vilipendé comme opportuniste sans scrupules ; il aurait flirté avec les nazis avant de devenir stalinien ; il serait antisémite, et même... homosexuel.

Ce livre-scandale a vite été discrédité par nombre de spécialistes brechtiens de par le monde. Dans l' International Yearbook de 1995, John Willet et ses collaborateurs relèvent, sur une centaine de pages, plus de sept cents erreurs et fausses affirmations. Dès lors, la recherche d'un éditeur allemand n'allait pas de soi. Finalement, le 26 novembre 1997, la version allemande a été jetée sur le marché, tel un pavé dans la mare des nombreuses publications commémorant le centenaire de Brecht  (2). Si le traducteur Sebastian Wohlfeil a travaillé plus de deux ans, c'est que, l'édition américaine étant criblée de fautes de traduction, il a dû vérifier chaque citation à la source dans les archives allemandes  (3). Avec un sens aigu de l'à-propos, John Fuegi dédie cette édition allemande non pas à Bertolt Brecht, mais à la principale collaboratrice de celui-ci, Elisabeth Hauptmann, née le 20 février 1897, dont le centenaire « serait autrement passé inaperçu ».

Elisabeth rencontre Brecht en 1924. Elle est belle, cultivée, parle plusieurs langues. Elle aurait écrit de 80 % à 90 % de L'Opéra de quat'sous. Sans cette collaboratrice, affirme John Fuegi, ni Sainte-Jeanne des abattoirs, ni Homme pour homme, ni même certaines pièces didactiques de Brecht n'auraient vu le jour. Trois autres collaboratrices auraient fourni au dramaturge une bonne part de son oeuvre dramatique : la Berlinoise Margarete Steffin, la Danoise Ruth Berlau et la Finlandaise Hella Wuolijoki. La Vie de Galilée aurait été largement rédigée par Margarete Steffin, morte de tuberculose à Moscou en 1941. Le Cercle de craie caucasien serait dû au travail de Ruth Berlau. Et Hella Wuolijoki lui aurait apporté la trame de Maître Puntila et son valet Matti avec sa nouvelle Un Bacchus finlandais.

« Il fertilisait les gens »

POURQUOI toutes ces femmes se sont-elles sacrifiées pour leur maître au point d'en mourir (comme Margarete Steffin), d'en devenir alcoolique et dépressive (c'est le cas de Ruth Berlau, qui périt tragiquement dans l'incendie d'un hôpital psychiatrique en 1974), ou de commettre des tentatives de suicide (à l'instar d'Elisabeth Hauptmann) - sans compter les avortements à répétition ? Réponse de John Fuegi : l'exploitation sexuelle, fondée sur le charme irrésistible de Bertolt Brecht. Formé dans le moule occidental, l'universitaire ne comprend pas que ces militantes communistes aient pu travailler gratuitement ou presque pour la lutte antifasciste  (4). C'est ainsi par exemple que, de son propre gré, Elisabeth Hauptmann n'a demandé que 12,5 % des droits d'auteur de L'Opéra de quat'sous.

Afin de donner quelque crédibilité à ses thèses, l'auteur souligne qu'il a rencontré, dans les années 70, certaines de ces femmes qui, désormais, ne sont plus là pour confirmer. Parmi elles, Elisabeth Hauptmann. Ami de celle-ci, avec qui il a travaillé en tant qu'éditrice des OEuvres de Brecht, Werner Hecht confie : « Elle a fini par le mettre à la porte au bout d'une heure. Elisabeth était très discrète sur sa vie personnelle. Les questions insidieuses de cet homme qui voulait à tout prix lui faire dire certaines choses l'ont prodigieusement agacée. » Werner Hecht vient d'ailleurs de publier, après trente-cinq ans de recherches, une chronique de la vie de Brecht du jour de sa naissance, le 10 février 1898 à Augsburg, jusqu'à sa mort, le 14 août 1956 à Berlin  (5). Dans la postface de sa chronique, il précise que « des erreurs éclatantes constatées lors de la vérification de certains faits et dates dans l'ouvrage de John Fuegi ont fait apparaître le manque de sérieux de ce livre  (6).  »

Sabine Kebir, une des rares femmes spécialistes de la littérature brechtienne, a notamment étudié le rapport de Brecht avec ses partenaires  (7). Elle s'est ainsi plongée dans la vie d'Elisabeth Hauptmann, principale « victime » de « l'exploiteur »  (8). Et de remarquer que cette femme n'a plus rien écrit de remarquable après sa séparation d'avec Brecht. Avait-elle besoin de son génie ou du travail en commun pour s'inspirer ? A l'inverse, la production littéraire de Bertolt Brecht a continué sans entraves avec d'autres collaboratrices. Autre argument contre le biographe : la cohérence du style de Brecht, sensible jusque dans ses moindres notes et lettres. Enfin Sabine Kebir a été frappée, au-delà du combat commun contre le fascisme, par le plaisir qu'a pris Elisabeth Hauptmann à travailler avec Brecht. « Nous avons beaucoup ri ensemble, dit-elle. Et, quelle que soit la difficulté du travail, c'était un amusement. »

Dans cet effort collectif, indispensable à la création, il est bien sûr impossible de reconnaître la part exacte de chacun. Mais cela ne semblait gêner personne, le concept de propriété individuelle étant rejeté par tous comme valeur petite-bourgeoise. Disciple du maître entre 1949 et 1956, le metteur en scène suisse Benno Besson - dont John Fuegi prétend que Brecht lui aurait « volé » son travail sur Don Juan - le confirme : « Je ne m'intéressais absolument pas à la question des droits d'auteur. Ce qui m'importait était de travailler avec Brecht (...). Il fertilisait les gens. Il les accouchait. Il les rendait productifs et eux aussi le rendaient productif  (9). »

Pour ce qui est de la contribution de la Danoise Ruth Berlau, il faut préciser qu'elle n'a jamais bien maîtrisé la langue allemande. Il est donc difficile de croire qu'elle ait pu écrire des textes aussi poétiques que ceux du Cercle de craie caucasien. Lire une seule de ses lettres adressées à Brecht, dans un allemand très approximatif, suffit à s'en convaincre.

Le laxisme de Brecht en matière de propriété intellectuelle était connu bien longtemps avant que John Fuegi s'en offusque. Le dramaturge s'en est d'ailleurs réclamé. Déjà, dans les années 20, les critiques Kurt Tucholsky et Alfred Kerr lui avaient reproché d'avoir repris des vers de Villon - sans le citer - dans L'Opéra de quat'sous. Plus tard, Rimbaud est entré dans les Sermons domestiques de Brecht. Sa pièce de jeunesse, Homme pour homme s'inspire du Woyzeck de Georg Büchner ; L'Opéra de quat'sous du Britannique John Gay et de son Opéra du gueux ; Le Cercle de craie caucasien de Klabund. Mais Shakespeare n'aurait-il pas copié Francis Bacon, et Molière Corneille ?

Des biographes comme Werner Hecht, Klaus Völker  (10) et Werner Mittenzwei  (11) avaient déjà mentionné ces « emprunts » littéraires de Brecht. De même, ils n'avaient pas laissé de doute sur la participation active de ses collaboratrices, considérant néanmoins que c'était l'affaire de celles-ci de réclamer, ou non, leur part. La seule qui aurait pu le faire et qui y a renoncé de son propre gré était Elisabeth Hauptmann. Margarete Steffin était morte en 1941 et Ruth Berlau avait sombré dans l'alcoolisme. Hella Wuolijoki, elle, s'était mise d'accord avec Brecht sur le versement de 50 % des tantièmes, en reconnaissance de sa contribution à Puntila - elle n'a malheureusement jamais été rétribuée par l'éditeur.

Si encore John Fuegi avait eu pour seule ambition de défendre les droits de ces femmes négligées par Bertolt Brecht, son éditeur, Peter Suhrkamp, et ses héritiers, Barbara et Stefan Brecht... Mais, sous couvert de féminisme, son dessein est autre : il entend démolir un grand esprit du XXe siècle, le créateur d'un théâtre politique et populaire, dont les pièces, avec la clarté de la parabole, révèlent les dessous d'un monde où l'homme est un loup pour l'homme et appellent à le transformer. A une époque où l'on compte autant de chômeurs et de pauvres que dans les années 20, Brecht pourrait revenir à la mode. Alors, John Fuegi le présente sous les traits d'un criminel.

La recette est connue, mais le biographe en fait trop et perd, de la sorte, toute crédibilité. Comment peut-il aller jusqu'à accuser d'antisémitisme Brecht - dont, d'ailleurs, la femme, l'actrice Hélène Weigel, était une juive autrichienne ? Jusqu'à soupçonner le dramaturge de tendances pro-nazies ? Jusqu'à parler du « pouvoir diabolique que Hitler mais aussi Brecht exercent sur leur public à Munich en 1920 » ? Diabolique, donc, Bertolt Brecht ne pouvait que devenir stalinien. Voilà où John Fuegi rejoint Stéphane Courtois  (12). La hargne de l'universitaire vise en fait l'écrivain marxiste, qui, un jour de 1926, a rencontré le sociologue Fritz Sternberg et le marxiste non orthodoxe Karl Korsch, devenus ses professeurs en matière d'économie politique et de marxisme à la mode de Rosa Luxemburg.

John Fuegi le justicier dépeint aussi Brecht en opportuniste retors. Il n'a jamais adhéré au Parti communiste allemand ? C'est qu'il refusait de s'engager. Il a échappé à la chasse aux sorcières du sénateur McCarthy ? Nul doute : il a failli à son rôle de résistant. Il n'a pas manifesté avec les travailleurs est-allemands révoltés, le 17 juin 1953 ? Une preuve de plus qu'il était stalinien.

Quelle fut vraiment l'attitude du dramaturge lors de ce soulèvement ouvrier contre les autorités de la jeune République démocratique allemande (RDA) ? Manfred Wekwerth, un de ses disciples au sein du Berliner Ensemble, était alors aux côtés de Brecht. « Dès l'annonce des grèves, nous a-t-il raconté, Brecht a rassemblé sa troupe dans sa maison à Berlin. Il a d'abord approuvé la grève des ouvriers. A ma question »Que faire ? «, il a répondu : » Il faut armer les ouvriers«. Le lendemain, nous sommes allés dans la rue, mais nous avons entendu des slogans comme » Mort aux communistes ! «  criés par des provocateurs infiltrés de Berlin-Ouest. C'est là que Brecht a parlé de » danger fasciste «. J'étais à ses côtés, je l'ai vu discuter avec les ouvriers. Il les a encouragés à faire grève tout en les mettant en garde contre ce danger. »

La vérité, c'est que Bertolt Brecht a aussi essayé de jouer les intermédiaires en demandant aux autorités de céder les antennes de radio à la troupe du Berliner Ensemble. Il a proposé au gouvernement d'engager le dialogue avec le peuple, d'expliquer et de reconnaître certaines erreurs. Mais, de sa lettre au dirigeant communiste Walter Ulbricht, seule la dernière phrase fut publiée : « Je tiens à exprimer en ce moment ma solidarité avec le Parti socialiste unifié  (13). » Bref, le créateur s'est placé au beau milieu de la mêlée, et non en marge, tel que Günter Grass l'a imaginé dans sa pièce Les plébéiens répètent la révolution  (14). Loin de s'enfermer dans son théâtre comme dans une tour d'ivoire, il est descendu dans la rue. A la suite de ces événements, Brecht a d'ailleurs écrit son fameux poème : si le peuple ne peut dissoudre le gouvernement, suggérait-il, « ne serait-il pas plus simple pour le gouvernement de dissoudre le peuple et d'en élire un autre ? »

En fait, les apparatchiks de RDA se sont toujours méfiés de Brecht. Son théâtre n'était pas assez conforme aux dogmes du réalisme socialiste. On lui reprochait d'être trop « formaliste », trop « cosmopolite » et trop « pacifiste ». Ses pièces péchaient par l'absence de héros ouvriers positifs. Seule sa renommée internationale le protégea d'attaques plus conséquentes. Werner Hecht se rappelle ces propos très lucides de Hélène Weigel : « Nous n'étions pas ce qu'ils auraient voulu que nous soyons. Mais ils ne voulaient pas non plus perdre ce que nous représentions pour eux. » A commencer, sans doute, par le prestige international...

Cette ambiguïté du statut de l'homme de théâtre en RDA, le cinéaste Peter Voigt, arrivé comme assistant au Berliner Ensemble en 1954, à l'âge de vingt ans, la confirme : « Son théâtre était à la fois critiqué et subventionné. » Peter Voigt a assisté au succès triomphal remporté par la troupe au Théâtre Sarah-Bernhardt, à Paris, en 1954, et il se souvient de cette remarque de Brecht : « Nous n'avons de vrais amis qu'en Pologne et en France. »

Mettre la main à la pâte

OPPORTUNISTE, Bertolt Brecht ? Pour répondre à cette question, encore faut-il expliquer pourquoi le dramaturge, qui croyait que le théâtre pouvait contribuer à transformer le monde, a choisi de s'installer en RDA après la guerre, et pourquoi il y est resté. Par intérêt, laisse entendre John Fuegi, insistant sur la mise à sa disposition d'une salle de théâtre, les subventions, le prix Staline et autres privilèges... Tel n'était pas l'avis de Giorgio Strehler, le fondateur du Piccolo Teatro de Milan et ami de Brecht : « Il espérait que ce socialisme sans liberté pouvait être transformé en un socialisme de libertés  (15). »

Sur le choix initial de vivre en RDA, l'intéressé lui-même s'en est expliqué dans une de ses Histoires de Keuner. Entre un beau salon et une cuisine, rétorquait celui-ci, il avait choisi de s'installer dans la cuisine et de mettre la main à la pâte avec les cuisinières  (16). Quant à la décision d'y rester, un échange l'éclaire : à un élève curieux de savoir ce que Bertolt Brecht voulait encore transformer avec son théâtre dialectique dans un Etat socialiste où la lutte des classes n'existait plus, le maître avait répondu, en décembre 1955, qu'il y aurait toujours des contradictions à révéler et à résoudre  (17).

Le plus surprenant dans le livre de John Fuegi, c'est que ce professeur de littérature comparée ne se hasarde pas à la moindre analyse des pièces de Bertolt Brecht. Pourtant, au-delà de l'attaque contre l'homme, c'est de toute évidence l'oeuvre qu'il vise. Et son impact. Brecht reste toujours l'homme de théâtre le plus joué en Allemagne. A Moscou, l'automne dernier, L'Opéra de quat'sous, dans une mise en scène de Vladimir Maschkow, a fait salle comble. Et pour cause : lorsque Bertolt Brecht figure un monde des affaires aussi corrompu que celui de la pègre, les Moscovites reconnaissent leur propre société mafieuse. Reste à savoir si, lorsqu'ils fredonnent, avec Mac le Surineur, « Que vaut un cambriolage de banque face à la fondation d'une banque ? », cela les inspire ou les révolte...

BRIGITTE PÄTZOLD.

 

(1) La version américaine a été publiée, sous le titre Brecht amp; Co. Sex, Politics and the Making of the Modern Drama, chez Grove Press, New York, en 1994. La version française fut publiée quelques mois plus tard en avril 1995 : John Fuegi, Brecht et Cie. Sexe, politique et l'invention du théâtre moderne, Fayard, Paris, 876 pages, 240 F.

(2) John Fuegi, Brecht amp; Co. Biographie, Europäische Verlagsanstalt, Hambourg, 1997, 1 086 pages.

(3) Une copie des archives allemandes de Brecht conservées à Berlin par l'Académie des arts a été offerte par Stefan Brecht, le fils de Bertolt Brecht et de Hélène Weigel, à la Harvard University de New York et rendue accessible à John Fuegi.

(4) Dans de nombreuses lettres échangées entre ces femmes et Brecht, la lutte antifasciste est qualifiée de « troisième chose ».

(5) Werner Hecht, Brecht Chronik, Suhrkamp, Francfort, 1997.

(6) Idem, p. 1 259.

(7) Sabine Kebir, Ein alezeptablo Mann, Der Morgen, Berlin, 1987.

(8) Sabine Kebir, Ich fragte nicht nach meinem Anteil, >Aufbau, Berlin, 1997.

(9) Le Monde, 10 mai 1995.

(10) Klaus Völker, Bertolt Brecht, Carl Hanser, Munich, 1976.

(11) Werner Mittenzwei, Das Leben des Bertolt Brecht, 2 tomes, édition de poche, Aufbau Tachenbuch Verlag, Berlin, 1997.

(12) Lire « Communisme, les falsifications d'un »Livre noir« », Le Monde diplomatique, décembre 1997.

(13) Werner Mittenzwei, op. cit., tome II, p. 494.

(14) Günter Grass, Les plébéiens répètent la révolution, Le Seuil, Paris, 1961.

(15) Giorgio Strehler dans Brecht après la chute. Confessions, mémoires, analyses, L'Arche, Paris, 1993, p. 109.

(16) Idem, p. 108.

(17) Hans Mayer, Brecht, Suhrkamp, Francfort, 1996, pp. 296-298.


LE MONDE DIPLOMATIQUE | FÉVRIER 1998 | Page 28
http://www.monde-diplomatique.fr/1998/02/PATZOLD/10015.html