La Gascogne des Sanche
- Au moment où Hugues Capet vient au pouvoir, l'Aquitaine est absolument indépendante du pouvoir royal, partagé en deux duchés, le duché de Gascogne et le duché d'Aquitaine. La Gascogne faisait partie de la Provincia Novempopulania des Romains, ou Novempopulanie, "province des neuf peuples", qui se mit à parler gascon au VIe siècle, à la fin duquel les Vascons occupèrent l'aire des pays basques et qu'on appela naturellement Vasconia, Vasconie. Pour l'heure, la famille des Sanche fait accroître les territoires de la Gascogne, avec Guillaume Sanche (v. 950 - 996), dont la femme Urraca, soeur du roi de Navarre, Sanche le Grand, permet un rapprochement avec les pays du sud des Pyrénées, les territoires des Sanche augmentant au Nord de l'Agenais et du comté de Bordeaux. On attribue à Guillaume et Urraca la fondation d'une dizaine de monastères sans que l'on puisse vraiment faire la part entre la légende et l'histoire, à l'exception de la grande abbaye de Saint-Sever, la capitale des Sanche, en 988. Le fils de Guillaume, Bernard Guillaume, règnera de 996 à 1010 et il semble avoir continué l'oeuvre de son père, en particulier vis à vis des monastères. Le morcellement de la Gascogne commence sous Sanche Guillaume, son fils, qui meurt en 1032. A partir de là, commence une période historique d'une trentaine d'années, extrêmement confuse, de l'histoire gasconne, qui fera progressivement entrer la Gascogne, au temps de Guy-Geoffroy, dans le giron du puissant duché d'Aquitaine en 1063/1064. Guillaume IX le troubadour et Guillaume X ne seront pas des vassaux très remarqués et c'est la fille du dernier, Aliénor, qui apporte brièvement la Gascogne à la France (son premier mari est Charles VII) et surtout à Henri Ier, le Plantagenêt, roi d'Angleterre en 1154.
- A défaut de documents, il est impossible de dater précisément les fondations des monastères de la Gascogne jusqu'au XIIe siècle, à défaut desquels ont été forgées diverses traditions, amplifiées et multipliées au fur et à mesure que le pèlerinage à Compostelle (Santiago de Compostela, Saint-Jacques de Compostelle), dont les différents chemins traversent plusieurs monastères landais, prenait de l'importance. Voici donc une liste des principales abbayes gasconnes de cette période, aujourd'hui dans le département des Landes, et qui soulignent avec plus ou moins de force les traits de l'art roman de cette partie de l'Aquitaine.
- pour localiser les abbayes, voir carte : :
- Abbaye Notre-Dame de Pimbo (Sainte Marie de Pendulo, Pendulum), puis collégiale, que la tradition fait remonter à Charlemagne, dans le Tursan, sur un des chemins de Compostelle (Via Lemovicensis, voir carte).- ---L'ancienne abbatiale Saint-Barthélémy, fortifiée au XIVe s, avec son clocher-mur, fréquemment à deux ouilles (ouvertures pour les cloches) sur les chemins de Compostelle. Les deux cloches sonnaient ainsi en alternance, à la tombée de la nuit ou par mauvais temps, pour guider les pèlerins (les jacquets). A droite, détail des voussures de l'archivolte du portail (XIIe s)
- - Monastère de Saint-Caprais de Pontonx sur l'Adour (Sanctus Caprasius de Pontos), fondé vers 960 par le vicomte de Tartas, selon le cartulaire de la cathédrale de Dax (Liber Rubeus) et rapidement devenu dépendant du prieuré de Squirs (la Réole, de regula, la règle, en l'occurrence de saint Benoît) lui-même lié au monastère de Fleury-sur-Loire. Ce monastère a disparu entièrement.
"Le martyr dAbbon de Fleury
- Lié à labbaye de Fleury-sur-Loire au moins depuis le Xème siècle, le monastère de La Réole (Regula), était géré par des moines gascons quand labbé Abbon vînt en 1004 avec dautres moines francs vérifier la bonne application au sein de la communauté religieuse, de la règle de Saint Benoît. A lépoque, les territoires gascons échappant à lautorité du roi, de vives tensions existaient entre les populations locales et les hommes venus du nord. Cest dans cette ambiance tourmentée que fut accueilli labbé, le 10 novembre 1004 au monastère de La Réole. Dès le premier jour, des disputes verbales éclatèrent entre les habitants et les hommes accompagnant Abbon. Celui-ci parvînt à calmer les esprits et célébra une messe en lhonneur de Saint Martin de Tours. Le 13 du même mois, un moine gascon sen prit violemment aux francs et une bagarre sen suivit. Labbé de Fleury, alors en prière, sortit alerté par les cris et reçu un coup de lance entre les côtes. Il succomba à ses blessures et fut enseveli dans la crypte de léglise. Une chapelle de léglise Saint Pierre lui est aujourdhui dédiée."
- extrait de : http://www.entre2mers.com/eglises/lareole.htm
- - Abbaye de Saint-Jean de Sorde (Sordi, Sordua) dans le diocèse de Dax, sur un des chemins de Compostelle (Via Turonensis, voir carte), fondée avant 975, fondation traditionnellement attribuée à Charlemagne .
- De gauche à droite, de haut en bas : Bâtiments monastiques. On engrangeait des primeurs au premier niveau, sous la terrasse, dans la grange batelière ou cryptoportique ("portique caché" ) : Dans l'architecture romaine, le terme de cryptoportique désigne des galeries partiellement ou totalement enterrées ; vue générale : église, monastère proprement dit et bâtiments conventuels (XIe-XVIIe) ; xenodochium ou hôpital des pèlerins, prieuré de l'abbaye, 1146 ; mosaïque de l'abbatiale ( XIe s.) d'inspiration orientale, présentant des parentés avec l'Apocalypse de Saint-Sever ; chapiteau historié illustrant l'arrestation de Jésus (XIIe) ; portail nord, très abîmé mais témoin d'un art roman originel avec un tympan au Christ en majesté, entouré des quatre évangélistes ; chevet à abside (trois fenêtres en plein cintre à colonnette) et deux absidioles (XIe s) ;
"Sorde était un point de passage privilégié pour franchir le gave d'Oloron, dernier obstacle avant les Pyrénées et le col de Ronceveaux. Et à cette époque, la réputation de l'illustre cité n'était pas toujours excellente puisque les bateliers sordais se faisaient grassement payer le franchissement du gave en barque, menaçant de noyade les pèlerins récalcitrants. Dans son Guide du pèlerin de Saint-Jacques-de-Compostelle, rédigé en 1139, Aimery Picaud livre à la vindicte publique les passeurs et l'abbé de Sorde qui reçoit le prix de la traversée."
- - Abbaye Saint-Sever, fondée par Guillaume Sanche en 988 (seule date certaine ici !) dans le diocèse d'Aire (Via Lemovicensis, voir carte), dont nous retiendrons surtout l'abbatiat de Grégoire de Montaner (1028-1072), au cours duquel Stephanus Garsia Placidus, directeur du scriptorium de Saint-Sever réalise le fameux Beatus ou Apocalypse de Saint-Sever (Beatus Liebanensis). Le texte de ce manuscrit est principalement du moine asturien, Beatus de Liébana (+ v. 798), mais a connu trois rédactions successives qui l'ont à chaque fois enrichi. Au volumineux commentaire du livre de l'Apocalypse de saint Jean, écrit par Beatus, on a ajouté des généalogies bibliques et un commentaire sur le livre de Daniel, prophétique lui aussi. Par ailleurs, le texte de Beatus était accompagné d'une très riche iconographie. Le texte de Beatus de Liebana a été repris de nombreuses fois et, à l'instar du modèle, a été chaque fois très illustré. On connaît aujourd'hui 24 Beatus, presque tous du nord de l'Espagne, le seul Beatus français étant celui de Saint-Sever. Ses magnifiques peintures sont reproduites intégralement pour le plaisir des yeux sur le site suivant :
- http://beatus.saint-sever.fr/frameset/index.htm
- - Abbaye Saint-Girons d'Hagetmau (Via Lemovicensis, voir carte).
- et Abbaye de Saint-Loubouer (Leborius), attestées auntout début du XIe siècle.
- Le fondateur de Saint-Loubouer pourrait être un fils de Guillaume, mais une tradition attribue le premier établissement monastique à Leborius lui-même, un ermite, dit-on.
- - Abbaye de Cagnotte (fin du XIe s., Via Turonensis)
- - Abbaye de Sainte-Quitterie ou Abbaye du Mas d'Aire, aujourd'hui Aire sur l'Adour, qui daterait plutôt de Pierre II, évêque d'Aire de 1092 à 1099 (le chevet de l'abbatiale est, cependant, en partie antérieur) ou encore des religieux venus de l'abbaye de la Chaise-Dieu, dans le diocèse de Clermont.
- - Abbaye prémontrée Sainte-Marie d'Arthous, à Hastingues, fondée vers 1160, dans le pays d'Orthe.
- - Abbaye de Divielle, à Goos, fondée vers 1120 et prémontrée vers 1132.
- SOURCES :
- IMAGES
- Photos de Pierre Bardou :
- http://crdp.ac-bordeaux.fr/bardou/search.asp (sorde-abbaye, mosaïque, chapiteau, église de Pimbo)
- http://www.patrimoine-mosaique.org/Programme.htm (sorde-hôpital des pèlerins)
- http://www.landes.org/fr_tourisme_patrimoine_architecture_listes.asp?ident=sord (sorde, vue du gave)
- http://members.aol.com/ffctcodep40/sorde.jpg
- http://www.francebalade.com/service/hotelaquitaine.htm (sorde transept)
- http://www.mairie-guiche.fr/histoire/ (sorde portail nord)
- http://www.santiago-compostela.net/pix/chemin068.jpg (détail portail Pimbo)
- http://www.crt.cr-aquitaine.fr/pdf/carte_aquitaine_sud_FGB.pdf (carte des Landes)
- http://www.edilan.es/hojas/0006e.htm (beatus de St Sever, fol 012v)
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