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La Moyenne-Egypte |
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- Ce n'est pas seulement la Basse-Egypte, mais toute l'Egypte, nous allons le constater, qui est un théâtre très actif du monachisme chrétien des premiers siècles.
- Un disciple de Pachôme (Pacôme), Apollon (Apollo) fonde Baouit (Bawit, Deir Abu Abullu, en arabe), en Moyenne Egypte, où Rufin (Rufinus) d'Aquilée* compte cinq cents cellules vers 385/90.
- L'évocation de la moyenne Egypte nous permet de parler des femmes. De nombreuses femmes, en effet, connaissaient le même élan pour la vie érémitique ou cénobitique, et Pallade* (Pallade d'Helenopolis, Palladius, environ 363 - 431) en témoigne dans son Histoire Lausiaque, à propos des moniales d'Antinoé (ou Ansina), la romaine Antinoopolis (Antinopolis, auj. el-Sheik Ibada). Située à quelques dizaines de kilomètres au-dessus de Bawit, cette cité a été fondée par l'empereur Hadrien (76-117-138), en mémoire de son favori Antinoos (Antinous, vers 111-130).
- "Sur le rebord du bassin dAntinoé, capitale de la Thébaïde, quatre laures sont installées dans les carrières de la montagne : 30 cellules à Deir al-Dik, une dizaine à Sumbat et Barsha, près de 40 au martyrium de Colluthus à Abou Hennis".
- texte de Marguerite Rassart-Debregh (Archéologue. Membre de la MSAC, Président sortant de l'Ass. francophone de Coptologie) extrait de la page web :
- http://www.coptic.org/music/kellia.htm
- Voici donc ce qu'évoque Pallade, à propos des moniales d'Antinoé :
"A Antinoé, se trouvent douze monastères de femmes; jy ai rencontré Amma Talis, une vieille moniale qui pratiquait lascèse depuis quatre-vingts ans, disait-elle, ce que ses compagnes confirmaient. Avec elle habitaient soixante jeunes filles, qui laimaient tellement quil ny avait pas de clé à la clôture du monastère comme dans les autres : lamour de la vieille femme les retenait. Celle-ci était parvenue à une telle paix du cur que, lorsque je fus entré, elle vint sasseoir à côté de moi et posa ses mains sur mes épaules avec une totale liberté.Lune de ses disciples, nommée Taôr, qui était au monastère depuis trente ans, navait jamais voulu accepter de vêtement neuf , ni de capuchon, ni de chaussures : Je nen ai pas besoin, disait-elle, ainsi je ne serai pas forcée de sortir. En effet, toutes les autres vont à léglise le dimanche pour la communion. Mais Taôr, vêtue de haillons, restait au monastère, assise à louvrage, sans interruption. Son visage était si parfaitement gracieux que même les plus fermes étaient séduits par sa beauté, mais sa chasteté était sa sauvegarde, et par sa modestie, elle ramenait le regard trop hardi au respect et à la crainte.
Le second passage nous rapporte un fait vécu dans un monastère pachômien de quatre cents moniales :
Les femmes sont dun côté du fleuve, les hommes en face. Quand une moniale meurt, les moniales, après lui avoir fait sa toilette funèbre, vont la déposer sur la rive du fleuve. Les frères traversent en barque, tenant des palmes et des rameaux dolivier et ils lemportent de lautre côté au chant des psaumes pour lenterrer dans leurs propres tombeaux. En dehors de cette occasion, personne ne traverse pour aller au monastère des femmes, sauf le prêtre et le diacre, chaque dimanche.
Il arriva dans ce monastère laffaire que voici : un tailleur séculier qui cherchait du travail avait traversé par ignorance. Une novice qui était sortie - lendroit, en effet, était désert, le rencontra sans le vouloir et lui donna cette réponse : Nous avons des tailleurs à nous. Une autre avait été témoin de la rencontre. Au bout dun certain temps, à loccasion dune dispute, sous une inspiration diabolique et poussée par la méchanceté et une colère intense, elle dénonça la sur en communauté. Dautres sempressèrent dappuyer laccusation par pure perfidie. La novice, accablée par cette calomnie quelle-même naurait jamais pu imaginer, ne put le supporter : elle alla en cachette se jeter dans le fleuve et mourut. A son tour, la dénonciatrice, reconnaissant quelle avait calomnié par méchanceté et commis cet acte atroce, ne put lassumer et sétrangla. Les autres s annoncèrent la chose au prêtre quand il vint. Il ordonna dabord quil ny ait pas de service funèbre, ni pour lune ni pour lautre; quant à celles qui non seulement ne les avaient pas mises en paix mais avaient été complices de la dénonciatrice, ou avaient cru à ses dires, il les exclut de la communion pour sept ans.
Enfin, cette histoire vraie, tirée de la vie quotidienne :
Il y avait dans ce monastère une sur qui feignait dêtre folle et possédée du démon : on lavait prise en aversion au point de ne pas manger avec elle, et cest ce quelle voulait. Elle traînait à travers la cuisine, remplissant toutes sortes de services, véritable éponge du monastère comme on dit; elle accomplissait en cela ce qui est écrit : Si quelquun parmi vous prétend être sage en cette vie, quil se fasse fou pour devenir sage (1Co 3,18). Elle sétait attaché des haillons sur la tête - les autres sont tondues et ont des capuchons - et cest ainsi quelle faisait le service. Aucune des quatre cents moniales ne la vit manger de sa vie. Jamais elle ne sassit à table, ni ne reçut un morceau de pain : elle se contentait des miettes quelle épongeait sur les tables et de ce quelle lavait dans les marmites. Elle noffensa jamais personne, ne murmura pas, nouvrit pas la bouche, bien quelle soit battue à coups de poings, injuriée, couverte dinsultes et détestée.
Un ange apparut au saint Piteroum, solitaire établi en Porphirite, homme digne dadmiration, et il lui dit : Pourquoi as-tu si haute opinion de toi-même parce que tu es vertueux et fervent et que tu habites le désert? Veux-tu voir une femme plus vertueuse que toi? Va au monastère des femmes tabénnésiotes et là tu en trouveras une portant un bandeau de loques sur la tête : elle est meilleure que toi. Car tout en luttant contre une telle foule, elle na jamais éloigné de Dieu son cur. Tandis que toi, demeurant ici, tu tégares en pensée à travers les villes. Et lui qui nétait jamais sorti sen alla jusquau monastère des femmes et il demanda aux supérieures lautorisation dy pénétrer; celles-ci lintroduisirent en toute confiance, car il était célèbre et dun âge avancé. Il entra donc et réclama de les voir toutes. La sur en question ne se présenta pas. Finalement, il leur dit : Amenez-les-moi toutes, car il en manque une. Elles lui répondirent : Nous en avons bien une à la cuisine : cest une idiote. Il leur dit : vu-moi aussi celle-là, laissez-moi la voir. On alla lui parler. Elle ne voulut pas obéir, pressentant la chose ou peut-être même en ayant eu la révélation. On la traîna de force en lui disant : Le saint Piteroum veut te voir. Car il était célèbre. Quand elle fut devant lui, il considéra les haillons quelle avait sur la tête et il tomba à ses pieds en disant : Bénis-moi. Elle tomba à ses pieds à son tour : Toi, mon Seigneur, bénis-moi, lui dit-elle. Les autres furent toutes hors delles et dirent au vieillard : Abba, que cet affront ne taffecte pas : cest une idiote! Piteroum leur répondit : Cest vous qui êtes des idiotes! Car elle est notre Amma, notre mère à moi et à vous - cest ainsi quon appelle celles qui ont atteint la véritable vie spirituelle - et je demande dans mes prières dêtre trouvé digne delle au jour du jugement.
- A ces mots, toutes tombèrent aux pieds de la sur, confessant différentes choses : lune davoir versé sur elle la lavure de lécuelle, une autre de lavoir rouée de coups, une autre de lui avoir frotté le nez avec de la moutarde : chacune avait un affront différent à avouer. Après avoir prié pour elles, Piteroum repartit. Quelques jours après, ne pouvant supporter lestime et le respect de ses surs et accablée par les excuses, la sur quitta le monastère; où elle partit, comment elle finit ses jours, personne ne la jamais su."
Extrait d'une remarquable étude sur les origines du monachisme chrétien, par sur Véronique Dupont, de l'abbaye bénédictine de Venière, en Saône-et-Loire, dans (http://www.scourmont.be/studium/dupont/)
- En Egypte ou ailleurs, de nombreuses femmes, en effet, connaissaient le même élan que les hommes pour la vie érémitique ou cénobitique. Elles y entraient parfois seules, vierges ou veuves, parfois avec leur époux ou leur frère, comme saint Pacôme ou (en Cappadoce) saint Basile, dont leurs surs respectives ( on connaît mieux Macrina, ou Makrina, la sur de Basile) avaient fondé des monastères de moniales.
- En Egypte, encore, on trouvait des monastères de femmes un peu partout : à Pempton, Oktokaidekaton, Eikosion, Maphora, Kalamon, etc...
- * PALLADE : "Pallade fut disciple dEvagre. Il mit par écrit la vie des moines quil connut dans le grand désert, et son livre lHistoire Lausiaque nous est très précieux pour la connaissance de lhistoire du monachisme égyptien. Cet ouvrage fut composé à la demande et à la destination du chambellan Lausus - doù le titre de ce livre. En effet, Pallade, moine dEgypte de 388 à 400, avait été ordonné évêque dHélénopolis, en Asie Mineure (Bithyinie) en 400. Ami de Jean Chrysostome, il est accusé dorigénisme par Jérôme et exilé en Haute Egypte. Menant la vie monastique à nouveau, au mont des Oliviers, à Bethléem et en Thébaïde, il retrouve un siège épiscopal en Galatie avant lan 420.
Son livre vise à retracer "les observances excellentes et la conduite admirable des saints et bienheureux Pères, ceux-là qui prirent sur eux le joug du monachisme et fuirent au désert". Pallade parle donc de moines et de gens du désert. Il est le premier auteur connu à employer le terme PERES DU DESERT."
- texte de Véronique Dupont, cité plus haut
- * RUFIN D'AQUILEE : "Turranius Rufinus ( Tyrannius Rufinus) naquit à Concordia, non loin d'Aquilée, vers 345. Il perfectionna ses études à Rome, où il resta dix ans, et devint un familier de S. Jérôme. Après quelques années dans un monastère à Aquilée, Rufin se rendit en Égypte, où il rencontra Mélanie l'Ancienne, avec laquelle il partit pour la Palestine. Il revint en Égypte pour fréquenter l'école de Didyme et retourna enfin en Palestine vers 380 pour fonder un monastère. En 397, Rufin s'installe à Rome et, en 401, à Aquilée ; là, il se consacra à la traduction des ouvrages d'Origène pour défendre celui-ci contre des accusations d'hérésie. Fuyant les Goths, il arriva vers 410 en Sicile, où il mourut. Rufin fut avant tout traducteur ; il a principalement traduit Origène."
- texte extrait de la page web : http://www.editionsducerf.fr/html/fiche/ficheauteur.asp?n_aut=4075
- De nombreux monastères furent fondés à Antinoé et dans sa région : A deux kilomètres à peine au nord de cette cité, on connaît les monastères de Sanbat et de Nasara (Deir ou Dayr Sanbat et Deir al-Nasara). Deux kilomètres plus loin, se trouvait une laure fondée, semble t-il, par Apollo, Al-Dik (Deir al-Dik, Dayr-ad-Dik), fin IVe ou début du Ve siècle. Au sud, près de Mallawi (ou Malawi, auj. Deir-El-Barsha), Deir Abu Hinnis (ou Hennis) fut fondé par Jean le Petit (saint Jean Colobos ou Kolobos, Anba Yoanis), ayant fui comme Bischoï les exactions bédouines de 407.
- "Dans la montagne qui domine Lycopolis-Assiout, Deir al-Izam, lermitage de Jean de Lyco, très isolé sur le plateau, est entouré de quatres sites monastiques installés au-dessous dans des carrières et tombes : al-Muttin, Durunka, Rifa et Sawirus. Dans leur prolongement, espacées de 5 à 10 km, viennent les laures dapa Apollo à Balayza, dapa Thomas au ouadi Sarga, dapa Macrobe à deir al-Ganadla."
- texte de Marguerite Rassart-Debregh, cité plus haut
- A la limite de la Haute-Egypte, au nord-ouest d'Assiout, on trouve le monastère d'El-Moharraq (Al-Moharraq), au sud de Nazali Ganub, fondé au IIIe siècle sur le mont Qusqam (Qosqam), qui aurait abrité la "Sainte Famille" durant pas moins de six mois lors de son périple en Egypte. Inutile de préciser que ce monastère est dédié à la Vierge !
- Sources :
- - http://www.lib.utexas.edu/maps/egypt.html (carte du Sinaï)
- - http://www.touregypt.net/featurestories/bawit.htm (Baouit)
- - http://touregypt.net/featurestories/thebescoptic.htm
- - http://www.touregypt.net/featurestories/westbanktemples3.htm
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