ENCYCLOPEDIE -DE--LA--LANGUE -FRANCAISE

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--Des origines -
aux
temps des Mérovingiens--
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La Grande Bretagne

 

 
INTRODUCTION
 

On sait, sans en connaître les détails, que le christianisme s'était introduit avant le IVe siècle sur l'île que les Romains appelleront Britannia (auj. Grande Bretagne). Pour la situation géographique, voir la carte générale sous l'empire romain et Cartes de Grande Bretagne (Royaume uni) On devine les choses, surtout, quand on sait, par exemple, que des évêques d'York, de Londres ou de Colchester se trouvaient au concile d'Arles en 314, dont un certain Eborius (Yvor, Ifor) ou que d'autres évêques bretons (Brittonum, Brittons, Brythons) étaient présents au concile de Rimini en 359.

Vers la fin du siècle, la présence monastique nous est témoignée, sans que nous pouvons dire avec certitude si elle n'en est pas bien antérieure. Toujours est-il que le premier témoignage monastique qui nous est parvenu est, semble t-il, celui de Ninian (ou Nynia, Ninias, Ninus, Dinan, Ringan, Ringen, v. 360 - 432).

Site archéologique de Candida Casa, à Whithorn. Vestiges du prieuré du XIIe siècle.

Peu de choses nous sont connues de Ninian, à part la Vita d'Ailred, Sanctus Niniani, écrit au XIIe siècle. Ninian était sans doute de naissance royale, originaire de la vallée du Solway. Son père était probablement un roi chrétien de Cumbrie (Cumbria) qui l'avait fait baptiser. Le jeune homme fit un voyage à Rome et semble l'avoir atteint au temps du pape Damase (Damasus, 366-384), peut-être vers 370. Elevé à l'épiscopat vers 394, par le pape lui-même, probablement Siricius (385-399) et envoyé comme évêque en Grande Bretagne, s'arrêtant sur le retour chez saint Martin de Tours, le faisant accompagner, peut-être, par des maçons et des artistes. Il débarque à Whittern (Quhithern, Witerna), auj. Whithorn Isle, l'île de Whithorn qui, en fait, n'en est pas une, au sud de le la Caledonia (Calédonie : la future Ecosse), dans le comté de Wigtonshire (ou Witgtownshire) dans la région de Galloway, au sud-ouest de l'Ecosse.. C'est là qu'il fonde vers 385-397 le monastère de Candida Casa (traduction latine du picte "Hwit Aerne" : la "Maison Blanche" ou la "Maison Eclatante", mais aussi Magnum Monasterium, Monasterium Rosnatense, Rosnat, Monasterium Alba), couvent dédicacé à saint Martin. C'est de là aussi qu'il partira pour évangéliser les Brittons et les Pictes du Sud.

On sait aussi que, comme dans toute la chrétienté, se développent des idées s'opposant aux doctrines officielles, que celles-ci nomment hérésies. Nous savons que l'évêque de Rouen, Victrice, est envoyé pour pacifier la chrétienté bretonne en 396 et que celui d'Auxerre, Germain (Germanus, Garmon en gaélique), fondateur du monastère Saint-Cosme-et Saint-Damien d'Auxerre, y vient combattre le pélagianisme par deux fois, en 430 avec saint Loup (Lupus, Bleiddin en gaélique) de Troyes, et en 445 avec Vence et Sévère (Severus), évêque de Trèves. C'est lors d’une célèbre bataille dite "de l’Alléluia" que Germain mit en fuite les redoutables envahisseurs Pictes et Saxons.

C'est dans ce contexte que naît, à Lann Ebrdil (Chilstone, Child's Stone, auj. Madley, dans le Herefordshire), une autre figure chrétienne emblématique : Dubricius (Dubric, Dibric, Dyfrig, Dévereux), fruit présumé de l'union incestueuse de la princesse Efrddyl et de son père, le roi d'Ergyng, Peibio Clafrog (le lépreux), qui tenta vainement de les jeter à l'eau alors que sa fille était enceinte. Finalement, le (petit?) fils guérira le roi de sa lèpre par un baiser. Si l'histoire raconte qu'il fut fait évêque (de LLandaf) par saint Germain, on dit que le titre d'archevêque (de Caerleon) lui aurait été conféré par le roi Arthur lui-même, que Dubricus même aurait couronné à Caer Vudi ( Silchester? Woodchester?) : C'est Geoffrey de Monmouth qui l'affirme dans son Historia Regum Britanniae (1135)...Comment ça, une légende? Le moine-évêque aurait d'abord fondé le monastère de Henn Lann (Hennlan, Hentland, Hentlands, auj. Llanfrother, près de Hoarwithy, Herefordshire), puis sept ans après, Mochros (Moccas, Herefordshire), sur la rive droite de la Wye, et plus au sud, près de la Candida Casa de Ninian (voir plus haut) le monastère de Llandaf (Landaf). Il devint le maître de nombreux disciples, parmi lesquels Teilo fut son digne successeur à Llandaf ou encore Samson, émigré à Dol. Il aurait été l'ami de saint Iltud dont nous allons parler bientôt et qu'il il aurait aider lors de la fondation de Llanilltud Fawr Abbey (Llantwit Major), qu'il visitera souvent, dans le royaume proche de Glamorgan (aujourd'hui comté) : voir carte actuelle des régions de Grande Bretagne. Iltud se retira peu avant sa mort à l'abbaye d' Ynys Enlli (Bardsey), quand le pélagianisme ne fut plus une menace pour l'orthodoxie. Ses restes furent déplacés à la cathédrale de Llandaf en 1120, où son tombeau est encore visible aujourd'hui.

Les moments que nous venons d'évoquer sont une période de mutation pour l'île de Bretagne. En effet, les Bretons, menacés d'abord par les Pictes de Calédonie et les Scots d'Hibernie (Hibernia : l'Irlande) appellent au secours les Germains par la voix d'un chef local, Vortigern. Les Angles, les Saxons et les Jutes débarquent bien vers 450, mais ils ne résistent pas à remplacer les autres envahisseurs. Ils repoussent les Bretons vers l'ouest, qui se retranchent en grande partie en Cornouailles ou au pays de Galles (selon le moment, la Britannia superior ou seconda des Romains, Wales en anglais, le reste de l'île occupée étant la Britannia inferior ou prima) . Certains émigrent en Armorique, qui se nommera d'après eux, la Bretagne. C'est dans ces trois contrées que le christianisme va perdurer et, partant, le monachisme.

Pays de Galles (Ve-VIe siècles)

Restons en Bretagne insulaire, puisque le monachisme armoricain est traité dans un autre chapitre. C'est en Pays de Galles que nous nous arrêterons un peu, car il est le principal terreau du monachisme, avec la Caledonie et l'Hibernie, depuis que l'île de Brittania, comme nous l'avons-vu, a changé de mains.

Le premier nom qui nous vient à l'esprit est celui de saint Cadoc (Cadog, + v. 480, fête le 24 janvier), qui fonda dans la province de Cambrie (Cumbrie : Cumbria, comté de Glamorgan : Glamorganshire, près de Cowbridge) le monastère de Lancarvan (Llancarvan, Lancarvan, Llancarvah, "monastère (llan, lan) du cerf" ou de saint Cadvan, ou Cado, Cadoc, mais aussi Docus, Codocus, Cathmael, Cattwg, Cadvael ou Cadfael...comme le fameux héros d'Ellis Peters ? On dit que Cadoc fut aidé d'un cerf lors de la construction de son monastère...
 
Lieu inhospitalier au départ, dont les moines auraient fait un des endroits les plus riants du sud des Galles, en l'irriguant et le cultivant. Le monastère possédait un hôpital et une école très renommée. Le manuscrit gallois de Iolo livre quelques chiffres : Trois bâtiments pour mille moines, deux autres dans le Val de Neath (Vale of Neath), en Cambrie (Cambria : Cambria Sacra), de 388 squares*. Mais prudence, car la voix de Iolo n'est pas parole
d'Evangile :
"la publication du recueil de la Myfyrian Archaeology of Wales, 1801-1807, par Owain Myfyr, W.O.Pughe et Iolo Morganwg, a été très utile à la diffusion des poètes anciens. Malheureusement, la contribution de Iolo Morganwg pourrait bien être comparée à celle de La Villemarqué dans le Barzaz Breiz : faussaire génial, Iolo Morganwg a réussi à imiter le style des poètes anciens. Il prétendait avoir retrouvé des traditions druidiques miraculeusement conservées par les poètes de Morganwg(du comté de Glamorgan).Cette supercherie ne sera découverte qu'assez tard, à la fin du XIXe siècle."

extrait de : http://sportsterfrance.free.fr/celt13.htm
* soit 324 m² : 1 square yard = 0.8361 mètre carré



"Cadoc était le fils d'un voleur, un roitelet du Pays de galles, Gundleus (Swynlliw), qui, avec une bande armée de 300 hommes, avait volé la fille d'un chef voisin pour en faire sa femme. A cette occasion, 200 de ses disciples périrent et de cette union peu prometteuse est né Cadoc.

Il est à peine crédible que de ce contexte aussi barbare soit issu un prince à la fois doux et éclairé, mais cela est sans doute dû au fait que son père, cyclothymique et impulsif, avait été amené à confier son éducation à un moine irlandais, saint Tathai, supérieur d'une communauté à Swent près de Chepstow, dans le Monmouthshire. . En effet, ce dernier avait été assez hardi pour réclamer réparation après que le roi lui avait volé une vache. De ce saint homme, Cadoc a appris les rudiments de latin et après la poursuite de ses études en Irlande, a préféré la vie de prêtre à celui de prince.

On dit qu'un jour, dans sa pauvreté, pendant une famine, il était assis avec ses livres dans sa cellule et une souris blanche, sortant d'un trou dans le mur, a couru soudainement sur sa table et a fait tomber un grain de maïs. Cadoc l'a suivi et a trouvé dans la cave, au-dessous de lui, une vieille grange à blé celtique souterraine emplie de grains. Il est aussi dit qu'une fois, alors qu'il s'était caché dans un bois d'un porcher armé d'une tribu ennemie, est apparu un sanglier, blanc avec l'âge, qui, dérangé par sa présence, a tracé trois bonds féroces dans sa direction et disparut ensuite. Cadoc marqua ces endroits avec trois branches d'arbre et c'est là que fut érigé le site de sa grande église et l'abbaye de Llancarvan, dont il prit lui-même une part active dans sa construction.

On raconte aussi que, alors qu'une bande de voleurs était venue pour piller le monastère, Cadoc et ses moines sont partis les rencontrer avec leurs harpes, chantant, et les maraudeurs avaient été si étonnés par leur attitude et si enchanté par la musique qu'ils s'étaient retirés.

Toujours à propos des voleurs, par un jour heureux où sur la rivière les moines témoignaient publiquement de la profession de leur foi. Le roi son père s'était alors converti et le père et le fils avaient ensemble récité le Psaume : "le Seigneur les entend au jour du malheur"

Cadoc plus tard, fuyant les Anglo-Saxons, prit refuge dans l'Île de Flatholmes puis en Armorique, où il établit un autre monastère dans une petite île, sur laquelle il construisit un pont de pierre pour que les enfants puissent se rendre à son école. Finalement il est retourné en Grande-Bretagne et, obéissant à sa propre maxime : "Veux-tu connaître la gloire ? Marche à la tombe," il quitta son propre monastère de Llancarvan et vécut parmi les occupants Saxons pour consoler les chrétiens indigènes qui avait réchappé aux massacres des envahisseurs païens. C'était à Weedon dans Northamptonshire et là, il a connu le martyre. En célébrant lun jour la messe, le service a été violemment perturbé par des cavaliers Saxons et Cadoc fut assassinéalors qu'il servait à l'autel

texte extrait de : http://www.saintpatrickdc.org/ss/0925.htm#cado
traduction de l'encyclopédiste

Llantwit Major, pierre, IX-Xe s.
A gauche, croix de Saint Iltud ou de Saint Samson, où on peut lire SAMSON POSUIT HANC CRCEM PRO ANIMA EIUS, "Samson a placé cette croix pour son âme", et au revers, ILTUTI SAMSON REGIS SAMUEL EBISAR : "pour l'âme d'Illtus, le roi Samson , Samuel, Ebisar.
A droite,pilier ou stèle de Samson, de 2.75 m de haut. Il y est inscrit : IN NOMINE DI SUMMI INCIPIT CRUS SALVATORIS QUAE PREPARAVIT SAMSONI ABATI PRO ANIMA SUA ET PRO ANIMA IUTHAHELO REX ET ARTMALI ETTECAN : Au nom du Dieu très haut, de la croix du Sauveur, l'abbé Samson prépare son âme et celles du roi Iuthahelo et d'Artmail de Tecan.

Après Cadoc, c'est de l'abbé Iltud (Iltut, Iltutus, Iltyd, Illtud, Illtyd, né vers 425, fête le 6 novembre), son disciple, qu'il faut parler, qui était peut-être un parent du fameux roi Arthur. Il continua de diffuser la culture et la spiritualité qu'il reçut de saint Cadoc en son propre monastère qui portera son nom, Llaniltud (ou Laniltud, le monastère d'Iltud, Llantwit), puis Llanitud Fawr ou Llaniltyd Vawr, situé tout près du Llancarfan de Cadoc, dans le Glamorganshire.

 

" Iltud est né en Grande-Bretagne, dans le royaume de Glamorgan. Pour suivre l'exemple de son père, il s'engagea dans l'armée et s'éleva rapidement au rang honorifique. Mais sur les conseils de Saint Cado, abbé de Lancarvan, il se retira en dehors du Monde, et lorsque St Germain d'Auxerre vint en Grande-Bretagne, il devint luis même l'un de ses meilleurs élèves; il fut nommé abbé par celui-ci la deuxième fois qu'il vint dans le pays des Bretons.
Iltud installa alors, proche de Lancarvan, sur le bord de mer, le monastère réputé qui porte son nom ; là furent éduqués saint Divi, saint Pol, saint Samson, saint Leonor, saint Magloar, saint Gildas [mais aussi le barde Taliesin, NDE], et un grand nombre d'autres encore qui devinrent la lumière ha et les fondateurs des deux Bretagnes, par leur savoir* et leur sainteté.
A Laniltud, ce n'était seulement l'esprit qui oeuvrait, le corps avait aussi sa part de labeur. Le monastère avait été construit près d'un bras de mer, et comme il n'y avait aucune digue, la mer ne cessait de l'entamer. Voyant cela, les évêques vinrent trouver Iltud pour lui demander de faire en sorte d'arrêter l'avancée de la mer. Ainsi, un jour de très basse mer, le saint abbé prit son bâton et descendit sur le rivage avec ses élèves, lorsque la mer était au plus loin. Il traça un sillon sur le sable et ses évêques construirent un talus à cet emplacement pour arrêter les coups de boutoir de la mer. Quand le travail fut presque achevé, il pria Dieu de faire que la mer restât là où elle était, jusqu'à ce que le talus construit par ses hommes fut bien accroché, et depuis, la mer laissa découvert un large bande de terre entre le monastère et elle. Cette terre fut cultivée et rendit des récoltes des plus belles.
Iltud, illuminé de la gloire que lui faisaient ses élèves, renommé par ses vertus, fatigué de labeur et de vieillesse, mit un autre à sa place à la tête de son monastère, et se retira dans son propre ermitage, pendant trois ans. Il avait de toujours fait pénitence; à partir de ce moment là, il en fit encore d'avantage.
Enfin, il eut envie de revoir ses élèves une fois encore avant de mourir; il descendit donc sur leur traces en Pays d'Armor(ique). Il mit pied à terre à Dol (de Bretagne); là, il vit Samson et Magloire, et c'est là qu'il mourut, plein de Vérité, à l'age de cent ans environ.
Le nom de saint Iltud durera tant que durera la foi en Bretagne.
Deux paroisses de l'évêché de Saint-Brieuc et Tréguier l'ont pris pour patron : Coadout et Landebaeron; elles conservent encore certaines de ses reliques. Son pardon est suivi, à Coadout, le deuxième dimanche du mois de Juillet.. On l'invoque pour les animaux"
texte breton de 1912 ; Traduction française JC Even
extrait de http://marikavel.net/iltud.htm.
* l’abbé tient à dispenser une instruction fondée à la fois sur les arts profanes – grammaire, dialectique, rhétorique, géométrie, arithmétique, astronomie et musique – autant que les arts sacrés, Bible, patrologie, philosophie, afin de mieux réfuter les arguments des anciens.


Sources :

http://www.aboutscotland.com/whithorn/priory.html (photos vestiges Candida Casa)
http://www.newadvent.org/cathen/15585a.htm
http://www.britannia.com/bios/ebk/dyfrig.html
http://www.cymru9.fsnet.co.uk/page14.html

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