Les éléments de biographie ci-dessous ont été rédigés à partir de notre traduction faite du texte de Fred Aprim sur le site : http://assyria.nineveh.com/Hun.htm
La vie et l'oeuvre d'Hunayn Ibn Ishak sont bien connues par son autobiographie écrite sous forme de lettres à Ali Ibn Yahya. (Les deux manuscrits se trouvent dans la Mosquée de Sofia Aya à Istanbul, ils ont été traduits en allemand par G. Bergestrasser, Leipzig, 1925) Originaire d'Hira, près de Bagdad , Hunayn est le fils d'un pharmacien Nestorien. Il a marché dans les pas d'autres médecins Nestoriens comme Jirgis (Giwargis) fils de Bakhtishu (né vers 771) le doyen de l'hôpital Jundi-Shapur (sud-ouest de la Perse ). Jundi-Shapur était connue alors pour son académie de Médecine et de Philosophie fondée vers 555. On ne connaît rien du Bakhtishu cité , mais cette famille devait être importante, puisqu'on le retrouve plusieurs fois dans les textes sur l'histoire de Bagdad.
Dès 765, le Calife Al-Mansur, affligé par une maladie d'estomac qui avait déconcerté ses médecins, avait appelé Bakhtishu, qui a bientôt gagné la confiance du calife et est devenu le médecin de cour, quoiqu'il n'ait pas renoncé au Nestorianisme. Invité par le calife pour embrasser l'Islam, son médecin répliqua qu'il préférait la société de ses pères, qu'ils soient au ciel ou en enfer. Bakhtishu est tout de même devenu à Bagdad le fondateur d'une famille brillante pour six ou sept générations, et a exercé un monopole de la pratique médicale presque continûment sur la cour califale . Jibril (Gabriel) fils de Bakhtishu, est devenu vers 801 le médecin en chef de l'hôpital de Bagdad sous le Calife Al-Rashid et,vers 805, le médecin privé du calife jusqu'à sa mort en 829.
- Hunayn Ibn Ishaq, commence comme jeune élève auprès de Yahya (Youkhanna) Ibn Massawayh, chrétien jacobite de culture arabe, connu sous le nom de Jean Mésué* (ou Mesué) l'Ancien, qui eut le privilège d'être le médecin de six califes successifs]. Massawaih avait été l'élève d'Ibn Jibril Bakhtishu. Il est dit que Massawayh, las des interrogations perpétuelles d'Hunayn, lui a dit : "Qu'est-ce que les gens d'Al-Hira ont à faire avec la médecine ? Va et occupe-toi plutôt de faire du change dans le bazar." Le jeune Hunayn quitta en larmes le service de Masawayh , mais se prit en charge lui-même pour étudier le grec dans "la terre des grecs", où il est resté pendant 2 ans. Il obtint ainsi une connaissance satisfaisante de la langue grecque et devint familier avec la critique textuelle développée à l'école Alexandrie. Puis, il séjourna quelque temps à Basra où il suivit les cours de l'école populaire d'Ibn Al-Khalil Ahmad (Al-Faraheedi), où il en vint à parler couramment l'arabe avant de revenir à Bagdad, vers 826. Il est alors présenté par Gabriel Bakhtishu, désormais médecin ordinaire du calife Al-Ma'mun (Al Mamoun), à Ibn Musa Shakir et ses fils, connus comme les Banû Musa (les Fils de Musa), qui dirigeaient l'académie de Bagdad fondée par Mamoun : "la Maison de la Sagesse" (Dar Al-Hikma), dont le calife confiera la gestion à Hunayn. Hunayn avait ainsi la direction de tout le travail de traduction scientifique, dans lequel il a aimé la collaboration de son fils Ishaq Hunayn, ainsi que celle de son neveu Hubaysh Al-Hasan, qu'il a tous deux formés. Le travail de traducteur effectué par Hunayn était hautement apprécié par le calife Mamûn, si l'on en juge le prix auquel ce dernier rétribuait ses traductions : environ 500 dinars par mois, qu'il faut ajouter au poids en or de chaque livre traduit.
- * JEAN MESUÉ L'ANCIEN (777, Khouz - 857, Bagdad) : Abu Zakariya Yahya Ibn Masuyah (ou Masawayh), appelé Joannis Mesuae, Jean Mésué, en Occident. Issu d'une famille de médecins persans de Gondashepur (Gondishapur, Gondeshapur, Jondishapoor, Jundi Shapûr), traducteur en arabe des versions syriaques de Galien réalisées par Sergius de Rhésine. Son traité le plus célèbre est sans doute le Recueil des sentences médicales ou des aphorismes médicaux (en arabe An-Nawadir at-Tibiya, en latin Aphorismi).
Al-Ma'mun mourut vers 833, lui succédant Al-Mu'tasim, et avec lui une période instable qui annonce le déclin de la Maison de la Sagesse. Quelques retournements politiques plus tard, le calife Al-Mutawakkil (847-861), bien que fanatique et sadique, redonna du brillant à Dar Al-Hikma, et fut patron généreux pour la recherche scientifique. Pendant son règne, Hunayn a atteint le sommet de sa gloire, non seulement comme traducteur, mais encore comme praticien, quand il fut nommé par le Calife comme son médecin personnel. Al-Mutawakkil, cependant, osa mettre son médecin en prison pendant une année, pour avoir refusé, contre une très généreuse récompense, d'inventer un poison contre un ennemi. Le calife ayant fini par le menacer de mort, Hunayn lui répondit :
"Ma compétence consiste à apporter à autrui un bénéfice et n'ai rien étudié d'autre que cela". Appelé alors par le calife, qui prétendit qu'il avait voulu simplement évaluer l'intégrité de son médecin, le souverain lui demanda alors ce qui l'avait empêché de préparer le poison mortel. Hunayn répondit :
"Deux choses : ma religion et ma profession. Ma religion décrète que nous devons faire du bien, même à nos ennemis, combien plus à nos amis. Ma profession, elle, est instituée pour le bénéfice de l'humanité et se borne à la fois d'alléger les souffrances et de guérir. Deplus, chaque médecin prononce le serment de ne jamais donner la mort par sa médecine."En 861 Al-Mutawakkil est assassiné par ses gardes turcs, à l'instigation de son fils. Hunayn fut apprécié de ce fils, Al-Montasir (861-862) et de ses successeurs Al-Mosta'in (862-866), Al-Mo'tazz (866-869), Al-Muhtadi (869-870) et Al-Mu'tamid (870-892). La mort le trouva en plein travail d'une traduction de Galien, De constitutione artis medicae. L'année de ce décès est datée de 873 selon le Fihrist, ou de 877 selon Ibn Abi Usaibi'a.
Des nombreux travaux sont attribués à Hunayn, et certains doivent sans aucun doute être crédités à ses deux collaborateurs, son fils et neveu, et à d'autres étudiants de son école, comme Isa Ibn Yahya Ibn Ibrahim (Essa Youkhanna Oraham) et Musa (Moshe) Ibn Khalid. Presque tous les scientifiques d'importance qui succédèrent à Hunayn furent ses élèves, comme Ibn Staphanos Basilos (dit Stéphane), qui a traduit Dioscoride en syriaque, version alors traduite en l'arabe par Hunayn lui-même pour les Banû Musa. Dans de nombreux cas, Hunayn procédait à la traduction initiale du grec en syriaque, et ses collègues traduisaient à leur tour du syriaque en arabe. L'Herméneutique d'Aristote, par exemple, a été d'abord traduite du grec en syriaque par Hunayn, le père et ensuite du syriaque en arabe par le fils Ishaq, qui était le meilleur de son équipe dans cette langue. Il deviendra d'ailleurs, par la suite, le traducteur le plus important des travaux d'Aristote. Hunayn traduisit ou révisa non seulement les uvres qui ont été citées, mais aussi celles de Platon, dAristote, dAutolycus, de Menelaüs, dApollonius de Tyane, dAlexandre dAphrodise; dArtémidore d'Ephèse, etc...
Enfin, Hunayn aurait traduit au total en syriaque 20 livres de Galien : 2 pour le fils de Gabriel Bakhtishu, 2 pour Ibn Salmawaih Bunan, 1 pour Gabriel Bakhtishu et 16 révisions de traduction effectuée par Sargis Al-ras'ayni de Ras Al-'ayn sur la Rivière Khabur, qui a traduit le célèbre Corpus Galénique.
Il aurait écrit lui-même différents traités :
- Kitab al-Masa'il al-Ttibbiyah,
- Kitab al-Aghdiya, Livre sur la nutrition