Dans ce deuxième préambule aux premières bibliothèques monastiques, nous faisons un détour par Rome car, sans vestiges des premières, il nous faudra tenter de nous représenter les plus luxueuses d'entre-elles par le biais des bibliothèques profanes de l'Empire Romain, dans lequel se développe en majeure partie la religion chrétienne. Nous verrons alors que de la même manière que l'atrium, ou la palestre, la bibliothèque romaine adopte le péristyle dans son architecture, ce vaste espace de méditation, de discussion ou de lecture emprunté à l'école péripatéticienne d'Aristote. Il se prolongera en Occident dans le cloître de nos monastères, jusque dans ses détails : les salles principales s'ouvrent sur une ou plusieurs galeries du péristyle, celui-ci cerne un jardin aéré, très souvent agrémenté d'un bassin.
Pour désigner le lieu de la bibliothèque, les Grecs et les Romains usaient d'un mot issu du mot grec biblios désignant le livre de l'époque, rouleau de papyrus, puis codex de parchemin. C'est le terme bibliotheca (en grec : bibliothékê, bibliotheka) dont il s'agit, que l'on retrouve dans le nom de célèbres bibliothèques publiques romaines, telle la Bibliotheca Apollinis Palatini de l'empereur Auguste ou la Bibliotheca Ulpia fondée en 114 et contenant près de 40000 rouleaux. Ces deux bibliothèques étaient divisées en deux bâtiments, une section latine et une autre grecque, tradition reprise par l'empereur Hadrien dans sa villa d'Athènes, dont la bibliothèque nous a été décrite par le voyageur Pausanias le Périégète dans son grand tour de la Grèce, écrit entre 143-161, dit Périégèse ( periegesis ou periodos gês, de "periodos", circuit, tour et "ges", terre, monde) sorte de guide touristique sur l'Hellade (la Grèce antique) :
"La bibliothèque d'Hadrien se composait d'un grand bâtiment qui occupait toute l'aile d'une grande cour à péristyle, qui ressemblait comme une soeur à celle d'Alexandrie. Le bâtiment comportait une salle principale (la bibliothèque proprement dite) des salles de lecture et de conférence. Le voyageur Pausanias (115-180) la décrivait ainsi : "Hadrien a fait élever dautres édifices à Athènes : un temple dHéra et de Zeus Panhellénious, un sanctuaire commun à tous les dieux ; et, ce qui est le plus remarquable, un ensemble de cent colonnes en marbre de Phrygie. Les murs sont faits du même matériau que les portiques. Il y a des salles qui ont des plafonds dorés et décorés dalbâtre ; elles sont ornées en outre de statues et de peintures. On y met des livres »- (Pausaniou Hellados periegesis, en grec, Pausaniae Graeciae descripto, en latin : Description de la Grèce par Pausanias, Paris, 1814-23, tome I, Attique-Corinthie"
- Bibliothèque d'Hadrien à Athènes (Grèce, vers 132) détruite en 267 par lors d'une invasion des Hérules
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- 1. Vestiges d'une aile du péristyle
- 2 Reconstitution générale
- Bibliothèque d'Hadrien à la Villa Hadriana de Tivoli (Italie, 118-134)
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3. Reconstitution d'une salle de bibliothèque.- 4 et 5. Bibliothèque des collections grecques, vue d'ensemble et détail (sol)
- 6 et 7. Bibliothèque des collections latines, vue d'ensemble et détail (traces des étagères)
- Bibliothèque de Celsius à Ephèse (Turquie, vers 135)
- Elle fut bâtie par le Consul Gaius Julius Aquila en mémoire de son père Julius Celsus Polemaeanus, qui y fut enterré.
- Elle aurait contenu près de 12000 volumes, répartis dans des niches le long des murs, sur des rayonnages ou dans des meubles.
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- -8. Façade de la bibliothèque.
- -9. Inscription d'époque où l'on reconnaît en partie le mot BIBLIOTHEKE.
- 10. Reconstitution de l'intérieur de la bibliothèque.
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