ENCYCLOPEDIE -DE--LA--LANGUE -FRANCAISE -ABBAYE
ARTS au temps des Mérovingiens
tCalligraphie Enluminure 1ère partie- ---
- Calligraphie
- Enluminure
- Introduction
- Les manuscrits
- Luxeuil
- Laon
- Chelles
- Durrow
- Evangile d'Echternach
- Codex Amiatinus
Calligraphie
Avant l'apparition de la caroline, les textes étaient rédigés en écriture cursive, et chaque région manifestait en matière de calligraphie des caractères propres, ce qui permet aux historiens de cerner souvent l'origine des manuscrits.
La plus célèbre cursive mérovingienne est la minuscule de Luxeuil, dont les traits principaux sont : des caractères serrés les uns aux autres, parfois à l'extrême et se chevauchant, et où abondent souvent les ligatures (réunion de plusieurs lettres en une seule) : voir le Lectionnaire de Luxeuil, en particulier.
La marque celtique se lit surtout dans les lettres fondues entre elles pour abréger un mot ou leurs contours en pointillés, traits marquants de l'Evangéliaire de Durrow, par exemple.
Enluminure
- Introduction
L'enluminure mérovingienne naît à la fin de la dynastie, au VIIe siècle, mais connaît rapidement un certain essor. L'Italie du Nord connaissait déjà cet art depuis longtemps, héritage des Grecs et, plus loin encore, des Egyptiens. Parfois, en effet, les Romains illustraient des manuscrits et peignaient des lettrines. Il nous en reste peu de témoignages, datés surtout des IVe et Ve siècle, avec les derniers ouvrages ornés de peinture dite "illusionniste". Au VIe siècle, l'enluminure italienne prend un caractère nettement chrétien, avec les représentations typique des évangélistes, et s'enrichira au siècle suivant de l'expérience insulaire de cette forme d'art, qui s'était affirmée vigoureusement après l'introduction du christianisme en Angleterre et en Irlande au VIe siècle. La tradition celtique enrichira l'enluminure de ses entrelacs, tout droit venus du travail du métal, l'orfèvrerie surtout, mêlant par exemple figures animales et humaines de plus en plus abstraites. En effet : "(...) Il apparaît clairement, à lexamen des parchemins, que ces entrelacs en bordure sont réalisés à laide de cartons utilisés par les orfèvres. Placés dans des compartiments rectangulaires, ces modèles sont multipliables à souhait.- (...) Lexistence de matrices modèles est confirmée à la fois par létude des parchemins ainsi que par les innombrables ressemblances entre folios tirés douvrages différents.
- (...) Comme ces modèles étaient courants dans lorfèvrerie mérovingienne, les enlumineurs nhésitèrent pas à les reprendre dans leurs uvres en saidant, comme on la vu, de " patrons " sans doute fournis par les orfèvres eux-mêmes. Depuis la réorganisation et la centralisation des activités littéraires et artistiques entreprise par Charlemagne, les ateliers de copistes jouxtaient les orfèvreries. Les monastères étaient devenus des centres de culture. La prospection archéologique a permis de reconstituer lun dentre eux à Saint Gall."
- Extraits du site excellent et déjà cité de Georges Briche, à la page suivante :
- http://www.chez.com/menarpalud/technique.htm
- Mais on ne retrouve pas les motifs enluminés uniquement dans l'art du métal, mais aussi dans le textile, en particulier celui des reliques, et aussi sur des sculptures de pierre. L'enluminure insulaire fera connaître aussi au continent la lettre ornée, tandis que les Mérovingiens s'inspireront, pour les développer bien d'avantage, des lettrines romaines zoomorphes (oiseaux, poissons), et en créeront de nouvelles, anthropomorphes cette fois, et très lumineuses. Toutes ces influences donneront naissance à différents styles.
- Le style mérovingien, lui, se distinguera des styles insulaires et italiens essentiellement par deux particularités : l'absence de la représentation antique des évangélistes et la préférence pour les ouvrages chrétiens, comme ceux des Pères de l'Eglise, saints Jérôme* ou Augustin, par exemple, alors que l'Italie ou l'Irlande enlumineront beaucoup de livres païens antiques. L'enluminure mérovingienne, dans laquelle on trouve beaucoup de portraits de personnage, beaucoup d' anges ou de croix, est plus proche de la figuration italienne que de l'ornementation insulaire, dont les entrelacs, les nattes seront représentés, mais la plupart du temps de manière grossière, cette technique nécessitant une grande dextérité et de bonnes aptitudes en géométrie.
Dans le style qu'on peut appeler italo-celtique, l'enluminure insulaire reprendra à son compte la représentation antique des évangélistes, influence due aux nombreux contacts monastiques entre l'Italie et l'Irlande. Rappelons que ce sont les disciples de Columban qui avaient insufflé une vigueur nouvelle à la vie monastique sur le continent. Pour ne prendre que deux exemples de scriptoria importants où oeuvraient la colonie irlandaise, il suffit de citer Bobbio, en Italie, et Luxeuil, aujourd'hui en Haute-Saône, qui diffusa en Gaule les ouvrages irlandais et italiens.
* Saint Jérôme : "Lettres de saint Jérôme", manuscrit réalisé à l'abbaye de Corbie vers 700, qui fait apparaître des portraits de l'auteur en position assise ou debout.- Bibliothèque Nationale de Russie, M.E Saltykov-Chtchedrine (Shchedrine, Schtedrine ou Scedrin, Mikhail Evgrafovitch, 1826-1889 écrivain satiriste russe).
- ms Lat. Q.v.I. N.13, fol. 3v°.
- Ainsi, lenluminure de type celtique au Haut Moyen Age est un savant mélange d'influences méditerranéennes ( cadres, portiques, qui encadrent géométriquement la page, croix accostée d'oiseaux, de fauves), d'influences antiques (représentation des évangélistes en train décrire les textes sacrés) et d'entrelacs, de lettrines ornées à la manière insulaire, qui peuvent parfois occuper la page entière, qui est souvent une page de frontispice. On la nomme "page en tapis" pour sa richesse et son ordonnance ornementale.
- Les manuscrits
Luxeuil
- 1-------2-
- Lectionnaire de Luxeuil, VIIe siècle, manuscrit n° 9427, BNF .
- 2. folio 32 v, page de titre à la passion de Saint Julien l'Hospitalier et Basilisse, sa femme.
- Le Lectionnaire de Luxeuil (appelé aussi lectionnaire gallican, lectionarium gallicanum) a été découvert par Mabillon en 1683. Son écriture en minuscule est assez hésitante. L'abbaye de Luxeuil nous a légué plusieurs manuscrits importants de la période mérovingienne, malgré les pillages, ce qui est un signe que son scriptorium était un des plus importants de Gaule. Pourtant, il est étonnant de noter que la maison-mère de Colomban ne nous a pas légué de manuscrits qui dévoilent l'origine celtique de ses moines. Le trop petit nombre d'oeuvres qui nous ont été transmises, peut-être, ou alors, les successeurs gaulois de Colomban n'auront pas manifesté le désir de développer la tradition insulaire qui les coupait déjà du clergé gaulois.
- Le Lectionnaire de Luxeuil (Paris, Bibliothèque Nationale, 9427). Il est considéré comme un des livres majeurs sur le rite de la liturgie gallicane, car on n'y trouve apparemment aucun empreint au rite romain. Il débute l'année liturgique à compter de la Veille de Noël, là où la tradition la commence le jour de l'Avent. Ainsi en est-il aussi du Missale Gothicum, écrit vers 700, lui aussi à Luxeuil, et lui aussi ouvrage de référence pour la liturgie Gallicane. Le Lectionnaire de Luxeuil contient les Leçons Prophétiques, des Epîtres et des Évangiles, et termine par des leçons sur quelques messes spéciales, pour l'enterrement d'un évêque, pour la dédicace d'une église, quand un évêque prêche, quand un diacre est prescrit, quand un prêtre est béni.
- La fin du XVIIe siècle et surtout le XVIIIe ont été une période heureuse pour la liturgie des Gaules. Jean Mabillon (1707) et Dom Germain éditent le Missel de Bobbio, le Lectionnaire de Luxeuil et dans le "de Liturgia Gallicana", ils établissent l'ensemble des rites connus de cette époque.
- Moralia de Grégoire le Grand, 700-720, 273 x 215 mm
Les Moralia in Job sont un commentaire du Livre de Job de Grégoire de Tours (540- 604). Le manuscrit dont il s'agit ici est en partie palimpseste, mais non le folio présenté : le texte qu'on devine en arrière (quand on grossit l'image) est celui de la page suivante, le parchemin étant trop fin pour recevoir un texte recto-verso. Ce codex fut probablement copié à Luxeuil : il est en effet écrit avec la minuscule dite de Luxeuil. Le scriptorium de Luxeuil a fait connaître un autre écrit de Grégoire, le Commentaire dÉzéchiel, copié vers 650-700.
Laon
Heptateuque (Quaestiones in Heptateuchon) de saint Augustin, milieu du VIIIe siècle. Manuscrit n° 12168, 30 cm × 20,5 cm, BNF.
" Cest à Laon, patrie de Cagnoald (k) que lon trouve la présence dun des premiers atelier de copie qui produisit les exemples dun style insulaire appelé à se développer. Les Scots résidaient dans le bourg et lendroit où ils étaient regroupés portait encore au XII°s, dans un registre de recensement, le nom de via Scottorum. (l)
k Cagnoald était un ami de Colomban et évêque de Laon.
l S. Martinet : Laon, promontoire sacré, op. cit., p. 195.
Leur lieu de culte était à louest de la ville, autour de lantique église de St Pierre le Viel, où ils vénéraient le souvenir de leur compatriote Ste Preuve décapitée dans le val de Tausson, au pied de labbaye St Vincent et dont la tête, selon la vielle habitude celtique, était conservé en cet endroit. (j) On se souvient de ses grands noms qui ont perpétué dans ce coin de France lesprit aventureux des Irlandais, moines, artistes et savants : Jean Scot Erigène et Martin Scot.
Cest Salaberge, issue dune famille noble mérovingienne alliée aux Pépinides, qui fonda vers 650 le monastère féminin Ste Marie-St Jean en correspondance avec celui de St Vincent (monastère dhommes que la légende dit avoir été fondé par Brunehaut). Ces deux monastères suivaient la règle colombanienne et leur vie fut organisée de manière très similaire à celle qui animait celui de Luxeuil. Les bibliothèques de Laon et de Paris conservent des manuscrits* de la région laonnoise rédigés dans une calligraphie proche de celle de Luxeuil. Seules les lettres a et z sen détachent et donnent leur nom à lécriture de Laon. (k)
Les enluminures les plus réputées sont celles issues de louvrage de St Augustin " Quaestiones in Heptateuchon ", ou Heptateuque** (l). Son style général, lettrines et figures animales entrelacées, le rapprochent indéniablement de lart irlandais. On y retrouve, dans le frontispice, une croix sous un portique semblable à ce quon retrouve dans le Sacramentaire gélasien. Cette importation de motifs lapidaires est très répandue en Gaule mais elle est parfois mêlée à dautres influences. Jean Porcher voit dans les quadrupèdes debout et affrontés une origine copte. Il est vrai que les couleurs de lensemble, à dominante rouge-orangé sont tout à fait typiques des broderies que lon trouve en Egypte. Loiseau posé au sommet de la croix symbolise la résurrection, son apparence est toutefois celle dune fibule cloisonnée courante encore en ce milieu de VIII°s. Le regard porté vers l'arrière se retrouve depuis longtemps dans liconographie orientale (m).
j S. Martinet : Laon, promontoire sacré, op. cit., p. 195.
k S. Martinet : Laon, citadelle royale carolingienne, op. cit.
l BN Paris : ms lat 12168.
m J. Porcher : LEurope des invasions, op. cit., p. 178.
Le folio suivant illustre le début du texte " In Dei Nomine incipit questiones Genesis Beati Agustini in eptaticum ". Les fautes dorthographe sont elles dues à un certain illétrisme ou une trop grande distraction de lartiste ? En peignant une phrase lettre par lettre, le décorateur nen avait pas une vue globale, loubli dune lettre voire dun mot dans ces pages lettrines était courant. Lanimal qui renforce la lettre Q est assez typique de lenluminure insulaire ; lévrier fantastique ou dragon, ce " monstre " en cloisonné polychrome se débat avec une sorte de ruban entrelacé comme ses compatriotes doutre Manche sentre-dévorent dans des positions de contorsionnistes. Des enluminures dautres manuscrits sont tout à fait semblables à ce que présente ce Quaestiones.
On trouve, dans le " Traité de la nature " dIsidore de Séville, copié dans la moitié du VIII°s par latelier Ste Marie-St Jean, des lettres ornées de la même manière que celles du Quaestiones (j). Le but de ces figures illustratrices était destinées à rendre louvrage plus intelligible, à laérer en distinguant les paragraphes. Comme les parchemins étaient assez épais et que les scribes ne disposaient guère de place, de nombreux mots étaient abrégés. Un signe distinctif surmontait le mot en question et était souvent lobjet dune mise en image. Cest, entre autres, cet ouvrage quon connaît depuis longtemps, qui a permis de définir lorigine du Quaestiones conservé à Corbie. Ce dernier comportait des corrections signées de labbé Maurdramne. (k)
(j )BM Laon : ms 423, fol. 1 : la phrase " Incipit liber rotar STI Isidori " est illustrée de manière semblable au mot " Genesis " du Quaestiones tout comme le " Explicit " du Liber primus fol. 33 bis. Les lettres des mots, reliées entre elles, forment un cartouche auquel une tête aviforme à droite et des pattes à gauche donnent un peu de vie. Les nombreuses roues dessinées (saisons, zones climatiques ) lui valent le titre de " livre des roues ".
(k) Jean Devaux : Les merveilles de lenluminure, op. cit. p. 59."
Extrait du site de George Briche, excellent je le rappelle, sur l'apport celtique dans la culture du haut moyen-âge.
* En plus de ceux qui figurent dans cet extrait, nous pouvons ajouter l'Evangéliaire de Gudohin (VIIIe siècle), cité aussi par George Briche.
** du grec hepta, sept et teukos, instrument, livre ou volume. Ce sont les sept premiers livres de l'Ancien Testament : Le Pentateuque plus le livre de Josué et celui des Juges.
ChellesSacramentaire gélasien, entre 628 et 731, croix sous arcade et incipit du second volume. Fol. 131/132, reg. lat. 316, Bibliothèque Apostolique du Vatican.
Le Sacramentaire gélasien proviendrait de Chelles, en région parisienne. C'est un livre romain d'origine et pour l'ensemble de son texte, mais qui a subi nombre de retouches dans le sens gallican. Il contient 186 Préfaces.
" Chaque introduction des différentes parties du Sacramentaire gélasien (k) est illustrée par des compositions en portiques typiques de ce qui se faisait en Lombardie. Le folio 131 verso et 132 recto sont ornés de croix autour desquelles sont posés ou suspendus des oiseaux et des poissons en forme dalpha et doméga. Cet encadrement architectonique nest guère étonnant dans le contexte dune Italie qui vit toujours dans les vestiges de lurbanisme antique. Les colonnes sont lexpression de la monumentalité du monde gréco-latin qui inspire encore le respect, elles sont synonymes de civilisation. Les lettres, en forme damandes ou de croissants évoluent subtilement entre une calligraphie inventive et une faune imagée. Il suffit de rajouter un petit rond blanc à lextrémité dune de ces lettres pour figurer un
poisson ou un oiseau. Ce type de représentation, en outre très courante sur les tissus coptes, ne cache pas son origine dans les culs de lampe des manuscrits de la Basse Antiquité (l). Ces animaux semblent pourtant sans vie, ils passent facilement de la forme au fond et se fondent dans un décor abstrait et immobile.(k) Bibliothèque vaticane : Reg. Lat. 316/317. Ce manuscrit est issu dun atelier de
la France du Nord Est, il a été produit aux environs de 750.(l) Carl Nordenfalk : lenluminure au Moyen Age, op. cit., p. 20.
La flore nest pas absente de ces miniatures et ses objectifs sont similaires à ceux de la zoomorphie italienne : participer à labstraction du décor et sintervertir aux formes vivantes qui entourent les symboles chrétiens. La croix, symbole de la victoire du Christ et de la Rédemption, sintègre parfaitement à cette ensemble si bien quon ne différencie plus guère le centre dintérêt de son environnement. Dans la Cité de Dieu, les fidèles participent entièrement à laction de grâce engendrée par le Sauveur. Graphiquement, lartiste confond donc le géniteur et le généré. Lincipit du deuxième volume du Sacramentaire gélasien montre les oiseaux sabreuvant de lA et de lO qui tombent des
branches de la croix. En renfort de cette unité, le texte reprend, dans un lettrage en grandes onciales*, le style et les couleurs du dessin. Cette illustration tirée dun livre de prières engage chaque fidèle à rejoindre la parole dans lacte et à se confondre avec elle tout comme le verbe était Dieu et comme il sest fait chair (Jean I, 1 ; 14)."* Une onciale est une lettre capitale de la taille d'une once (un douzième de pied ou pouce = 27 mm), utilisée surtout pour les têtes de chapitres.
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