ENCYCLOPEDIE -DE--LA--LANGUE -FRANCAISE
-ABBAYE
 
 
ARTS
 
au temps des Mérovingiens
 
 
tCalligraphie
Enluminure
1ère partie-
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Evangiles de saint Augustin (ou Evangiles de Canterbury)
Cambridge. Library of the Corpus Christi College, Cod. 286, fin VIe siècle.
L'appellation de ce manuscrit se réfère à Augustin de Canterbury, qui serait revenu en Bretagne (Angleterre) en 597 avec ce cadeau italien du pape Grégoire le Grand, mais son origine exacte est inconnue (Rome?).
 

 

 

 

 Saint Luc et son attribut, le taureau.


 Scènes du Nouveau Testament


Calligraphie
Enluminure
Introduction
Les manuscrits
Luxeuil
Laon
Chelles
Durrow
Evangile d'Echternach
Codex Amiatinus
 

Calligraphie


Avant l'apparition de la caroline, les textes étaient rédigés en écriture cursive, et chaque région manifestait en matière de calligraphie des caractères propres, ce qui permet aux historiens de cerner souvent l'origine des manuscrits.

La plus célèbre cursive mérovingienne est la minuscule de Luxeuil, dont les traits principaux sont : des caractères serrés les uns aux autres, parfois à l'extrême et se chevauchant, et où abondent souvent les ligatures (réunion de plusieurs lettres en une seule) : voir le Lectionnaire de Luxeuil, en particulier.

La marque celtique se lit surtout dans les lettres fondues entre elles pour abréger un mot ou leurs contours en pointillés, traits marquants de l'Evangéliaire de Durrow, par exemple.

 

Enluminure

Introduction

L'enluminure mérovingienne naît à la fin de la dynastie, au VIIe siècle, mais connaît rapidement un certain essor. L'Italie du Nord connaissait déjà cet art depuis longtemps, héritage des Grecs et, plus loin encore, des Egyptiens. Parfois, en effet, les Romains illustraient des manuscrits et peignaient des lettrines. Il nous en reste peu de témoignages, datés surtout des IVe et Ve siècle, avec les derniers ouvrages ornés de peinture dite "illusionniste". Au VIe siècle, l'enluminure italienne prend un caractère nettement chrétien, avec les représentations typique des évangélistes, et s'enrichira au siècle suivant de l'expérience insulaire de cette forme d'art, qui s'était affirmée vigoureusement après l'introduction du christianisme en Angleterre et en Irlande au VIe siècle. La tradition celtique enrichira l'enluminure de ses entrelacs, tout droit venus du travail du métal, l'orfèvrerie surtout, mêlant par exemple figures animales et humaines de plus en plus abstraites. En effet : "(...) Il apparaît clairement, à l’examen des parchemins, que ces entrelacs en bordure sont réalisés à l’aide de cartons utilisés par les orfèvres. Placés dans des compartiments rectangulaires, ces modèles sont multipliables à souhait.
(...) L’existence de matrices modèles est confirmée à la fois par l’étude des parchemins ainsi que par les innombrables ressemblances entre folios tirés d’ouvrages différents.
(...) Comme ces modèles étaient courants dans l’orfèvrerie mérovingienne, les enlumineurs n’hésitèrent pas à les reprendre dans leurs œuvres en s’aidant, comme on l’a vu, de " patrons " sans doute fournis par les orfèvres eux-mêmes. Depuis la réorganisation et la centralisation des activités littéraires et artistiques entreprise par Charlemagne, les ateliers de copistes jouxtaient les orfèvreries. Les monastères étaient devenus des centres de culture. La prospection archéologique a permis de reconstituer l’un d’entre eux à Saint Gall."

Extraits du site excellent et déjà cité de Georges Briche, à la page suivante :
http://www.chez.com/menarpalud/technique.htm

Mais on ne retrouve pas les motifs enluminés uniquement dans l'art du métal, mais aussi dans le textile, en particulier celui des reliques, et aussi sur des sculptures de pierre. L'enluminure insulaire fera connaître aussi au continent la lettre ornée, tandis que les Mérovingiens s'inspireront, pour les développer bien d'avantage, des lettrines romaines zoomorphes (oiseaux, poissons), et en créeront de nouvelles, anthropomorphes cette fois, et très lumineuses. Toutes ces influences donneront naissance à différents styles.

Le style mérovingien, lui, se distinguera des styles insulaires et italiens essentiellement par deux particularités : l'absence de la représentation antique des évangélistes et la préférence pour les ouvrages chrétiens, comme ceux des Pères de l'Eglise, saints Jérôme* ou Augustin, par exemple, alors que l'Italie ou l'Irlande enlumineront beaucoup de livres païens antiques. L'enluminure mérovingienne, dans laquelle on trouve beaucoup de portraits de personnage, beaucoup d' anges ou de croix, est plus proche de la figuration italienne que de l'ornementation insulaire, dont les entrelacs, les nattes seront représentés, mais la plupart du temps de manière grossière, cette technique nécessitant une grande dextérité et de bonnes aptitudes en géométrie.
Dans le style qu'on peut appeler italo-celtique, l'enluminure insulaire reprendra à son compte la représentation antique des évangélistes, influence due aux nombreux contacts monastiques entre l'Italie et l'Irlande. Rappelons que ce sont les disciples de Columban qui avaient insufflé une vigueur nouvelle à la vie monastique sur le continent. Pour ne prendre que deux exemples de scriptoria importants où oeuvraient la colonie irlandaise, il suffit de citer Bobbio, en Italie, et Luxeuil, aujourd'hui en Haute-Saône, qui diffusa en Gaule les ouvrages irlandais et italiens.

* Saint Jérôme : "Lettres de saint Jérôme", manuscrit réalisé à l'abbaye de Corbie vers 700, qui fait apparaître des portraits de l'auteur en position assise ou debout.
Bibliothèque Nationale de Russie, M.E Saltykov-Chtchedrine (Shchedrine, Schtedrine ou Scedrin, Mikhail Evgrafovitch, 1826-1889 écrivain satiriste russe).
ms Lat. Q.v.I. N.13, fol. 3v°.

Ainsi, l’enluminure de type celtique au Haut Moyen Age est un savant mélange d'influences méditerranéennes ( cadres, portiques, qui encadrent géométriquement la page, croix accostée d'oiseaux, de fauves), d'influences antiques (représentation des évangélistes en train d’écrire les textes sacrés) et d'entrelacs, de lettrines ornées à la manière insulaire, qui peuvent parfois occuper la page entière, qui est souvent une page de frontispice. On la nomme "page en tapis" pour sa richesse et son ordonnance ornementale.

 
Les manuscrits
 

Luxeuil

 


 
1-------2-

Lectionnaire de Luxeuil, VIIe siècle, manuscrit n° 9427, BNF .
2. folio 32 v, page de titre à la passion de Saint Julien l'Hospitalier et Basilisse, sa femme.
 

Le Lectionnaire de Luxeuil (appelé aussi lectionnaire gallican, lectionarium gallicanum) a été découvert par Mabillon en 1683. Son écriture en minuscule est assez hésitante. L'abbaye de Luxeuil nous a légué plusieurs manuscrits importants de la période mérovingienne, malgré les pillages, ce qui est un signe que son scriptorium était un des plus importants de Gaule. Pourtant, il est étonnant de noter que la maison-mère de Colomban ne nous a pas légué de manuscrits qui dévoilent l'origine celtique de ses moines. Le trop petit nombre d'oeuvres qui nous ont été transmises, peut-être, ou alors, les successeurs gaulois de Colomban n'auront pas manifesté le désir de développer la tradition insulaire qui les coupait déjà du clergé gaulois.
     
Le Lectionnaire de Luxeuil (Paris, Bibliothèque Nationale, 9427). Il est considéré comme un des livres majeurs sur le rite de la liturgie gallicane, car on n'y trouve apparemment aucun empreint au rite romain. Il débute l'année liturgique à compter de la Veille de Noël, là où la tradition la commence le jour de l'Avent. Ainsi en est-il aussi du Missale Gothicum, écrit vers 700, lui aussi à Luxeuil, et lui aussi ouvrage de référence pour la liturgie Gallicane. Le Lectionnaire de Luxeuil contient les Leçons Prophétiques, des Epîtres et des Évangiles, et termine par des leçons sur quelques messes spéciales, pour l'enterrement d'un évêque, pour la dédicace d'une église, quand un évêque prêche, quand un diacre est prescrit, quand un prêtre est béni.
 
La fin du XVIIe siècle et surtout le XVIIIe ont été une période heureuse pour la liturgie des Gaules. Jean Mabillon (†1707) et Dom Germain éditent le Missel de Bobbio, le Lectionnaire de Luxeuil et dans le "de Liturgia Gallicana", ils établissent l'ensemble des rites connus de cette époque.
 
 

Moralia de Grégoire le Grand, 700-720, 273 x 215 mm
 

Les Moralia in Job sont un commentaire du Livre de Job de Grégoire de Tours (540- 604). Le manuscrit dont il s'agit ici est en partie palimpseste, mais non le folio présenté : le texte qu'on devine en arrière (quand on grossit l'image) est celui de la page suivante, le parchemin étant trop fin pour recevoir un texte recto-verso. Ce codex fut probablement copié à Luxeuil : il est en effet écrit avec la minuscule dite de Luxeuil. Le scriptorium de Luxeuil a fait connaître un autre écrit de Grégoire, le Commentaire d’Ézéchiel, copié vers 650-700.


Laon

 

Heptateuque (Quaestiones in Heptateuchon) de saint Augustin, milieu du VIIIe siècle. Manuscrit n° 12168, 30 cm × 20,5 cm, BNF.


" C’est à Laon, patrie de Cagnoald (k) que l’on trouve la présence d’un des premiers atelier de copie qui produisit les exemples d’un style insulaire appelé à se développer. Les Scots résidaient dans le bourg et l’endroit où ils étaient regroupés portait encore au XII°s, dans un registre de recensement, le nom de via Scottorum. (l)

k Cagnoald était un ami de Colomban et évêque de Laon.

l S. Martinet : Laon, promontoire sacré, op. cit., p. 195.

     Leur lieu de culte était à l’ouest de la ville, autour de l’antique église de St Pierre le Viel, où ils vénéraient le souvenir de leur compatriote Ste Preuve décapitée dans le val de Tausson, au pied de l’abbaye St Vincent et dont la tête, selon la vielle habitude celtique, était conservé en cet endroit. (j) On se souvient de ses grands noms qui ont perpétué dans ce coin de France l’esprit aventureux des Irlandais, moines, artistes et savants : Jean Scot Erigène et Martin Scot.

     C’est Salaberge, issue d’une famille noble mérovingienne alliée aux Pépinides, qui fonda vers 650 le monastère féminin Ste Marie-St Jean en correspondance avec celui de St Vincent (monastère d’hommes que la légende dit avoir été fondé par Brunehaut). Ces deux monastères suivaient la règle colombanienne et leur vie fut organisée de manière très similaire à celle qui animait celui de Luxeuil. Les bibliothèques de Laon et de Paris conservent des manuscrits* de la région laonnoise rédigés dans une calligraphie proche de celle de Luxeuil. Seules les lettres a et z s’en détachent et donnent leur nom à l’écriture de Laon. (k)

     Les enluminures les plus réputées sont celles issues de l’ouvrage de St Augustin " Quaestiones in Heptateuchon ", ou Heptateuque** (l). Son style général, lettrines et figures animales entrelacées, le rapprochent indéniablement de l’art irlandais. On y retrouve, dans le frontispice, une croix sous un portique semblable à ce qu’on retrouve dans le Sacramentaire gélasien. Cette importation de motifs lapidaires est très répandue en Gaule mais elle est parfois mêlée à d’autres influences. Jean Porcher voit dans les quadrupèdes debout et affrontés une origine copte. Il est vrai que les couleurs de l’ensemble, à dominante rouge-orangé sont tout à fait typiques des broderies que l’on trouve en Egypte. L’oiseau posé au sommet de la croix symbolise la résurrection, son apparence est toutefois celle d’une fibule cloisonnée courante encore en ce milieu de VIII°s. Le regard porté vers l'arrière se retrouve depuis longtemps dans l’iconographie orientale (m).

j S. Martinet : Laon, promontoire sacré, op. cit., p. 195.

k S. Martinet : Laon, citadelle royale carolingienne, op. cit.

l BN Paris : ms lat 12168.

m J. Porcher : L’Europe des invasions, op. cit., p. 178.

     Le folio suivant illustre le début du texte " In Dei Nomine incipit questiones Genesis Beati Agustini in eptaticum ". Les fautes d’orthographe sont elles dues à un certain illétrisme ou une trop grande distraction de l’artiste ? En peignant une phrase lettre par lettre, le décorateur n’en avait pas une vue globale, l’oubli d’une lettre voire d’un mot dans ces pages lettrines était courant. L’animal qui renforce la lettre Q est assez typique de l’enluminure insulaire ; lévrier fantastique ou dragon, ce " monstre " en cloisonné polychrome se débat avec une sorte de ruban entrelacé comme ses compatriotes d’outre Manche s’entre-dévorent dans des positions de contorsionnistes. Des enluminures d’autres manuscrits sont tout à fait semblables à ce que présente ce Quaestiones.

     On trouve, dans le " Traité de la nature " d’Isidore de Séville, copié dans la moitié du VIII°s par l’atelier Ste Marie-St Jean, des lettres ornées de la même manière que celles du Quaestiones (j). Le but de ces figures illustratrices était destinées à rendre l’ouvrage plus intelligible, à l’aérer en distinguant les paragraphes. Comme les parchemins étaient assez épais et que les scribes ne disposaient guère de place, de nombreux mots étaient abrégés. Un signe distinctif surmontait le mot en question et était souvent l’objet d’une mise en image. C’est, entre autres, cet ouvrage qu’on connaît depuis longtemps, qui a permis de définir l’origine du Quaestiones conservé à Corbie. Ce dernier comportait des corrections signées de l’abbé Maurdramne. (k)

(j )BM Laon : ms 423, fol. 1 : la phrase " Incipit liber rotar STI Isidori " est illustrée de manière semblable au mot " Genesis " du Quaestiones tout comme le " Explicit " du Liber primus fol. 33 bis. Les lettres des mots, reliées entre elles, forment un cartouche auquel une tête aviforme à droite et des pattes à gauche donnent un peu de vie. Les nombreuses roues dessinées (saisons, zones climatiques…) lui valent le titre de " livre des roues ".

(k) Jean Devaux : Les merveilles de l’enluminure, op. cit. p. 59."

Extrait du site de George Briche, excellent je le rappelle, sur l'apport celtique dans la culture du haut moyen-âge.

* En plus de ceux qui figurent dans cet extrait, nous pouvons ajouter l'Evangéliaire de Gudohin (VIIIe siècle), cité aussi par George Briche.

** du grec hepta, sept et teukos, instrument, livre ou volume. Ce sont les sept premiers livres de l'Ancien Testament : Le Pentateuque plus le livre de Josué et celui des Juges.



Chelles


Sacramentaire gélasien, entre 628 et 731, croix sous arcade et incipit du second volume. Fol. 131/132, reg. lat. 316, Bibliothèque Apostolique du Vatican.

 

Le Sacramentaire gélasien proviendrait de Chelles, en région parisienne. C'est un livre romain d'origine et pour l'ensemble de son texte, mais qui a subi nombre de retouches dans le sens gallican. Il contient 186 Préfaces.

" Chaque introduction des différentes parties du Sacramentaire gélasien (k) est illustrée par des compositions en portiques typiques de ce qui se faisait en Lombardie. Le folio 131 verso et 132 recto sont ornés de croix autour desquelles sont posés ou suspendus des oiseaux et des poissons en forme d’alpha et d’oméga. Cet encadrement architectonique n’est guère étonnant dans le contexte d’une Italie qui vit toujours dans les vestiges de l’urbanisme antique. Les colonnes sont l’expression de la monumentalité du monde gréco-latin qui inspire encore le respect, elles sont synonymes de civilisation. Les lettres, en forme d’amandes ou de croissants évoluent subtilement entre une calligraphie inventive et une faune imagée. Il suffit de rajouter un petit rond blanc à l’extrémité d’une de ces lettres pour figurer un
poisson ou un oiseau. Ce type de représentation, en outre très courante sur les tissus coptes, ne cache pas son origine dans les culs de lampe des manuscrits de la Basse Antiquité (l). Ces animaux semblent pourtant sans vie, ils passent facilement de la forme au fond et se fondent dans un décor abstrait et immobile.

(k) Bibliothèque vaticane : Reg. Lat. 316/317. Ce manuscrit est issu d’un atelier de
la France du Nord Est, il a été produit aux environs de 750.

(l) Carl Nordenfalk : l’enluminure au Moyen Age, op. cit., p. 20.

La flore n’est pas absente de ces miniatures et ses objectifs sont similaires à ceux de la zoomorphie italienne : participer à l’abstraction du décor et s’intervertir aux formes vivantes qui entourent les symboles chrétiens. La croix, symbole de la victoire du Christ et de la Rédemption, s’intègre parfaitement à cette ensemble si bien qu’on ne différencie plus guère le centre d’intérêt de son environnement. Dans la Cité de Dieu, les fidèles participent entièrement à l’action de grâce engendrée par le Sauveur. Graphiquement, l’artiste confond donc le géniteur et le généré. L’incipit du deuxième volume du Sacramentaire gélasien montre les oiseaux s’abreuvant de l’A et de l’O qui tombent des
branches de la croix. En renfort de cette unité, le texte reprend, dans un lettrage en grandes onciales*, le style et les couleurs du dessin. Cette illustration tirée d’un livre de prières engage chaque fidèle à rejoindre la parole dans l’acte et à se confondre avec elle tout comme le verbe était Dieu et comme il s’est fait chair (Jean I, 1 ; 14).
"

source de l'extrait

* Une onciale est une lettre capitale de la taille d'une once (un douzième de pied ou pouce = 27 mm), utilisée surtout pour les têtes de chapitres.


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