ENCYCLOPEDIE -DE--LA--LANGUE -FRANCAISE
- LETTRE A
 

Philosophie à Sport - Sciences : Médecine

 
Vitamine A - déficit 2


 

Méthodes de contrôle
Supplémentation médicamenteuse
Enrichissement des aliments

Augmentation de la consommation d'aliments riches en vitamine A

Conclusion
 


Méthodes de contrôle

Des programmes nationaux de lutte contre la carence en vitamine A ont été mis en œuvre avec plus ou moins de succès dans divers pays du monde. L'une des grandes raisons des limites de ces programmes a été d'avoir privilégié les interventions médicales à court terme (administration de capsules de vitamine A) aux dépens de la formulation de stratégies durables fondées sur l'alimentation [15].
La Conférence internationale de nutrition (CIN), en 1992, a retenu, parmi les programmes prioritaires, la lutte contre la carence en micronutriments. L'élimination virtuelle de la carence en vitamine A a été fixée comme objectif d'ici à l'an 2000. Pour atteindre cet objectif, les gouvernements, avec l'appui des organisations internationales et des organisations non gouvernementales, ont élaboré des plans nationaux de nutrition privilégiant l'approche globale avec l'intervention de plusieurs secteurs dont la santé, l'agriculture, la communication et la technologie alimentaire. À long terme, la résolution de ce problème, comme des autres formes de malnutrition, nécessite une amélioration globale des conditions économiques et sociales dans lesquelles vit encore une large part de la population des pays concernés.
À court et à moyen terme, trois stratégies peuvent être mises en œuvre : la supplémentation de type médicamenteux, l'enrichissement des aliments et l'amélioration des apports alimentaires. Elles ont été utilisées seules ou combinées dans différents contextes. L'évaluation et la connaissance du rendement de chacune permettent de combiner les différentes approches de façon optimale en tenant compte des ressources disponibles et des contraintes locales
[20].

 

Supplémentation médicamenteuse

Ce type d'intervention à court terme a souvent eu des résultats spectaculaires quand il est appliqué à des populations cibles limitées (camps de réfugiés), lors d'essais d'intervention soigneusement conduits ou dans le cadre des hôpitaux et des dispensaires ; en revanche, il s'est montré inefficace comme stratégie de base communautaire (monde réel)
[44]. La supplémentation s'est aussi montrée efficace dans les régions où la mortalité rougeoleuse est élevée. Elle est, bien sûr, l'intervention de choix pour le traitement des sujets atteints de xérophtalmie. Cette stratégie a évolué dans ses modalités d'application sur le terrain. De la supplémentation « universelle » des enfants (distribution de fortes doses de vitamine A dans les zones où la carence est très répandue), on est passé, actuellement, à des approches plus ciblées, notamment à la combinaison de la supplémentation avec la réalisation des campagnes de vaccination. Cette association est actuellement discutée par rapport à certains inconvénients comme un risque d'hypervitaminose A chez les nourrissons de moins de 6 mois qui reçoivent une supplémentation en plus de l'allaitement maternel. Par ailleurs, l'enfant cesse de recevoir les suppléments dès qu'il atteint la fin du calendrier vaccinal, c'est-à-dire à partir de 1 an dans les programmes avancés. Les effets de cette intervention précoce sur la prévention de la carence en vitamine A à partir de la deuxième année semblent limités. Or, c'est à partir de cet âge-là que la carence est la plus fréquente et grave [42]. Par ailleurs, une incertitude demeure quant à l'interférence possible de l'administration de doses élevées de vitamine A avec la séroconversion consécutive à la vaccination contre la rougeole [45].

Enrichissement des aliments

Cette méthode semble être le moyen le plus économique pour prévenir la carence en vitamine A dans des populations consommant des aliments pouvant être enrichis. Cependant dans de nombreux pays, notamment en Afrique, l'enrichissement se heurte à l'identification d'un aliment vecteur approprié et au faible développement de l'industrie agro-alimentaire qui sert généralement de cadre au contrôle et à la mise en œuvre d'une législation appropriée. Une approche prometteuse consiste à enrichir localement les denrées, en particulier les aliments de sevrage
[20], par adjonction de produits riches en vitamine A comme l'huile de palme ou la mangue séchée.
Augmentation de la consommation d'aliments riches en vitamine A
 
L'accroissement de la production et de la consommation des aliments riches en vitamine A, sous forme de caroténoïdes, apparaît comme une stratégie pour les moyen et long termes. La plupart des pays disposent d'une gamme variée d'aliments riches en vitamine A, tels que les légumes verts, les fruits et les tubercules à chair jaune ou l'huile de palme. L'ensemble de la chaîne alimentaire depuis la production (voire l'importation) jusqu'à la consommation individuelle doit être englobé dans une telle stratégie. Cela nécessite une bonne analyse de la logique des acteurs de cette chaîne à tous les niveaux afin d'identifier les mesures possibles et les mieux adaptées. C'est bien sûr sur les groupes sociaux les plus vulnérables que l'effort d'analyse des motivations de consommation doit être le plus approfondi.
Ainsi, l'approche doit être globale afin de promouvoir la consommation de tous les aliments riches en vitamine A disponibles. Dans plusieurs pays de l'Afrique de l'Ouest, les légumes verts sont consommés sous forme de sauces pendant toute l'année, à l'état frais ou séché. La population de ces pays consomme également des mangues pendant les périodes d'abondance de production. Une intervention fondée essentiellement sur la consommation et la production des feuilles vertes (cas de certains programmes instaurés au Sahel) y serait incomplète puisque la mangue, par exemple, joue un rôle déterminant dans le renouvellement des réserves en vitamine A des habitants. Une étude que nous avons menée en milieu urbain au Mali durant la période d'abondance des mangues a révélé que le niveau de satisfaction des besoins en vitamine A des familles pauvres pour les repas pris à domicile est, en moyenne, de 8 % ; pourtant, ces familles consomment régulièrement des plats accompagnés de sauces à base de feuilles vertes, mais les quantités utilisées sont faibles. Même une nette augmentation demeurerait insuffisante pour la couverture des besoins de tous les membres de la famille. Par contre, l'alimentation hors domicile, constituée essentiellement de mangues lors de la période d'abondance de ce fruit, fournissait une couverture nettement supérieure à 100 %, assurant ainsi l'accumulation de stock
[46].
L'intérêt de la promotion des légumes à feuilles est discuté en Asie. Ces types d'intervention ont eu un bon rendement coût/efficacité. Des expériences d'éducation nutritionnelle en Thaïlande et au Népal ont été considérées comme rentables
[15]. Au Bengladesh, Rahman et Al. ont mis en évidence l'intérêt d'une telle approche comme stratégie de prévention à long terme de la carence en vitamine A chez les nourrissons et chez les enfants [47]. En revanche, une étude menée à Bogor en 1994 suggère plutôt d'encourager la consommation de produits animaux (œufs, poissons et foie) et d'aliments enrichis en vitamine A [48]. En complément de ces principales méthodes de contrôle, d'autres mesures sont importantes : promotion de l'allaitement maternel [49], amélioration de la qualité des soins et leur accessibilité à tous. Ces programmes doivent tenir compte du niveau de connaissance populaire de la maladie. En effet, une étude menée au Mali a révélé que seulement 2 % des mères établissent une liaison entre héméralopie et alimentation de l'enfant [42]. Ceci aide à comprendre, entre autres, pourquoi l'enfant est souvent conduit tardivement vers les structures de santé.

Conclusion

La recherche sur la vitamine A a connu un essor considérable ces vingt dernières années. Les connaissances actuellement disponibles fournissent les éléments nécessaires à la mise en œuvre de plans nationaux appropriés de lutte contre la carence en vitamine A. Ces plans doivent s'orienter vers la formulation de stratégies d'intervention globales et durables fondées sur l'alimentation. L'intervention aux différents niveaux de la chaîne alimentaire ainsi que la promotion des aliments riches en vitamine A les plus acceptables socialement, culturellement et économiquement doivent être envisagées comme moyens de diversifier les sources alimentaires de la vitamine A. L'enrichissement des aliments, non encore pleinement mis à profit, est une autre stratégie pour traiter les populations à risque. Cette intervention est particulièrement recommandée pour les populations qui vivent dans des conditions où la production et la disponibilité des aliments subissent des fluctuations saisonnières, comme c'est le cas en Afrique. L'accélération de l'urbanisation et le développement des techniques agro-alimentaires locales en sont des facteurs favorables. La supplémentation en vitamine A apparaît souvent nécessaire dans le cadre d'un ciblage sélectif (par exemple au profit des enfants à risque) et comme stratégie de transition. La carence en vitamine A est l'un des problèmes nutritionnels auxquels les populations doivent faire face. À terme, c'est par l'alimentation et l'amélioration de l'état de santé que la situation nutritionnelle de la population pourra véritablement, et globalement, progresser.


Sources:

http://www.refer.qc.ca/revues/Sante/5.97/syn1.htm

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