ENCYCLOPEDIE -DE--LA--LANGUE -FRANCAISE

 

Vitrail du début XVe représentant un hortus conclusus (mention lisible en phylactère) - Monfort-l'Amaury (Yvelines, 78490) Eglise Saint-Pierre.

ABBAYE
LES JARDINS
   
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Hortus Conclusus
 
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Introduction
Architecture


Introduction


Si les premiers jardins des monastères chrétiens d'Orient étaient plutôt, rappelons-le, des jardins de désert (voir Jardins du désert ), les premiers jardins monastiques occidentaux étaient quant à eux établis, le plus souvent, nous l'avons dit, dans le cadre de l'architecture romaine : villa, temple, castrum, etc... Par conséquent, il dut y avoir beaucoup de parenté entre ceux-ci et ceux que les Romains installèrent précédemment à l'abri de leur atrium, avec cour et galerie, que l'on connaît par les fouilles de Pompéï et de nombreux textes latins, lui même inspirant le cloître, comme d'autres monuments d'architecture romaine, comme les forums publics et leur pourtour de colonnes, et avant eux l'agora des Grecs, bordé d'arbre (voir Cloître : les lointaines parentés).


 
Hortus conclusus
 
 

Maintenant, si l'on repense aux efforts qu'il fallait déployer pour faire naître ces jardins des forêts, des marais, ou encore des landes, et si l'on y ajoute toutes les menaces planant sur leur devenir (animaux sauvages : sangliers, renards, chevreuils ; animaux domestiques : lapins, cochons ; maraudeurs, envahisseurs successifs) nous imaginons bien que le jardin se devait d'être bien protégé : c'est l'hortus conclusus, le jardin clos (mais aussi hortus gardinus) de toute l'histoire médiévale (et même au delà) dont il s'agit. Mais ce jardin n'est pas clos que pour des raisons humaines, personne ne l'explique mieux que le célèbre moine de Clairvaux :

 
(...) L'épouse n'est pas assimilée à un champ, mais bien à un jardin dans lequel on admire les fleurs spirituelles, et où l'on cultive les plantes aromatiques. C'est dans ce jardin, ô bon Jésus, que vous descendez avec plaisir pour respirer les parfums, pour prendre votre repos, pour le soigner et le garder. « Vous êtes un jardin fermé, ô ma sœur, mon épouse, » dit-il, « vous êtes un jardin fermé. » Par ce jardin, mes frères, entendez les délices qui se ressentent dans l'intérieur de l'âme : par sa clôture, entendez le soin avec lequel on la garde. Qui trouverez-vous de semblable à un jardin, si ce n'est celui dont l'âme est embaumée d'affections spirituelles comme un jardin rempli de plantes odoriférantes? Quel doux sanctuaire ! quelle agréable retraite dans le coeur de l'épouse, dans un coeur assez émaillé de fleurs, pour qu'on le compare à un parterre. Il n'y a aucune racine d'amertume qui germe dans ses rejetons et qui gâte les racines de cette riche terre. Toute plante que mon père céleste n'aura pas mise en terre, en sera entièrement arrachée. C'est le Seigneur lui-même qui a établi ce jardin de délices, dans la pensée de le travailler et de le garder seul. Il s'y occupe de deux manières, il plante et il émonde. Il plante, afin qu'il s'y trouve des herbes bonnes : il émonde, afin qu'il donne des fruits avec plus d'abondance. Il plante, afin qu'il y ait de bonnes semences pleines, il émonde, pour que ces semences ne soient pas affaiblies. De quoi sert-il de mettre en terre des semences choisies, si le travail de purgation ne vient les conduire ensuite à leur plein développement? Le soin diligent de la discipline ne produira rien, si la vigilance ne l'accompagne pas. Il a et discipline et vigilance, celui qui est comparé à un jardin, et à un jardin fermé."

Saint Bernard de Clairvaux, sermon XXXV



Architecture

 

 
Les principaux espaces verts de l'abbaye sont pour la première fois répertoriés par le plan de Saint-Gall (voir introduction au Plan et Plan de Saint-Gall), source principale des connaissances sur le jardin médiéval, que nous avons déjà citée et dont nous parlerons encore. Comme pour le reste du domaine de l'abbaye préfigurée, c'est un modèle qui est proposé là, et qui ne sera d'ailleurs, jamais appliqué à Saint-Gall aussi parfaitement que prévu. Les monastères s'érigeaient et s'organisaient selon leurs propres besoins et les moyens dont la communauté disposait.

En moyenne cependant, et surtout jusqu'à la période Carolingienne, le jardin n'était qu'un simple courtil, comme celui du moine oriental (Antoine de Thèbes) ou occidental (Fiacre ou Strabon), mais encore du bourgeois ou du prince. Dans cet hortulus (petit jardin) étaient réunies toutes les plantes cultivées pour l'alimentation, les soins ou l'ornement, les abbayes opulentes démultiplieront les espaces pour les spécialiser, en particulier avec l'essor de la réforme clunisienne, au cours de laquelle on s'inspirera et même dépassera le modèle de Saint-Gall.


Le plan de Saint-Gall partage les jardins en espaces thématiques et ordonnés, tradition probablement héritée d'une organisation rationnelle des cultures décrite par Varron (Marcus Terentius Varro, env. 116-27 av. J.-C.) dans la "villa rustica" et influencé notamment par les Perses, et leurs fameux jardins en damiers, inspirés de leurs échiquiers, et qui trouveront un écho certain dans la chrétienté. Ces jardins en damiers, en effet, à la fois rationnels et géométriques, seront la norme de tous les jardins du moyen-âge jusqu'au quinzième siècle (et souvent plus tardivement), qu'ils soient laïcs ou religieux.

 
L' hortus (le potager) est généralement plus grand que l' herbularius (le jardin médicinal, ou jardin des simples), mais ils sont organisés de la même façon, en parterres réguliers appelés planches, en carrés (vases) ou rectangulaires (taulas), surélevés et délimités. C'est Albert le Grand (1193-1280) qui préconisa la disposition par carrés des parterres consacrés aux simples, aux plantes alimentaires et aux fleurs odoriférantes. Quel que soit le matériau dont il était bordé, le carré était le plus souvent bordé de passages, probablement de façon à faciliter drainage et irrigation. La forme de damier donnée aux parterres n'est pas un hasard : "Par leur réverbération, ils réchauffent la terre beaucoup plus vite, et l'hiver, ils protègent une grande partie des racines ; ils maintiennent aussi une plus grande humidité, ce qui favorise la croissance des plantes et leur précocité". extrait de "Le jardin médiéval", colloque à l'abbaye de saint-Arnoult, éditions Adama,1988
 
Par contre, la largeur de chaque carré doit permettre de travailler tout autour d'un carré sans l'empiéter. En conséquence, on calcule la moitié de sa largeur en rapport avec la longueur moyenne d'un bras. On établit les mesures avec une corde, généralement de chanvre. Cette pratique fut probablement inspiré par Columelle, qui précise qu'ainsi, celui qui désherbe ne sera pas forcé de marcher sur les jeunes pousses, mais pourra avancer dans les allées et désherber une moitié des carrées de l'allée, puis l'autre.
 
D'autre part, pour les moines, ce qui naît dans un jardin est oeuvre de Dieu et cette oeuvre parle du Créateur lui-même Un jardin sur terre est donc un reflet de l'Eden, et tout doit y appeler la perfection, la beauté divines : ce sera le thème du Jardin symbolique.

Hélas, il existe très peu d'image d'hortus conclusus religieux au moyen-âge (en particulier vitrail de Monfort-L'Amaury, en en-tête et d'autres, le long de cet article), mais les miniatures du moyen-âge et de la Renaissance nous en donnent, nous le verrons, une assez bonne idée. Leur physionomie est de loin la même : Ils sont généralement de petite taille, entièrement clos, aux parterres plutôt carrés. Cependant, on gardera à l'esprit en les admirant qu'il s'agit surtout, dans ces enluminures, de jardins bourgeois, princiers, voire royaux, donc des jardins de luxe ou de grand luxe, dont le faste et la finesse ne devaient pas se retrouver dans beaucoup de monastères, à l'exception des abbayes les plus riches. D'ailleurs, les quelques représentations de jardins monastiques que nous possédons nous transmettent une image modeste de ceux-ci :

 
 
 
 
 

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