Cloître de l'abbaye de Lorsch, reconstitution sur ordinateur

Abbatiale carolingienne de Saint-Denis, vestige d'une base de colonne : socle de pierre carré de 1,20 m de côté sur 0,65 m de hauteur. A voir sur l'agrandissement : feuilles et rinceaux en fin relief.

 

 

ENCYCLOPEDIE -DE--LA--LANGUE -FRANCAISE

-ABBAYE
 

-Les ARTS

au temps des Carolingiens

 
---------ARCHITECTURE
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introduction
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Saint-Denis et Lorsch-----

 

Introduction
Mutations et permanences
Saint-Denis
Lorsch

 


 
Introduction

 
Le changement de dynastie marque un véritable tournant en ce domaine, opéré lors des règnes de Pépin le Bref et, surtout, celui de Charlemagne. En effet, l'espace humble et intime des abbatiales, basiliques ou autres oratoires mérovingiens fait place au volume imposant des monuments Carolingiens, dont la grandeur est dictée par le retour des proportions antiques, particulièrement celle de la basilique romaine. Autre différence notable, si le plan de l'abbatiale mérovingienne était souvent assez simple et compact, celui de l'abbatiale carolingienne est autrement plus complexe, nous aurons l'occasion de le voir. Non seulement on multiplie les volumes, mais on élève différemment les murs. L'exemple le plus parlant, peut-être, pouvant être pris dans l'architecture lombarde, avec l'adoption du chevet à trois absides qui aménage un nouvel espace : la crypte à couloir transversal, adoptée en majorité par les abbatiales (Santa-Maria delle Cacce à Pavie, San Vicenzo al Volturno, reconstruite sous l'abbé Giosué de 792 à 817, Mont Cassin, reconstruite par l'abbé Gisulfo, de 797 à 817), . Elle offre un accès plus aisé aux reliques, mais aussi, un espace privilégié aux moines-prêtres, dont l'effectif ne cesse d'augmenter depuis la fin du VIIe siècle. En effet, ceux-ci peuvent installer des autels supplémentaires et prononcer de manière plus intime des messes privées, près de la sépulture des saints patrons.
 
Le modèle antique, surtout celui de Rome, s'impose en référence. L'architecte carolingien y puise son inspiration (décors, styles, thèmes, vocabulaire classique) et remployait de grands éléments d'architecture qu'il importait. Cette redécouverte de l'antiquité est au service de l'empire, il fait même partie intégrante d'un programme voulu par Charlemagne : c'est la "renovatio imperii".
 
 
De la période carolingienne et romane, il s’est conservé plus de cinquante manuscrits (entiers ou en fragments) du grand classique d’architecture, rédigé au temps d’Auguste par l'architecte théoricien Vitruve. "Nul doute que les maîtres d’œuvre carolingiens s’en inspirèrent. Eginhard, conseiller de Charlemagne, auteur des basiliques de Steinbach et de Seligenstadt, semble en avoir été un fervent admirateur. Quelques semaines avant de mourir, en mars 840, il demande encore à l’un de ses disciples de recopier le passage de Vitruve traitant de la scénographie, c’est-à-dire de la perspective. D’autres grands principes de cet ouvrage, comme la symmetria , la proportio – l’interdépendance proportionnée des différents éléments d’un édifice – et la commodulatio (symétrie des modules et des volumes), ont été puisés à cette source. Le terme de more romano – bâtir de façon romaine – revient souvent à cette période et aura même une incidence sur la disposition des édifices. "
extrait de http://www.freeflights.net/girgols/museum/Architecte.htm
 
Les mutations architecturales que nous venons d'évoquer s'illustrent le mieux au travers des abbatiales, la maison même de Dieu, qui se doit de traduire sa magnificence et celle du plus grand représentant de Dieu sur terre, l'empereur lui-même. Cependant, avec le modèle de Saint-Gall et la réforme de Cluny, c'est l'architecture de l'abbaye tout entière, nous le verrons, qui va rapidement se complexifier, traduisant l'importance de ses fonctions religieuses, sociales et économiques. Le modèle de Saint-Gall ne s'impose pas par hasard : Le vide culturel et politique qu'a laissé la chute de l'empire romain, la volonté d'unification de l'empire voulue par Charlemagne, l'élargissement constant des communautés monastiques, et même leur internationalisation : tout cela appelle des solutions de standardisation, de stabilité, que le plan de Saint-Gall permettra d'initier.
 

Mutations et permanence :

Saint-Denis

Le plus ancien édifice symbolisant ce retour aux sources paléochrétiennes est, sans conteste, celui de l'abbatiale Saint-Denis, édifiée sur l'ordre de Charlemagne et de son frère Carloman, sur la base de l'ancienne église mérovingienne, à compter de 754-770, et consacrée en 775 par l'abbé Fulrad (+784), un des plus proches collaborateurs de Charlemagne et de Pépin. Elle disparaîtra moins de cinq siècles après, par la volonté de l'abbé Suger de faire de Saint-Denis la plus somptueuse des basiliques. Ainsi, le peu que l'on sait* du bâtiment carolingien provient de l'archéologie et de quelques écrits de l'époque.
 
 

 

Abbatiale carolingienne de Saint-Denis

Plan carolingien, d'après Rousseau, au tracé épais
 

Saint-Denis est sans doute le premier exemple monumental en Europe latine à posséder une façade occidentale aussi massive. Et il n'y a pas que la façade principale qui soit massive : les bases quadrangulaires sur lesquelles reposent les 16 colonnes de l'abbatiale sont elles-mêmes très imposantes (voir photo en exergue). Le modèle représenté par la façade occidentale, et qui sera adopté pour de nombreux édifices, est plutôt connu par son nom allemand, "Westwerk" (parfois westbau, massif occidental) : c'est un ensemble composé de deux fortes tours encadrant un corps de bâtiment plus bas qui comprenait un rez-de-chaussée avec un porche – la porte principale de l'église – et un étage : une forme de narthex, en quelque sorte. A Saint-Denis, ce Westwerk formait un avant-corps précédant la nef en une sorte de contre-abside polygonale flanquée de deux annexes et de deux tours. Si le projet de départ prend bien sa source dans l'architecture romaine des derniers siècles, avec sa basilique à colonnes et son large transept, il s'en éloigne radicalement par un nouvel équilibre établi par le westwerk, qui gomme l'allongement basilical, impose un mouvement intérieur différent du pôle occidental (façade) au pôle oriental (chevet) de l'édifice.
 
Saint-Denis réunit déjà les principaux traits distinctifs de l'architecture carolingienne, tout en possédant ses propres particularités :
 
- La basilique à trois nefs, une centrale et deux bas-côtés.
- Le transept communiquant directement avec une abside semi-circulaire.
- L'abside double : La caractéristique de l'abside double ( orientale et occidentale, cette dernière ayant accueilli le corps de Pépin à sa mort, en 768) peut aussi être trouvée à saint Maurice d'Agaune (787), dans le Valais suisse : c'est le principe classique de l'église antique à laquelle a été ajoutée une structure plus récente, incorporant ici un nouveau tombeau découvert dans la partie occidentale. Cela a produit l'abside occidentale, les deux absides ayant des contours polygonaux d'origine byzantine, que l'on rapprochera de celles de Saint-Pierre de Rome.
- La crypte circulaire, rappelle le plan de Saint-Pierre de Rome où existent deux cryptes annulaires avec ambulatoire, déterminant le niveau plus haut de l'abside occidentale. La crypte de Saint-Pierre fut édifiée en 600 par le pape Grégoire Ier et basée elle-même sur le modèle de Saint-Apollinaire-in-Classe, datant de 547. Celle de Saint-Denis abrite son saint patron, Denis.
- Le bloc occidental (Westwerk déjà cité)
- Deux entrées latérales, au lieu d'une entrée unique dans le prolongement de la nef.
- Une tour-lanterne au croisement de la nef et du transept, inspirée peut-être de Saint-Martin-de-Tours (470) :
 

 

Reconstitution carolingienne de l'abbatiale de Saint-Martin de Tours, extraite du livre de Kenneth J. Conant, Carolingian and Romanesque Architecture: 800-1200, 4ème edition, New Haven, 1978.
- Un narthex en forme de portique, travail tardif qui inclut la petite abside en deux petites tours.
 
La nouvelle abbatiale est donc une basilique monumentale, comparée aux plus vieilles abbatiales franques, dotées d'absides étroites, que ce soit Fulda, Echternach ou Reichenau.


Note * : principalement grâce aux recherches de :
 
- Michel Fleury (+ 1989), historien-archéologue, comme il aimait se définir lui-même, pionnier de l'histoire sociale, spécialiste du vieux Paris.
- Mac Crosby (1909-1982), historien d'architecture, spécialiste de l'abbaye Saint-Denis (auteur de "The abbey of St-Denis, 475-1122", New Haven:Yale University Press
- Jules Formigé (1879-1960), architecte des monuments historiques.


Lorsch

 
Abbatiale de Lorsch et son atrium à la fin du VIIIe siècle

 

Plan d'après Thümmler

 

 

Reconstitution

de Rudolf Adamy, "Die fränkische Torhalle und Klosterkirche zu Lorsch" , 1891.
 

Ce qui prouve bien que le mouvement insufflé par l'élévation de l'abbatiale de Saint-Denis n'entre pas dans un cadre rigoureusement défini, ne fait pas non plus partie d'un programme imposé, c'est la construction de l'abbatiale de Lorsch, pourtant entre les mains d'un des personnages clefs des réformes de Charlemagne, dont le moment s'intercale entre la naissance de celle de Saint-Denis et celle de Centula (Centule, Saint-Riquier), le modèle sûrement le plus abouti des basiliques carolingiennes, comme nous le verrons. Et cela devient encore plus évident si on pense aux abbatiales qui suivirent l'érection de Centula, et qui reviennent, à quelques nuances près, au plan basilical romain : Fulda, de 791 à 819 environ ; Saint-Gall en 830, etc...

C'est de 767 à 774 que s'éleva l'abbatiale Saint-Nazaire-de-Lorsch, fondée par Chrodegang, parent de Charlemagne, évêque de Metz, et qui prit une part essentielle dans les réformes carolingiennes de l'Eglise (voir Benoît d'Aniane, Le temps des Carolingiens). L'abbatiale fut ensuite sous la protection de Charlemagne lui-même et de sa lignée.
 
Si l'église possède un westwerk imposant, qui lui confère superficiellement un type carolingien, son style est bien ancré dans la tradition basilicale romaine : Elle se déploie, en effet, tout en longueur, sans transept, avec une abside carrée très peu profonde.
 
L'élément carolingien le plus célèbre de Lorsch demeure sa "Torhalle", étudiée séparément.
 
Classés depuis 1991, parmi les 417 sites historiques que recensent les Nations Unies à travers le monde, les restes de l'abbatiale et la "Torhalle" bénéficient aujourd’hui d’une protection particulière. Il y’a plus de mille ans, elles faisaient partie intégrante d’un grand ensemble architectural de plus de 170 mètres de long.

 
Sources :
    http://www.brynmawr.edu/Acads/Cities/wld/01010/01010b.jpg (détail, peinture, du porche de Lorsch)

 

http://www.sino.uni-heidelberg.de/students/tjuelch/Illustrationen/Kloster1_gross.htm
 
 

 

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