ENCYCLOPEDIE -DE--LA--LANGUE -FRANCAISE
- LETTRE A
 

--HUMOUR--


 

Lettre A - Humour

 

L'A du dix-neuvième siècle se prenait parfois très au sérieux, jugez plutôt :

 

C'est tout naturellement que le a possède son droit d'aînesse... elle précède les autres lettres dans la composition de l'alphabet puisqu'elle est la première dans l'ordre de la nature...elle se fait entendre dans les bruits élémentaires : vagues, foudres, plainte éternelle d'un grand lac (je n'invente rien), ramages d'un oiseau ( j'ai l'impression de n'y entendre que des i, moi) ...
elle serait présente dans presque tous les mots qui illustrent la campagne : charrue, vache,cheval, arbre, laitage. (Et terre, blé, cochon, pin……. ?)

Bien sûr, on peut comprendre les envolées lyriques qu'a suscité ce A qui, dans tous les alphabets d'origine sémitique, a conservé la tête du peloton. Mais, sous d'autres cieux, sa place de leader est souvent remise en cause.

Laissez-vous tout de même charmer par ses panégyristes :

- " Le son de l'A convient au calme d'un coeur champêtre, et à la paix des tableaux rustiques" , si môssieu !
- " L'accent d'une âme passionnée est aigu, sifflant , précipité, l'A est trop long pour elle ".

- " La nature fait entendre cette lettre rurale dans ses bruits, et une oreille attentive peut la reconnaître, diversement accentuée, dans le murmure de certains ombrages, comme celui du tremble et du liège….. " (Et le sapin, le cèdre du Liban, non ? Ah bon, tant,
pis !)

Le grand Voltaire a dit d'elle qu' "elle devint une lettre sacrée pour presque toutes les nations, parce qu'elle était la première ".

Je ne résiste pas à une citation d'un brillant aède (forcément un type, à l'époque) dont je n'ai pas pu lire le nom, mais qui vaut son pesant de cacahuètes :
" A l'aspect du Très- Haut sitôt qu'Adam parla
Ce fut apparemment l'a qu'il articula.
" ( ça rime, tout de même !)

Notre encyclopédie trouve quand même étranges certaines opinions:

Un espagnol, Horozco Sebastian Covarruvias*, affirme que "les garçons naissent en prononçant le son a parce que c'est l'initiale d'Adam". (et les petites filles disent " è ", bien sûr, puisque c'est l'initiale d'Eve!)

Un autre petit malin, Fabre d'Olivet pour ne pas le nommer, donne au A "la puissance et la stabilité", sans compter "les idées d'unité que la lettre possède en elle". Mais cette force ne comble pas Court de Gébelin qui sait que "le son A a été placé en tête de l'alphabet comme son le plus haut, tout bonnement parce que Dieu a fait l'homme ...

chef de tout " !!! (c'est évident, voyons!)

 

Certainement plus réjouissante, plus ludique aussi, est la manière que les hommes ont eu depuis fort longtemps de jouer avec les lettres, soit pour orner, enjoliver l'écriture ( ou l'art : voir, l'A de Charlemagne) soit pour y trouver de multiples correspondances. En voici quelques exemples, dont plusieurs du XIXe siècle, qui sont un pied de nez aux A prétentieux dont il a été question au début du chapitre :

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1. Devinez l'alphabet, de P. J. Stahl - Bois gravés de Théophile Schuler : A - Hetzel, Paris, 1865
2. Alphabetville, de Stephen T. Johnson, Editions circonflexe, 1996. (Aux Couleurs du Monde - La Joie par les livres)
3. Les polichinelles utiles ou l'origine des lettres - 1826 - alphabet
4. Alphabet comique de Daumier - BNF - 1836
5. .L'A extrait de l'Almanach du père Ubu, d'Alfred Jarry: C'est la panse du Père Ubu, mais aussi la faim.

sources :
 
- http://www.bnf.fr/web-bnf/pedagos/dossiecr/atelier/
- http://www.bnf.fr/web-bnf/pedagos/dossiecr/atelier/grand/sq01-02.htm
- http://www.bnf.fr/web-bnf/pedagos/dossiecr/atelier/grand/sq05-01.htm



* Grammairien espagnol, frère du savant espagnol Horozco Juan de Covarruvias. Chapelain de Philippe III, chanoine de Cuenca et conseiller du Saint Office. Publia à Madrid, en 1611, un "Tesoro", le premier dictionnaire castillan qui ait quelque valeur. Il y en a une édition meilleure et plus complète, publiée par Benito Remigio Noydens (Madrid 1674, pet. in-fol.).