ENCYCLOPEDIE --UNIVERSELLE---
DE--LA--
LANGUE -FRANÇAISE
 



 




-
Ablution,
deuxième partie
La Haute Antiquité :
                 L'EGYPTE







"Dès l'aube, tu resplendis sur l’horizon,
 Tu illumines, Disque étincelant ,
Tu chasses les ténèbres, dispenses tes rayons,
Les Deux Pays  se réveillent en fête
Alors, les hommes se dressent sur leurs pieds,
Ils se lavent  le corps
Se saisissent de leurs habits.."
 

extrait du Grand Hymne à Aton d'Akhenaton

source : 

Tell el-Amarna,  porte du tombeau n° 25  du pharaon Ay II , règne de -1327 - 1323






Au contraire de la Mesopotamie, il semblerait que seuls les membres des classes  élevées et un certain nombre des classes moyennes de la société antique égyptienne aient possédé chez eux des salles de bains privées. A Amarna, par exemple, l'égyptologue Florence Maruéjol nous dit que les maisons des classes populaires n'en possèdaient pas, au contraire de celles des fonctionnaires, des prêtres ou des chefs d'artisans (L'Egypte Ancienne, éditions La Boétie).
Les Egyptiens habitant près du Nil ne devaient pas hésiter à s'y baigner, comme la princesse dont le récit biblique dit qu'elle a découvert Moïse dans un panier :

"La fille de Pharaon descendit au fleuve pour se baigner, et ses compagnes se promenaient le long du fleuve. Ayant aperçu le panier au milieu des roseaux, elle envoya sa servante pour la prendre. Elle l'ouvrit et vit l'enfant: c'était un petit garçon qui pleurait. Elle en eut pitié, et elle dit: "C'est un enfant des Hébreux."


Bible, Ancien Testament, Exode 2 : 5-6, VIIe siècle avant notre ère.

Les gens des milieux populaires  devaient se laver aussi dans des cours, ou un coin de la maison en terre battue et employer des bassines d'eau.

             
Gizeh (Giza),  Tombe de Covington (chambre funéraire dans le mastaba T, imposant, de 62 m x 35 m), IIe/IIIe dynastie, environ - 2900 - 2700, fouilles de Dow Covington et de James Edwar Quibell dès 1902 

bassine de lavage pour un pied, argile rouge


 
A Medinet-Habou, on a retrouvé des cabines de douche et d'aisances dans le palais de Ramsès III (  - 1183 - 1152),  voir image 7. Par ailleurs, comme en Mésopotamie, des baignoires qui ont servi à des hauts personnages ont pu servir à leur mort de sarcophage, voir image 8.


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7a et 7b.  Salle d'eau  du Palais de Ramsès III à Medinet  Habou.
 
 
Le bac à douche a été taillé dans du calcaire et d'épaisses dalles de pierre recouvraient les parois (image 7a), par dessus des murs en  terre crue. 
8.  Baignoire-sarcophage  de Nectanebo II,  Pharaon de la XXXe dynastie d'Egypte,  -  345, 313 x  162 x 118 cm, en  conglomérat ("roches détritiques consolidées, généralement sédimentaires, parfois volcaniques, constituées de fragments unis par un ciment naturel"
s
ource : http://www.universalis.fr/encyclopedie/conglomerats-petrologie/,)

L'intérieur est décoré de représentations de divinités funéraires, les enfants d'Horus et Anubis, des figures d'Isis et de Nephtys et Elle fut réutilisée plus tard  à la Mosquée Attarin (ancienne basilique Saint Athanase) à Alexandrie  pour des bains rituels. A l'extérieur des textes en hyérogyphes y sont gravés, ainsi de des figures de Râ, d'Osiris et d'autres divinités.



Les Egyptiens de l'antiquité ne connaissaient pas le savon tel que nous le connaissons, mais utilisaient différents produits nettoyants à base de nitre ou natron, mot très ancien puisqu'on en trouve la racine dans beaucoup de régions : nitiru, nitru pour l'Assyrie, nether en hébreu, nethrâ chez les syriaques, ntri en Egypte, nitron en grec puis natrum en latin. Le natron est un carbonate de sodium, de la soude, mélange  de sels naturels tirés pour l'essentiel des lacs salés du Fayoum, dans le Wadi Natrun et à El-Kab en Haute-Egypte, au sud de Louxor.

Chez les Egyptiens de l'antiquité, on connaît trois formes hiéroglyphiques pour désigner le natron : ntri, bd (bed, bedu) et 
smn (hesman, hesmen, hesmeny).

 HSMN, natron en hyéroglyphe


   sac de natron caché dans le sarcophage de Toutankhamon, Thèbes, Vallée des Rois, vers - 1336 - 1327, Nouvel Empire, Période Amarnienne.



Au natron, venait s'ajouter  des cendres et de l'argile pour composer le savon (mais aussi le shampooing) le plus répandu, appelé
swabu, 'suâbu' , de (s) wab : laver (Lucas 1962;85). Le célèbre papyrus Ebers (vers - 1550)  retrouvé à Luxor (ancienne Thèbes) évoque, quant à lui, la composition d'une sorte de  pâte faite de graisses animales et d'huiles végétales mélangé à des sels alcalins, utilisée pour se laver et soigner les maladies de peau  :  pour la nature des huiles végétales,  les interprétations varient :  soumpe (sump, soimpe, balanites aegyptiaca (Nunn, 1996), figuier sycomore (ficus sycomorus,  Budge 1978) ou, dans le doute, seulement  " le fruit du išd " terme même du papyrus (Faulkner, 1996; Ghalioungui, 1987).  La pistache, fruit de divers Pistacia était utilisé aussi dans la composition de savon (Jeffrey, 1980;494)


Le natron est intimement lié à l'univers sacré des anciens Egyptiens. Il est vecteur de purification, de divinisation :

Beaucoup de textes évoquent le natron comme élément essentiel des rites de purification, et tout particulièrement ceux liés à l'embaumement (par ailleurs les prêtres se lavaient souvent la bouche au natron avant d'officier). 
On utilise du natron, ntri pour rendre le mort divin, ntr quand on lave les corps pour l'embaumement  (Kayser, 1991; Aufrère, 1986), à l'intérieur du crâne pour dissoudre une partie du cerveau, mais aussi  en mélange avec de la myrrhe pour laver l'anus ou en mélange avec de la sciure pour boucher des cavités du corps embaumé (Vos, 1993 : Rituel Apis de l'embaumement, papyrus provenant de Memphis (Saqqara), époque Ptolémaïque, vers -250 - 100, R.)

Sur les défunts momifiés, on pratiquait un rite que les égyptologues ont appelé le Rite de l'Ouverture de la Bouche, par lequel le personnage décédé était censé retrouver l'usage de ses organes dans son existence après la mort. Voici un extrait d'une exposition de ce rituel trouvé dans la tombe (TT 100) de Rekhmire (Gouverneur de la ville et vizir, XVIIIe dynastie, règnes de Thoutmosis III (1478-1425 av JC) et d'Aménophis II (1425-1401) :
"Ô Osiris, maire de la Ville et vizir, Rekhmirê. Tu descends et tu es purifié dans le bassin de natron; tu te rends divin dans le bassin de Maât...."  
(...)
Le Compagnon tourne autour de lui quatre fois avec cinq boulettes
Paroles à dire quatre fois
pour Rekhmirè : pur, pur..
Ta purification est la purification d'Horus, de Seth, de Toth et de Dounânouy*
 Les paroles sont dites :  J'ai rempli pour toi ta tête et tes os  avant Geb
**
L'action de Toth  le purifiera entièrement
(...)
Tu es lavé, Horus est lavé (purifié), tu es lavé, Seth est lavé
Tu es lavé, Toyh est lavé, Tu es lavé, Dounânouy est lavé
Tu es lavé, introduit  au milieu d'eux
Ta bouche est une bouche de veau de lait, le jour de sa naissance
toi qui est dans le giron d'Isis, ta mère..."

extrait de :  https://www.osirisnet.net/tombes/nobles/rekhmire100/rekhmire100_01.htm

* Ces dieux sont les symboles des quatre points cardinaux :  A Horus, le Nord, Seth, le Sud, Thot, l'Ouest et Dounânouy (Dunanwy), l'Est.
**  dieu de la Terre








Cérémonie funéraire d'un boeuf, abattage sacrificiel avec aspersion rituelle, Tombeau de Menna,  "Arpenteur et scribe du cadastre du Maître du Double-Pays de Haute et de Basse-Égypte", XVIIIe dynastie, règne de Thoutmosis IV (1401-1390 av JC).




Peintures de la tombe de Neferrenpet, Vizir du pharaon Ramsès II (- 1279 - 1212), on voit à gauche ce très haut personnage, en face d'un couple royal divinisé, (Aménophis I et sa mère Ahmes-Nefertari),  brûler de l'encens dans sa main droite et faire une libation de sa main droite au-dessus d'un autel rempli d'offrandes.




                                                 A   SUIVRE... bientôt !


SOURCES : 
 
textes  :
 
- http://www.persee.fr/doc/mom_1955-4982_2004_mel_39_1_2334
L’espace résidentiel dans le palais de Mari au temps du roi Zimri-lim, Bénédicte Marie-Grand
- http://www.persee.fr/doc/syria_0039-7946_1936_num_17_1_3886 
Les fouilles de Mari, deuxième campagne d'André Parrot, 1934-35
- https://ses.library.usyd.edu.au/bitstream/2123/8893/1/Wicks,%20Y_thesis_2012.pdf
- http://www.akadem.org/medias/documents/Ps104-Doc4.pdf
- http://www.iaw.unibe.ch/e39448/e99428/e122665/e122821/pane123080/e199038/
Lexiquesumrien-franais.pdf
https://archive.org/details/greatcylinderins02pricuoft  (cylindre de gudea : texte intégral en anglais)
-https://archive.org/details/lescylindresdego01thuruoft (cylindre de gudea traduction française de François Thureau-Dangin, 1905)
-http://www.persee.fr/docAsPDF/rhr_0035-1423_1972_num_181_2_9833.pdf-http://www.iaw.unibe.ch/
e39448/e99428/e122665/e122821/pane122850/e122920/2_5_3_1.pdf  (texte de l'hymne d'Iddin-Dagan)
-  Ancient Egyptian Materials and Technology,  Cambridge University Press  
illustrations :
 
 
- http://toilet-guru.com/neolithic.php (skara brae)
- https://www.harappa.com/slide/great-bath-mohenjo-daro-0
- http://www.ancient.eu/image/3061/
- https://www.cairn.info/revue-annales-2004-1-page-39.htm (carte Indus)
-  https://www.harappa.com/slide/bath-area-mohenjo-daro (salle de bains)
- http://aofe.pbworks.com/f/Mohenjo-Daro.pdf (illustration douche)
-http://cdli.ox.ac.uk/wiki/doku.php?id=cylinders_of_gudea 
- http://www.carlos.emory.edu/content/larnax-bath-tub
 - http://www2.econ.iastate.edu/classes/econ355/choi/images/c/CRE124.JPG  (larnax2)
- https://ses.library.usyd.edu.au/bitstream/2123/8893/1/Wicks,%20Y_thesis_2012.pdf  (baignoires sarcophage)
- https://olimoraninluxor.files.wordpress.com/2013/01/p1160038.jpg (douche medinet habu)
- http://www.universalis.fr/encyclopedie/conglomerats-petrologie/ (sarcophage nectanebo II)
- https://hairanddeathinancientegypt.files.wordpress.com/2013/08/menna c2_southwall_
14_bg-tt69-www-osirisnet-net.jpg  (tombe de menna)
- http://2.bp.blogspot.com/-0XMs48J-W-I/UZo5V9ApuRI/AAAAAAAABeo/XH1DNHr8OoM/s1600/
weighing.png  (papyrus hunefer)
- http://www.metmuseum.org/toah/works-of-art/1988.437.2/ (sac natron)
- http://www.pbslearningmedia.org/resource/xir19819/sacrifice-and-purification-of-a-bull
-an-xir19819-egyptian/  (abattage)